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Archives de Catégorie: COMPTE-RENDU de LIVRE

Le nouveau blog va donner ça

Voici le nouveau blog tel qu’il se présente, Franck a fait un travail énorme… pour rendre l’ensemble lisible et attrayant…

Moi, je suis en train de reprendre des textes depuis l’été 2011 où histoire et société a été mis en place. Je suis assez contente et étonnée par la richesse des articles, un certain nombre ont été déjà reportés comme celui que vous voyez en une sur Lacan ou sur lle triomhe français après l’expédition libyenne.

Donc il y a comme prévu quatre grandes rubriques plus des brèves du « hérisson » qui dès maintenant réclame qu’on lui gratte le dos. Ces quatre rubriques sont

  1. actualité, avec deux articles dont vous ignorez tout. dont un petit bijou sur les USA et les guerre picrocholines plus par ordre alphabétique
  2. cinéma avec Barry Lindon mais aussiNani Moretti et samuel Fuller plus le cinéma chinois
  3. civilisation accorde une large part à la Chine et pas seulement la politique..
  4. textes fondamentaux avec ce Lacan et la Révolution illustré par Gericault

Les titres et les photos vont changer au fur et à mesure des parutions mais vous aurez un panorama plus complet et plus lisible.

Merci à Franck , la collaboration fonctionne si bien que je lui ai dis que nous étions ginger Roger et fred astair… Il y a françois le hérisson, Marianne bien sur…

Mais ce blog est toujours le votre, et déjà des collaborations sont là…

cela me paraissait étonnant de voir combien ce blog avait réussi à fédérer non seulement des lecteurs, mais des lecteurs de qualité, attentifs et amicaux mêle s’ils n’interviennent pas toujours, mais en reportant les articles j’ai compris ce qui nous rassemblait Imaginez j’en suis toujours en 2011, et cela n’a pas vraiment vieille. Ce matin, das une de mes longues marches, j’ai rencontré un des lecteurs. Nous avons longuement discuté de l’actualité mais aussi de articles qu’il souhaitait conserver et de la manière dont ce blog était devenu sien.

L’aventure c’est aussi cette réponse immédiate de Franck à ma demande, nous ne nous sommes jamais rencontrés, il ne vit pas en France et pourtant,il a accompli un travail énorme… François est dans la Sarthe, nous nous téléphonons et nous nous racontons notre vie… Tous de sensibilité communiste, tous refusant d’être autre chose tout en ayant du mal à se reconnaître dans l’événementiel..

Voilà, vous l’aurez deviné avant de me lancer dans cette aventure j’étais blessée. Je dis souvent en plaisantant: si je suis communiste c’est parce que je hais l’injustice, a fortiori si elle me touche! » Maintenant je peux plaisanter et imaginer une autre manière d’être utile… Merci à tous et continuons

Quelques rendez-vous

jusqu’au 22 mars je vais transférer une partie des textes du blog et  les présenter sur facebook. Une faible partie parce que l’ancien blog reste consultable… Le nouveau blog est ainsi fait qu’il permet de saisir une sorte de photo temporelle des préoccupations concernant l’art, la politique et le peuple en train de faire l’histoire. C’est un kaléidoscope de l’histoire en train de se faire, l’histoire qui réunit l’événement du présent et les temps longs de l‘humanité. Les images et les sujets glissent et se figent dans une configuration qui parle et j’en suis ravie, je regrette que vous ne puissiez suivre ces métamorphoses. C’est exactement ce que je voulais, plus complexe je ne saurai l’alimenter mais tel qu’il est il produit du sens. merci Franck. Il s’agit non seulement d’une opération « technique » mais d’un Retour sur un passé proche pour tenter de lire le présent et même l’avenir…

une autre remarque: il est des flâneries qui par rapport à la politique politicienne qui croit aller tout de suite à « l’urgent » permettent de gagner du temps.

Le 22 mars, après le résultat des municipales,on peut espérer que le blog sera en fonctionnement, bien que Franck soit un dangereux perfectionniste et que Marianne ne puisse nous rejoindre qu’à la fin avril, je reprendrai alors le fil de l’actualité (je continue à la suivre même si je ne publie rien) et je serai sans doute en état de mieux penser ce que je souhaite faire en matière d’engagement social et politique.

je marche et je réfléchis beaucoup, je me sens en pleine forme. N’oubliez pas le 29 février et le premier mars, rendez-vous à Reillane (Alpes de Haute Provence) pour un débat autour de mes mémoires et d’un film drôle et pertinent sur la Révolution…

 

danielle Bleitrach

 

 

 

 

 

 

 

 
4 Commentaires

Publié par le février 12, 2020 dans COMPTE-RENDU de LIVRE

 

Vous pouvez acheter le livre de Xi Jinping, construisons une communauté de destin.

Marianne et moi avons eu la chance de pouvoir lire et souvent commenter la dernière publication de XI jinping traduite en français, elle est désormais disponible à la libraire Phenix à Paris. Un autre livre est actuellement en préparation.
Bonjour Danielle!
Voici un lien Internet qui permet de commander par Internet le livre de Xi Jinping « Construisons une communauté de destin pour l’humanité » vendu dans une librairie parisienne :
Plus il y aura de gens qui l’achèteront, plus la librairie en commandera de Chine, plus le livre circulera en France. N’hésite pas à faire circuler ce lien sur ton blog!

Amitiés.

Peggy

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On peut penser que la nouvelle épidémie du Coronavirus confronte la Chine et l’ensemble de l’humanité à la nécessité d’une collaboration scientifique au niveau mondial, l’existence d’une coopération basée sur la transparence et sur la communication des faits autant que des recherches. Il y a  une évolution dans ces deux domaines de la part des Chinois et celle-ci est incontestablement à mettre en relation avec la philosophie que propose la Chine pour penser la mondialisation face au chaos, aux crises de la mondialisation capitaliste. Soit on s’amuse à jouer avec » le péril jaune » doublée de la peur des « rouges » comme le font nos médias, soit on ouvre le dialogue. Le problème que met en évidence cette crise est celui non seulement d’une recherche ouverte non liée au profit et à la nécessité de sortir le reste de la planète du sous développement pour faire face à des épidémies qui ne manqueront pas de surgir sous des formes encore plus aiguës comme l’ont été la variole et la grippe espagnole. Enfin, il faut bien mesurer que le rapport des forces au niveau mondial n’est plus ce que l’on croit et que la plupart des dispositions proposées par les Chinois sont déjà inscrites par l’ONU dans la charte qui gouverne les relations entre les peuples (note de Danielle Bleitrach).

 

Dans ses discours officiels, l’ancien premier ministre chinois Wen Jiabao a maintes fois employé des formules comme « village planétaire » ou « grande famille »9. Le terme « grande famille » a été repris dans le thème de la 15e réunion informelle des dirigeants de l’APEC tenue en 2007 : Renforcer la construction de la grande famille et créer un avenir durable commun. L’idée de « communauté de destin pour l’humanité », une fois énoncée a reçu des interprétations multiples et a été perçue dans la lignée de plusieurs stratégies dont le « rêve chinois ».

Rôle du Parti communiste

Le Parti communiste chinois « est un parti politique qui se bat pour la cause du progrès de l’humanité », s’est ainsi exprimé Xi Jinping dans son rapport présenté au XIXe congrès du PCC.

Le PCC considère que les partis politiques sont une force majeure en faveur de la construction d’une communauté de destin pour l’humanité et qu’ils doivent jouer un rôle plus important dans ce cadre. Xi Jinping a insisté : « Le Parti communiste chinois n’importe pas de modèle étranger, ni exporte le modèle chinois, il ne demande pas aux autres pays de copier l’expérience chinoise. » En accentuant sur le rôle des partis politiques dans la construction de la communauté de destin pour l’humanité, le PCC veut remédier au développement excessif du néolibéralisme et de l’individualisme depuis le xxe siècle.

Les buts du parti communiste chinois face au chaos engendré par la mondialisation capitaliste et sa crise structurelle

Le Parti communiste chinois propose la construction d’une communauté de destin pour l’humanité comme une solution de gouvernance mondiale pour réagir aux conséquences de la mondialisation. Une solution qui devrait résoudre les problèmes qu’aucun pays à lui seul n’est capable de résoudre et qui privilégie la coopération gagnant-gagnant. Enracinée dans la culture chinoise, la stratégie de la communauté de destin pour l’humanité fait écho aux deux grands thèmes de notre époque que sont la paix et le développement. Construire une communauté de destin pour l’humanité s’entend également par l’établissement d’une communauté de développement et l’installation d’un ordre international durable et stable.

La solution s’applique sur 5 plans : politique, sécurité, économie, culture et écologie, en promettant un monde « beau, propre, ouvert et inclusif et marqué par la paix durable, la sécurité universelle et la prospérité commune ». Cette nouvelle approche pour gérer les relations internationales est appliquée dans le cadre des programmes tels la Ceinture et la Route, l’Institut Confucius et la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures.

 

L’écologie

Construire une communauté de destin pour l’humanité revient à privilégier la recherche des intérêts communs de toute l’humanité, la sauvegarde de l’écosystème intact et l’équité intergénérationnelle. C’est une philosophie qui s’oppose à la recherche des intérêts économiques des individus ou des groupes au détriment des intérêts communs de l’ensemble des humains, conséquence de l’industrialisation. Xi Jinping n’a pas oublié d’aborder la protection de l’écosystème lors de la Réunion de haut niveau sur la Construction d’une Communauté de destin pour l’humanité tenue à Genève, lors du Sommet climatique de Paris et du Forum sur la Coopération internationale dans le cadre de l’Initiative de la Ceinture et de la Route

Droits de l’homme

La protection des droits de l’homme fait partie de la construction de la communauté de destin pour l’humanité. Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères : La Chine a déjà obtenu des résultats plutôt satisfaisants en termes de protection des droits de l’homme de ses citoyens et a contribué au progrès de la cause des droits de l’homme sur le plan international. Le rêve chinois en droits de l’homme consiste à faire de la Chine un pays prospère, à assurer le bonheur du peuple chinois et à promouvoir un meilleur développement du monde21.

Mars 2018, le Conseil des Nations unies pour les Droits de l’homme a adopté la Résolution sur la promotion d’une coopération mutuellement avantageuse dans le domaine des droits de l’homme, proposée par la Chine. On pouvait retrouver l’idée de construire une communauté de destin pour l’humanité dans ce document adopté par 28 voix pour, 17 abstentions et une seule voix contre, celle des États-Unis. À l’occasion de la première édition du Forum Sud-Sud sur les Droits de l’homme, la Chine a soutenu que le droit à la sécurité était le plus important des droits de l’homme, critiquant certains pays d’abuser de la question des droits de l’homme pour « embêter les autres ».

Diplomatie

Donnant un nouveau cap à la diplomatie chinoise, la stratégie de la communauté de destin pour l’humanité est sensée proposer au monde une solution chinoise. Dans la continuation des politiques de la diplomatie chinoise de différentes époques depuis la fondation de la République populaire de Chine, l’idée de la communauté de destin pour l’humanité marque aussi un rejet de la solution d’organiser l’ordre international selon la définition conventionnelle du pouvoir de l’Occident

C’est à la lumière de cette stratégie que la Chine se définit à l’international en tant que force en faveur de la paix, du développement et du maintien de l’ordre. Elle se veut également une « ancre de la stabilité » et une « source de la croissance » à un moment où l’Occident sombre dans le chaos. Elle s’efforce de manière plus active de promouvoir ses solutions dans les domaines économique et climatique, et de faire avancer la réforme de la gouvernance mondiale. On parle désormais de la « diplomatie Xi Jinping ». Le Parti communiste chinois « est un parti politique qui se bat pour la cause du progrès de l’humanité », s’est ainsi exprimé Xi Jinping dans son rapport présenté au XIXe congrès du PCC.

 

 

Est-ce que l’écologie politicienne est un totalitarisme ?

Prenez la peine d’écouter cette intervention d’un biologiste qui nous parle d’écologie et de communisme… A partir du cas de Cuba mais aussi de la Chine et de l’URSS, il opère un bilan.

Ce qui me parait le plus intéressant de sa démarche, c’est que premièrement il n’oppose pas science et écologie, mais au contraire il montre que la science est nécessaire pour penser la sauvegarde de la planète autant que celle des êtres humains. De ce point de vue, il y a d’autres penseurs qui eux ne sont pas marxistes et qui ont défendu ce rôle de la science dans la solution des problèmes qui se posent à notre planète. Je pense à Jared Diamond avec le très célèbre « Effondrement » et ce même auteur avait écrit avant De l’inégalité parmi les sociétés paru en 1997 et traduit en français en 2000. Le sujet du livre est l’effondrement sociétal avec une composante environnementale, et dans certains cas également la contribution de changements climatiques, voisins hostiles, partenaires commerciaux, et également des problèmes de réponse sociétale. Jared Diamond voudrait que ses lecteurs apprennent de l’histoire. La manière dont il traite de l’Islande, de l’île de Pâques mais aussi de la Chine témoigne de la rencontre possible entre chercheurs marxistes préoccupés d’écologie et un courant écologique plus positiviste mais qui ne nie ni sciences, ni société. Il me semble qu’en France, il existe avec la revue du PCF Progressistes, la base d’une telle rencontre.

Autre chose est l’opération politicienne décrite ici et qui fait de l’écologie une nouvelle figure de la manière dont le capitalisme cherche la voie politique à sa propre survie. Ici nous avons la présentation de deux livres écrits par Guillaume Suing chez Delga qui pose des questions fondamentales sur cette « écologie » dont il montre que si un courant de pensée mérite le terme de totalitarisme c’est bien celui-là, dans la mesure où il part du principe qu’il n’y aurait qu’une seule question à résoudre devant laquelle disparaissent toutes les classes sociales et avec elles leurs responsabilités réelles dans la destruction de l’environnement et des êtres humains.

Il y a incontestablement dans cette opération une manière de tenter de recréer au profit de cette idéologie les opérations que depuis l’ère Mitterrand on a mis en place autour d’une social-démocratie qui a rompu avec sa base ouvrière. En particulier, l’idéologie des droits de l’homme devenue prétexte à invasion et pillage, les droits de l’homme contre l’humanité et au plan intérieur l’acceptation d’un libéralisme qui remet en cause les conquis sociaux, bref une collaboration de classe qui elle aussi tente de s’appuyer sur des couches moyennes, une jeunesse diplômée que l’idéologie néo-libérale fait glisser vers la prolétarisation. Macron est aujourd’hui la résultante de cet épisode et est recherché un nouvel avatar avec l’écologie politicienne.

Il faut écouter de ce point de vue la démonstration tout à fait pertinente de Guillaume Suing, lire ses livres, mais il faut également considérer ce qui se passe aujourd’hui en France à la fois dans la lutte contre le régime des retraites que veut imposer Macron, qui lui aussi a prétendu jouer l’écologie… et la campagne des municipales.

Le système désormais bien rodé entre Le Pen et Macron, mis en place là encore par Mitterrand qui a volontairement donné force à Le pen, est apparu insuffisant au moment des Européennes et lui a été adjoint un troisième à savoir la très libérale et très européenne écologie qui donc fonctionne par rapport aux véritables décideurs de l’UE comme une roue de secours. Ce système est compatible à la fois avec Macron et dans ses pires aspects avec Le Pen. Ses pires aspects sont une sorte de haine des êtres humains considérés comme des nuisibles par rapport à la planète, voire aux animaux.

Je dois dire que mes principales réserves face au positionnement du PCF, à la fois dans la bataille pour les retraites et pour les municipales consiste dans la manière dont il a cru bon de mettre en selle des gens qui au niveau de l’UE ont adopté la même politique que Macron. Je crois que les verts en particulier vont partout tenter de s’imposer y compris contre les mairies communistes comme cela se passe à Ivry ou à Rouen, pour mieux in fine se partager le pouvoir avec la république en marche sous couvert de lutte contre l’extrême-droite. La bataille perdue au niveau de l’opinion publique sur le régime des retraites est en train de tenter d’imposer par la répression la plus féroce d’une police dont Emmanuel Todd note avec justesse qu’elle vote à 50% pour le FN, c’est-à-dire un pouvoir régalien qui ne craint pas d’aller jusqu’au fascisme et dans le même temps il s’agit de maintenir le plus possible l’illusion réformiste du dialogue, celle de la CFDT mais celle aussi d’une force politique ad hoc, imposant pistes cyclables et tri sélectif pour mieux faire accepter les politiques de l’UE et le bellicisme du capitalisme.

A ce titre la haine de la Chine, la manière dont tout est utilisé pour en faire le principal péril tout en lui niant son caractère socialiste dans son développement et dans sa volonté de résoudre la misère tout en adoptant des choix plus respectueux de l’environnement sont complètement niés et ce qui se passe de ce point de vue sur les plateaux de télévision est de ce point de vue exemplaire, on y retrouve l’idéologie des droits de l’homme et une vision trafiquée de l’écologie pour justifier toute la tentative de l’impérialisme pour rester dominant. Il n’est pas question de résoudre le problème posé par le coronavirus, il est question de l’utiliser pour entretenir la haine du communisme. C’est si vrai que Cuba dont la politique réellement écologiste est reconnu de tous est passé sous silence et ce qui lui est infligé de la part des Etats-Unis n’est jamais dit. La vision qui est entretenue est celle d’un pays riche dont on mobilise une jeunesse envers un ennemi : l’être humain en général (toutes classes confondues) contre la planète.

Il est clair que nous allons assister aux lendemains des municipales, ne serait-ce qu’au deuxième tour et surtout lors de l’élection des maires à quelques révélations sur la nature des opérations en cours.

Cela va pour moi dans le talon d’Achille du PCF, l’incapacité à se penser en tant que mouvement communiste de classe dans le temps et dans l’espace, l’absence de stratégie de fait dans la construction d’un socialisme à la française, l’éternelle manière de se mettre à la remorque et ce quelle que soit sa combativité retrouvée, derrière des forces qui évitent désormais à avoir même à citer son nom dans les alliances. Avec le PCF qu’on le veuille ou non alors que la lutte des classes fait rage en France, c’est l’expression de cette lutte au plan politique que l’on prétend effacer.

Maintenant la bataille des municipales est lancée, et il n’y aurait rien de pire que de changer de ligne dans bien des endroits, mais je ne pense pas que nous nous donnions les moyens d’avoir l’indispensable candidat aux présidentielles capable y compris de défendre une position originale de l’écologie, une position qui n’oppose pas science et écologie, une position qui s’appuie sur des services publics et non sur les intérêts particuliers du privé, une position qui ne sacrifie pas de fait toute une part du territore mais l’intègre dans une planification, une position qui ne soit pas vécue comme une sanction supplémentaire par ceux qui n’arrivent pas à s’en sortir déjà.

Voilà, bonne audition et bonne lecture

Danielle Bleitrach

 

 

 

 

la culture et la CIA: chapitre 2 (suite)PP 51 à 56

Voici la suite du chapitre 2 avec la création de la CIA et l’aperçu de ses activités, en particulier la manière dont une « élite »abandonne tous principes pour lutter contre le communisme qu’elle définit comme également sans principes et organisant partout des activités clandestine de déstabilisation contre le capitalisme Ce dernier est  baptisé « démocratie »par cette élite regroupée au sein de la CIA et le communisme dictature assortie de séditions. l’ennemi de la veille, le nazisme, ses organisations de renseignement en particulier sont gardées intactes pour être ré-utilisées contre l’uRSS. C’est un personnage Wisner qui installe cette pratique au cœur de la CIA, mais elle correspond à un sauvetage massif des anciens nazis, recrutés et installés en Amérique du sud, avec l’aide du Vatican.  Cette organisation qui de fait a tous les droits, n’appartient pas au seul passé,  elle est  plus que jamais  aujourd’hui à l’oeuvre, et a évolué selon sa logique initiale: ce qu’il vaut bien mesurer c’est qu’à la chute de l’URSS, le dispositif théoriquement orienté dans la lutte contre le terrorisme a en fait utilisé son pseudo ennemi pour poursuivre sa lutte contre le communisme et les mouvements progressistes de libération nationale, le syndicalisme. Il en a été du terrorisme comme de la drogue,une autre des spécialités de la CIA, sous couvert de lutter contre la drogue celle-ci a été utilisée contre les vrais ennemis de la CIA. Nous en sommes toujours là et un chapitre pourrait être consacrée à leur infiltration en relais avec l’UE dans les partis communistes à partir de l’eurocommunisme. Mais voyons les missions et les moyens de cette machine de guerre que l’oligarchie capitaliste,se donne dès la fin de la 2ème guerre mondiale  contre le communisme. (note de danielle Bleitrach)

 
Frank Wisner imagesmentalflosscomsitesdefaultfilesstyles
Died  October 29, 1965, Maryland, United States, en effet atteint de troubles maniaco dépressifs, Franck Wisner de plus en plus dévoré par ue paranoïa anticommuniste finit par se suicider avec la carabine de son fils qui aura aussi une carrière politique. 

Le 19 décembre 1947, la philosophie politique de Kennan acquit une autorité légale dans une directive du Conseil de sécurité nationale, le NSC-4 de Truman. Une annexe hautement confidentielle à cette directive, le NSC-4A, chargeait le directeur de la CIA d’entreprendre des « activités psychologiques secrètes » pour soutenir la politique anticommuniste américaine. Etonnament évasive quant aux procédures à suivre pour coordonner ou approuver ces activités, cette annexe était le premier texte officiel d’après-guerre autorisant des opérations secrètes. Elle fut remplacée en juin 1948 par une nouvelle,et plus explicite, directive rédigée par Georges kennan, la NSC-10/2. Ces deux directives devaient  au cours des décennies suivantes piloter les services de renseignements américains dans les eaux agitées de la guerre politique clandestine.

Préparées dans le plus grand secret, ces directives « adoptaient  une conception étendue des besoins en sécurité de l’Amérique pour faire sien u monde essentiellement modifié à sa propre image(14) ». Partant du principe que l’Union soviétique et ses pays satellites étaient engagés dans un programme d’activités clandestines « vicieuses » pour discréditer et faire échouer les objectifs et les activités des Etats-Unis et autres puissances occidentales », la NSC-10/2 accordait  la plus haute approbation gouvernementale à une pléthore d’opérations secrètes: « propagande, guerre économique, action directe préventive incluant sabotage, antisabotage, mesures de destruction et d’évacuation, subversion contre les Etats hostiles incluant aide aux mouvements souterrains de résistance, guérillas et groupes de libération des réfugiés(15) ». Toutes ces activités, selon les termes de la NSC-10/2, devaient être « organisées et exécutées de telle manière que la responsabilité du gouvernement américain ne semble pas évidente aux personnes non autorisées et, en cas de découverte, que le gouvernement  américain puisse plausiblement décliner toute responsabilité à cet égard »(16) ».

La NSC/10/2 établissait des équipes spéciales pour les opérations secrètes, au sein de la CIA, mais la politique et le personnel étaient placés sous le contrôle du Bureau de planification politique du département d’Etat (en  d’autres termes sous le contrôe de kennan) Ces équipes prirent finalement le nom de Bureau de coordination politique (Office of Policy Coordination, OPC), titre inoffensif conçu pour en assurer la crédibilité tout en révélant pratiquement rien de son but (17). L’action secrète fut définie comme « n’importe quelle activité clandestine conçue  pour influencer les gouvernements, les événements, les organisations ou personnes dans les pays étrangers pour le soutien de la politique extérieure des Etats-Unis conduite de telle sorte que l’engagement du gouvernement américain ne soit pas apparent(18) ». Virtuellement illimité dans sa portée et son caractère secret, l’OPC n’avait pas de précédent dans l’Amérique en temps de paix. C’était le département des coups bas pour lequel Allan Dulles et ses cow-boys de Park-avenue avaient fait campagne. Issu de leurs rangs pour diriger cette nouvelle opération, Frank Wisner fut choisi dans cette liste de candidats présentés par Georges Kennan.

Frank Wisner, ancien conseiller juridique à Wall Street pourvu d’un accent du Mississippi et de l’inhabituelle vertu  d’être un champion  de courses de haies à l’Université de Virginie, était un vétéran des campagnes de l’oSS (office des services stratégiques) dans toute l’Europe, et le directeur de sa section de renseignements. Il avait continué à travailler pour les renseignements militaires après la guerre  et avait été responsable des contacts avec l’organisation Gehlen, unité de renseignement de l’armée allemande que les Américains avaient gardée intacte pour espionner la Russie. Wisner n’était pas homme a être freiné par des arguments moraux. Comme  l’explique Harry Rositzke, son proche collègue à l’OSS et plus tard à la CIA: « viscéralement, on utilisait n’importe quel salaud à condition qu’il soit anticommuniste (19) » Et Allen Dulles parlant des rapports entre Wisner  et le général SS Reinhard Ghelen disait « on n’a pas besoin de l’inviter à son club(20) ».

Wisner avait démissionné des renseignements militaires sur un coup de colère, lorsque ses supérieurs avaient coupé les cheveux en quatre à propos de sa demande de bicyclettes supplémentaires pour ses officiers. Il avait alors intégré le département d’Etat et, là, continué à diriger ce qui était virtuellement  son groupe de renseignements personnel , qui consistait en une série de terriers bien cachés dans la bureaucratie du gouvernement. C’était ce groupe qui intégrait alors la CIA avec l’OPC. L’habitude que Wisner avait d’employer des nazis ne s’arrêta pas lorsqu’il prit la direction de l’OPC. « Wisner amena tout un groupe de fascistes après la guerre, vraiment des sales types. Il pouvait le faire, car il était puissant(21) », explique un collègue de la CIA. « Il était la référence d’un grand nombre de choses, un homme brillant, compulsif, doté d’énormément de charme et d’imagination, et il avait la conviction que n’importe quoi, absoluent n’importe quoi pouvait être accompli, et par lui (22) »

Sous la conduite de Wisner, l’OPC devint l’élement qui se développa le plus rapidement dans la CIA. Selon Edgar Applewhite, inspecteur général  adjoint de la CIA, ses membres « s’arrogeaient  un pouvoir absolu, et il n’y avait pas de précédent pour y mettre des bornes. Ils pouvaient faire ce qu’ils vouaient , à condition que « l’autorité supérieure », comme nous appelions le Président , ne l’interdise pas expressément. Ils étaient  extrêmement aristocratiques dans leurs présupposés, extrêmement bornés sur les rapports entre les hommes et les femmes, très romantiques et arrogants. Ils avaient  reçu du ciel une mission et, Dieu sait, quelle aubaine! Ils s’en pourléchaient (23) »

Afin de faciliter les opérations de l’OPC,le Congrès adopta en 1949 la loi qui instituait la CIA et autorisait son directeur à dépenser des fonds sans avoir à rendre des comptes. En quelques années, les activités de l’OPC – la portée de ses opérations, ses effectifs et son budget -grandirent telle une hydre. Sa puissance totale en effectif passa de 302 en 1949 à 2812 en 1952, plus de 3142 membres contractuels à l’étranger . Dans le même temps, son budget enfla de 4,7 millions à 82 millions de dollars. Son aménagement interne, qui créait une demande de projets, contribua à son expansion.Les activités de l’OPC n’étaient pas programmées autour d’un système financier mais autour de projets. Ceci finit par avoir des effets internes néfastes: « Un individu au service de l’OPC n’étaient pas programmées autour d’u système financier mais autour de projets. Ceci finit par avoirdes effets internes néfastes: « un individu au service de l’oPC jugeait sa propre performance, et était jugé par les autres,selon l’importance et le nombre de projets qu’il initiait et dirigeait. Cela entraînait une compétition parmi les individus et les divisions de l’OPC pour générer le plus pssible de projets (24). »

Au début, la cIA eut son quartier général dans une série de bâtiments délabrés, connus sous le nom de « cabanes », éparpillés autour du Capitole et de Washington Mall. Là, dans les couloirs poussiéreux, les nouvelles recrues étaient charmées par « l’atmosphère de guerre et la fièvre de la mobilisation. Les salles étaient remplies d’hommes et de femmes inquiets et assidus, courant à des réunions tout en poursuivant leurs entretiens, donnant des instructions tranchantes à des assistants qui tenaient de les suivre. De nouveaux venus enthousiastes, se mélangeaient aux  vétérans de l’oSS, les collègues de Jedburgh membres de l’élite de l’après-guerre, tout juste sortis des campus des Universités de Ivy League qui portaient des vestes de tweed, fumaient la pipe, et débordaient d’idées innovantes audacieuses. Ces gens-là avaient afflué à la CIA parce que c’étaitlieu où un libéral non communiste pouvait lutter le plus efficacement contre la menace communiste(25) ».

La ligne de front de cette bataille était évidemment établie non pas à Washington mais en Europe. En ouvrant un bureau à la base aérienne de Tempelhof, à une demi-heure de route de Berlin, la CIA sembla inonder l’Allemagne de ses officiers. Avec les autres divisions de la CIA, il y avait 1400 agents en poste en Allemagne à cette période.

Une des premières recrues de l’OPC en Allemagne dut Michael Josselson. Dans ses notes en vue de ses mémoires qui ne furent jamais terminées, Josselson écrit: « Ma période de service […] se terminait en 1948. Mais un retour à la vie civile, qui pour moi signifiait de recommencer à travailler comme acheteur pour un grand magasin américain, carrière sans intérêt particulier, me remplissait de désespoir. C’est à ce moment qu’un ami américain qui travaillait dans les renseignements me présenta à un chef de l »‘équipe » en Allemagne. Suivirent un ou deux autres  entretiens à Washington, un questionnaire interminable, et enfin une très longue attente pendant que le FBI tentait avec sa maladresse coutumière de découvrir s’il y avait quoique ce soit de négatif dans mon passé.  E automne 1948, mon habilitation arriva et je rejoignis l' »équipe » en tant que chef du poste de Berlin pour l’action clandestine (Covert action ou CA), qui se distinguait du secteur renseignement  ou espionnage (FI). A part l’aspect « secret », c’était en réalité une continuation de la guerre psychologique, sauf qu’elle était cette fois dirigée contre les Soviétiques et les communistes de l’Allemagne de l’Est. C’était une action défensive car les Soviétiques avaient depuis longtemps commencé la guerre froide psychologique (26). »

le recruteur de Josselson était lawrence de Neufville, membre de l’OSS, qui était arrivé en Allemagne avec la première vague des troupes américaines en 1944. Jusqu’au début 1948, il servit comme consultant  pour l’administration civile à Berlin. Il fut alors contacté par John Baker, un des premiers officiers de la CIA en Allemagne, célèbre par la suite pour avoir été déclaré persona non grata par les Soviétiques pour avoir « violé systématiquement le code de conduite des représentants diplomatiques » (c’est-à-dire espionné) quand il était deuxième secrétaire de l’Ambassade des Etats-Unis à Moscou. « je n’ai pas posé ma candidature ou quelque chose comme cela pour entrer à la CIA, déclara plus tard Neufville. J’étais tout à fait heureux là où j’étais, travaillant à la Constitution, aidant à mettre en place le gouvernement d’Adenauer. C’était très excitant. Mais alors un jour John Baker entra dans mon bureau et me demanda si j’aimerais rejoindre l’Agence (27). » Neufville accepta l’offre et on lui attribua u poste « secret » au Bureau du Haut Commissaire américain, John McCloy. La première chose qu’il fit fut de recruter  Josselson que son travail à Berlin avait transformé en légende dans les cercles de renseignements.

Pendant ce temps, Nicolas Nabokov était-il conscient du nouveau travail de son ami? Michael Josselson était un homme farouchement secret, le monde des renseignements lui convenait idéalement. Lorsque des membres de sa famille qui vivaient à Berlin Est réussirent à le retrouver en 1949, il les renvoya sèchement en leur disant de ne jamais plus le contacter à l’avenir. Blessés,ils crurent que leur cousin « américanisé » les trouvait maintenant indignes de lui. En fait il était inquiet pour leur sécurité. Pour des berlinois de l’Est, avoir un parent dans les services secrets américains les aurait immédiatement mis en danger. Toutefois , Nabokov se faisait certainement une bonne idée de la nouvelle direction de Josselson. Il y avait davantage d’espions à Berlin à cette époque que de bicyclettes en état de marche, et Nabokov avait travaillé aux côtés de beaucoup d’entre eux

En fait, il apparaît que contact avait été également pris avec nabokov pour entrer à la CIA. En 1948 il fit acte de candidature à un poste au gouvernement. N’étant pas bureaucrate de nature, il est peu probable qu’il ait souhaité intégrer le département d’Etat (que bon nombre de recrues de la CIA dédaignaient: « tout politique et pas d’action »), et étant donné que Allen Dulles s’intéressait à sa candidature, on peut raisonnablement présumer qu’il essayait d’obtenir un poste dans les renseignements. Mais sa candidature posait problème et il ne fut pas habilité. Son répondant, Georges Kennan, très embarrassé, lui écrivit en lui conseillant de retirer sa candidature: »Je vous donne cet avis (qui me donne une tristesse considérable et une véritable inquiétude) uniquement parce que je n’ai pas pu tirer cette affaire au clair d’une façon qui me satisfasse et que je peux vous assurer que vous serez exempt de désagréments ultérieurs si vous continuez à vouloir travailler avec le gouvernement […] Je ne peux que dire que selon moi toute l’action du gouvernement dans cette affaire, dans son ensemble, est mal pensée, myope, injuste et tout à fait incohérente par rapport au désir d’utiliser les services de personnes pourvues de sensibilité, d’intelligence et de valeur […] Je pense que le gouvernement a perdu  tout droit d’utiliser votre avis et si j’étais vous, je laisserais tout  tomber pour l’instant (24). » Jusqu’à nouvel ordre, Nabokov fut laissé à l’écart.

Et Melvin Lasky? N’était-il pas un candidat idéal  pour rejoindre les rangs de plus en plus fournis de la CIA On a prétendu qu’il en était devenu un agent. Ce qu’il a toujours nié. Comme pour Thaxter dans le don de Humboldt de saul bellow, la rumeur ajouta beaucoup à son mystère » Sa présence constante sur les premières lignes  de la guerre froide culturelle pendant les deux décennies à venir n’allait pas passer inaperçue.

 

fin du chapitre 2 intitulé »les élus du destin » et qui va de la page 44 à 56

.le prochain chapitre 3  s’intitulera Des marxistes au Waldorf

 

La culture et la CIA (suite) :chapitre 2 , les élus du destin première partie)pp44-51

Suite du livre de Frances Stonor saunders mais on rentre dans le vif du sujet. La CIA, créée le 26 juillet 1947, dans sa lutte contre le communisme innove sur deux points, elle est la première organisation de renseignement américain en temps de paix, ensuite son intervention secrète dans la politique des autres nations n’est jamais contrôlé par autre qu’un président et donne donc lieu à des activités clandestines paramilitaires qui en feront  une organisation anti-démocratique et anti-souveraineté internationale par excellence. C’est le passage avec équivalence idéologique de la lutte contre le nazisme à la lutte contre le communisme. Ce qui est en fait la lutte de l’oligarchie capitaliste contre la Révolution communiste prolétarienne devient lutte contre « le totalitarisme », dans laquelle le capitalisme devient la liberté et le communisme, la dictature. L’influence de Max Weber est patente chez Frances Stonor Saunders qui nous décrit la base originelle de la CIA, à savoir l’OSS comme relevant de l’éthique protestante et de l’esprit du capitalisme sur la côte Est en particulier, regroupant les véritables fortunes des Etats-Unis. Tout est dit dans cette phrase sur l’esprit qui animait ces gens qui s’étaient rencontrés dans les plus grandes écoles: « Rompus aux vertus chrétiennes et aux devoirs qu’imposent les privilèges, ils en sortirent avec la croyance en la démocratie mais la méfiances en l’égalitarisme  non contrôlé.  » Ces gens là sont impitoyables dans leur vision de classe (je vous recommande la vision de l’intervention en Italie pour empêcher le communisme. Ce qui est encore une théorie va devenir partout une réalité.

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Georges kennan , le théoricien de la guerre froide ou » l’élite » organise la lutte contre le communisme par n’importe quel moyen.

Chapitre 2

Les élus du destin

Il n’existe pas une telle chose que l’innocence.

l’innocence teintée de culpabilité  est le mieux qu’on puisse obtenir

Mike Hammer dans j’aurais ta peau de Mickey Spilane

 

La proposition américaine avait déjà été énoncée  dans la doctrine Truman et dans le Plan Marshall. A  présent, une nouvelle phase de la guerre froide s’ouvrait avec la création de l’Agence centrale de renseignements, la CIA, la première organisation de renseignements américains en temps de paix. Créée par la National Security Act (Loi de Sécurité nationale) du 26 juillet 1947, l’Agence était à l’origine chargée de coordonner les renseignements diplomatiques et militaires.Essentiellement – et dans un langage extrêmement vague- elle  était également autorisée à mener des « opérations d’intérêt commun » secrètes et à remplir « toute autre fonction et obligation » que le Conseil National (créé par la même loi) pouvait ordonner. « Nulle part dans la loi de 1947 la CIA n’est explicitement habilitée à recueillir des renseignements et à intervenir secrètement dans les affaires d’autres nations, devait rappeler ultérieurement un rapport gouvernemental. Mais la formule élastique « tout autre fonction » fut utilisée par les présidents successifs pour demander à l’Agence espionnage, action clandestine, opérations paramilitaires et collecte de renseignements techniques (1) ».

La fondation de la CA marque une refonte dramatique des données traditionnelles de la politique américaine. Les termes selon lesquels l’Agence fut établie institutionnalisaient les concepts de « mensonge nécessaire » et de « possibilités de démentis plausibles » comme stratégie légitimes en temps de paix,et produisirent à la fi une strate gouvernementale invisible dont le potentiel de risque d’abus, dans le pays comme à l’étranger, n’était pas freiné par la nécessité de rendre des comptes.

Cette expérience d’influence illimitée est illustrée par le héros éponyme de Norman Mailer dans son monumental Harlot et son fantôme : « Nous mettons tout sur écoute, dit Harlot. Si les bonnes récoltes sont un instrument de politique extérieure, alors nous sommes obligés de savoir quel temps il fera l’année prochaine. La même exigence nous interpelle où que nous regardions: finance, médias, relations du travail, production économique, conséquences thématiques de la télévision. Où se trouve la limite de tout ce qui peut légitimement nous intéresser?… Personne ne sait combien de pipelines nous avons dans des endroits propices – de cumulards du Pentagone, de contre-amiraux, de membres du Congrès, de professeurs de différents courants de pensée, de spécialistes de l’érosion du sol, de syndicalistes étudiants, de diplomates, d’avocats d’entreprise, ou que sais-je encore! Tous nous ont apporté leur contribution(2) ».

La CIA possédait des compagnies aériennes, des stations de radio, des journaux , des compagnies d’assurance et des agences immobilières, et sa présence dans les affaires internationales grandit d’une façon si prodigieuse au fil des ans que les gens commencèrent à suspecter sa présence derrière chaque buisson. Ainsi que devait le regretter plus tard un membre de l’Agence: « Comme Dorothy Parker et les choses qu’elle dit, la CIA est louée ou blamée à la fois pour ce qu’elle a fait et pour beaucoup de choses qu’elle n’a même pas envisagées(3). » des opérations désastreuses comme la baie des Cochons ne contribuèrent guère à améliorer son image publique. Un stéréotype négatif émergea de la CIA, qui serait peuplée d’Américains « méchants », jésuitiques et sans pitié, dont la vision du monde serait défformé par un dédale de miroirs.

Il est certain que l’histoire continue à valider cette version. La doctrine Truman et les Lois de sécurité nationale qu’elle inspira sanctionnaient l’agressivité et l’intervention à l’étranger. Mais l’envergure impériale de ses actes de piratage a tendance à obscurcir des vérités moins calamiteuses concernant la CIA. Au début, ses officiers se sentaient investi d’une mission – » sauver la liberté occidentale des ténèbres communistes »-, mission qu’un officier compare à l' »atmosphère d’un ordre de Templiers (4) ». Initialement, l’influence dominante venait de « l’aristocratie » de la côte est et de l’Ivy League, un Bruderbund d’anglophiles raffinés qu trouvaient  de puissantes justifications à leurs actions dans la tradition des Lumières et les principes enchassés dans la déclaration d’Indépendance.

En cela la CIA était l’héritière de son prédécesseur du temps de la guerre,  l’OSS (l’Office des Services Stratégiques), établis en 1941 à la suite de Pearl Harbour et démantelé en 1945 par le Président Truman qui, selon ses propres termes, ne voulait rien avoir à faire avec une « Gestapo » en temps de paix; Cette peur primitive reflétait peu de la réalité de l’OSS, qui avait acquis le surnom de « Oh Si Snob » à cause de l’atmosphère de club et de collège qui y régnait. Le chroniqueur Drew Pearson l’appelait « l’un des groupes les plus à la mode de diplomates dilettantes,banquiers de Wall Street et détectives amateurs jamais vu à Washington(5) ». « Tous les membres de l’OSS avaient un barda où se trouvaient une carabine, quelques grenades, des pièces d’or et une capsule de cyanure ». »,se rappelle Tom Braden qui avait travaillé en liaison étroite avec le chef de l’OSS, William « Wild Bill » Donovan (surnom que lui avait valu ses exploits contre Pancho Villa). « Une fois, Donovan oublia sa capsule dans un tiroir à l’hôtel Dorechester et il demanda à David Bruce d’envoyer un câble de france pour que la femme de ménage la lui envoie. C’était un fameux compère, Bill Donovan,une légende en son temps. Une fois il m’a dit : »Braden, si t’es dans le pétrin, sors ton couteau et plante- le-lui dans les couilles. »(6) ».

régis par une législation qui interdisait peu et admettait virtuellement tout, les membres de l’OSS parcoururent l’Europe en guerre tels des proconsuls modernes Le premier homme de l’oSS à arriver à Bucarest après le retrait des Allemands à l’Automne 1944 devint un invité permanent des réunions du cabinet roumain, et se vanta auprès de ses collègues: « Avant n’importe quel vote, ils me demandent ce que j’en pense… Ils votent toutes mes lois à l’unanimité. Je n’aurais jamais cru que diriger un pays fut si facile (7). Mais diriger un pays était précisément ce à quoi leur éducation avait préparé la plupart des membres de l’OSS. En recrutant au coeur de l’Etablishement américain des affaires, de la politique, de l’Université et de la culture, Donovan avait constitué u corps d’élite issu des familles et des Institutions les plus puissantes d’Amérique. Des membres de la famille mellon occupaient des postes d’espionnage à Madrid, Londres, genève et paris. Paul mellon travaillait pour le Bureau des opérations spéciales (Special Operations Executive) à Londres. Sa soeur Ailsa (la femme la plus riche du monde à une certaine époque) était mariée à son commandant, le chef de l’OSS à Londres, David Bruce, fils du sénateur américain, et personnellement millionnaire. Les fils de J.P. Morgan appartenaient tous deux à l’OAS. Les familles vanderbilt, Du Pont, Archibold (standar Oil), Ryan (Equitable Life Insurance), Weil (les grand magasins Macy) et Whitney étaient toutes représentées dans les rangs de l’armée secrète de Donovan.

Figuraient aussi parmi les recrues de l’OSS l’éditeur de guides touristiques Eugène Fodor; le journaliste new-yorkais Marcello Girosi qui devint plus tard producteur de films américains et italiens avec sophia Loren; Ilia TolstoÏ, petit fils émigré du célèbre écrivain, qui fut membre de la mission de l’OSS à Lhassa; et Julia Mac Williams Child, plus tard cuisinier de renom, qui tenait les dossiers de l’oSS à Chongqing. Raymond Guest, homme du monde, joueur de polo, cousin de Winston Churchill, causa de pittoresques ravages dans les opérations de l’oSS en France et en Scandinavie. Antoine de Saint Exupéry était u ami proche de Donovan, tout comme Ernst hemingway, dont le fils John appartenait aussi à l’OSS.

Un critique a beau se plaindre que de nombreux membres de l’oSS « semblaient être des gamins excités pour qui l’oSS était peut-être un moyen d’échapper au service militaire ordinaire en même temps qu’une sorte de rigolade(8) », l’idée prévalait  aussi que tous les plus hauts gradés du service de Donovan « risquaient  leur futur statut de banquier, d’administrateur ou de politicien en s’identifiant à des pratiques illégales et non orthodoxes(9) ».Lorsque l’OSS fut démantelé beaucoup de ces banquiers, administrateurs et politiciens retournèrent à la vie civile. Allen Dulles, brillant adjoint de Donovan, responsable des opérations de l’OSS en Europe, retrouva son poste d’avocat à New York, où il anima un groupe informel de militants qui étaient en fait un service américain permanent et de renseignements. Dans ce groupe surnommé les « cow-boys de park Avenue », figuraient Kermit « Kim » Roosvelt, le petit-fils de Theodore Rossvelt; Tracy Barnes (qui avait aidé à récupérer auprès de comtesse Ciano le fameux journal de Ciano); Richard helms et franck Wiesner, qui rapportaient les rumeurs du service de renseignement  militaire en Allemagne occupée; et Royal tyler qui allait bientôt prendre la tête du bureau parisien de la Banque Mondiale.

Loin de risquer leur « futur statut « , les membres de l’OSS découvrirent qu’ils avaient gagné un regain de réputation et l’occasion d’élargir la vieille camaraderie scolaire qui avait été leur premier lien. Ceci, ainsi que leur iniatiation à l’illégalité et à la non orthodoxie, devait offrir de riches ressources à la CIA. Ce fut cette élite historique, ces membres de l’Ivy League qui devaient exercer leur influence dans les conseils d’administration, les institutions universitaires, les plus importants journaux et médias, les cabinets juridiques et le gouvernement, et qui s’avancèrent alors pour remplir les rangs de l’Agence à ses débuts. Nombre d’entre eux étaient originaires d’un petit cercle de Washington, environ une centaine de familles riches, connues sous le nom de « troglodytes », qui militaient pour la préservation des valeurs épiscopaliennes et presbytériennes qui avaient guidé leurs ancêtres. Elevés dans les principes d’intelligence vigoureuse, prouesse athlétique, politesse oblige et solide éthique chrétienne , ils prenaient exemple  sur des hommes tels que le révérend Endicott Peabody, dont ,sur le modèle d’Eton, Harrow et Winchester , l’école Groton fut l’alma mater de tant de dirigeants nationaux. Rompus aux vertus chrétiennes et aux devoirs qu’imposent les privilèges, ils en sortirent avec la croyance en la démocratie mais la méfiances en l’égalitarisme  non contrôlé. prenant à contre-pied la célèbre déclaration de Willy Brandt : »Nous sommes des élus du peuple et non pas les élus », ils étaient les élus qui n’étaient pas des élus du peuple.

ceux qu n’avaient pas servi dans l’OSS avaient passé la guerre au département d’Etat et au Foreign Office où ils avaient gravi tous les échelons. Ils gravitaient autour de personnages tels que Charles « Chip » Bolhen, futur ambassadeur en France. Au début des années quarante, sa maison de Dumbarton Avenue à Georgetown était un foyer intellectuel fréquenté par Georges Kennan et Isaiah Berlin que les cercles  de Washington révéraient déjà comme « le prophète ». Un  observateur décrit Kennan, Bolhen et Berlin comme un « un trio amical et homogène ». Bolhen  avait été l’un des fondateurs d’une science nouvelle connue sous le nom de Kremlinologie. Il avait vécu en Russie, fréquenté ses dirigeants et ses bureaucrates,étudié la littérature idéologique et pouvait citer ses classiques. Il avait été témoin des purges et des procès de la fin des années trente, et des retombées de la « politique culturelle » de Jdanov. « Il existe deux célèbres « mots de la fin » aimait à répéter Bolhen, l’un est « l’alcool ne m’atteint pas », l’autre est « je comprends les Russes ». » Pour mieux comprendre, il se tourna vers isaiah Berlin et vers Nicolas nabokov qui travaillait alors pour le département de la justice. Bolhen disait  toujours de Nabokov que c’était un « atout psychologique »,et Nabokov lui retournait le compliment  en appelant Bolhen « mon modèle, ma source de conseil ».

Ces nouveaux amis se faisaient peu d’illusions sur « Oncle Joe », écrit plus tard Nabokov. De bien des manières, ils formaient un groupe anachronique dans le Washington de l’époque, peut-être même dans toute l’Amérique. L’Amérique était dans un état  d’euphorie soviétophile, qu’aucun des habitués de la maison de Dumbarton avenue ne partageait. La majeure partie de l’opinio publique américaine avait changé de sentiment envers la Russie deux fois en trois ans. D’abord elle avait été contre – après le partage de la Pologne et la « diabolique » guerre de Finlande. Dans les caricatures de journaux, Staline était un effroyable mélange de loup et d’ours . Puis, tout aussi brusquement , l’opinion fut pour la Russie- après l’invasion nazie de la Russie en 1941. Staline fut subitement  embelli, représenté en preux chevalier en armure défendant le Kremlin contre une horde de Teutons, ou dans le style des profils amincis et idéalisés des photographies  de Margaret Bourke-White. Et puis en 1943, le sentiment pro-russe fut renforcé par Stalingrad. « Vous verrez, disaient les Américains confiants, le communisme ne redeviendra jamais en Russie tel qu’il était avant. Ce sera un pays différent après la guerre, Staline n’avait-il pas rappelé le patriarche de l’exil? Et les écrivais et les poètes?  Et Staline n’avaient-il pas rétabli les grades d’officiers et réhabilité les héros nationaux historiques, et mêmes quelques tsars et saints comme Alexandre nevski et Pierre le Grand? » Ce n’est pas ce que pensaient  les sceptiques de Dumbarton Avenue. Ils savaient comme kennan l’avait un jour dit, que le stalinisme est irréversible (10) ».

Les sceptiques de Dumbarton Avenue furent rejoints par david Bruce, Averell Harriman, John Mac Cloy, Josseph  et Stewart Alsop, Richard Bissell, Walter Lippmann et les frères Bundy. Au cours de longs échanges , échauffés par la passion intellectuelle et l’alcool, leur vision d’un nouvel ordre mondial commençait à prendre forme. Internationalistes, sarcastiques et adeptes de la compétition, ces hommes possédaient une croyance inébranlable dans leur système de valeurs,et dans l’obligation morale de l’offrir aux autres. Ils étaient les patriciens des temps modernes, les paladins de la démocratie, et n’y voyaient pas de contradiction. C’était l’élite qui dirigeait la politique extérieure  de l’Amérique et modelait  les lois intérieures.Cellules de réflexion, fondations, postes de directeurs, appartenance à des clubs de gentlemen, ces mandarins  étaient étroitement lié entre eux par leurs affiliations institutionnelles et par une croyance commune en leur propre supériorité. Leur mission était d’établir et puis de justifier la pax americana d’après-guerre. Et c’étaient d’ardents  partisans  de la CIA qui fut bientôt investie par leurs camarades de classe et relations d’affaires et la vieille garde de l’oSS.

Le plus éminent théoricien des convictions partagées par l’élite de l’Amérique était Georges Kennan, savant  et diplomate, architecte du plan Marshall,et , en sa qualité de directeur du Bureau de planification politique (Policy Planning Staff) du département d’Etat, un des pères de la CIA. En 1947, il préconisait l’intervention militaire directe en Italie dans ce qu’il diagnostiquait comme un effondrement imminent  dans une guerre civile soutenue par les Communistes: « Il faut reconnaître qu’il en résulterait beaucoup de violence et probablement une partition militaire de l’Italie, déclarait-il au département d’Etat, mais cela serait de beaucoup préférable à une victoire électorale sans effusion de sang, à laquelle nous nous serions pas opposés, qui livrerait toute la péninsule aux communistes d’un seul coup, et soulèverait un océan de panique  dans tous les pays voisins(11) ». Truman, heureusement ne suivit pas  cette suggestion irréfléchie, mais autorisé tout de même une intervention  secrète dans les élections italiennes. En juillet 1947, changea d’opinion- pas sur la nature de la menace soviétique, mais sur les moyens d’y répondre. Dans son célèbre article « X » de la revue Foreign Affairs, il soutint la thèse qui prévalut pendant les premières années de la guerre froide. Il déclara que le kremlin était déterminé à dominer  » chaque recoin et fissure disponible[…] dans le bassin de la puissance mondiale » avec son idéologie fanatique  » et il proposa une politique de « contre- force inaltérable » et « d’endiguement ferme et vigilant ». Dans cette politique, il préconisait « le développement maximal de la propagande et des techniques de la guerre psychologique(12) », que , en sa qualité de directeur  du Bureau de Planification  politique (conçu pour surveiller l’endiguement politico-idéologque de l’Europe), il était parfaitement placé pour mettre en oeuvre. « le monde était à nous » écrit-il plus tard à propos de ce bureau….

Dans un discours prononcé au Collège militaire national en décembre 1947, ce fut kennan qui introduisit le concept de « mensonge nécessaire », comme composante vitale de la diplomatie américaine d’après-guerre. Les communistes, dit-il, se sont taillés « une position puissante en Europe, si immensément  supérieure à la nôtre […] grâce à l’utilisation habile  et sans vergogne de mensonges. Ils nous ont combattus avec l’arme de l’irréalité et de l’irrationalisme. Pouvons-nous triompher de cette irréalité avec le rationalisme, la vérité une assistance  économique honnête et bien intentionnée(13)? » demanda-t-il. Non. L’Amérique avait besoin d’entrer dans une nouvelle ère  de guerre secrète pour faire progresser ses objectifs démocratiques face à la fourberie soviétique.

 

 

 

La guerre froide culturelle: chapitre 1 troisième partie pages 36-43

la dernière partie du chapitre 1, destiné à nous présenter l’équipe (Josselson, l’ancien acheteur de grand magasin, Nabokov le compositeur de musique et Lansky, le militant politique) qui vont créer un programme culturel de la CIA destiné à gagner l’élite à l’impérialisme américain débute par le versant économique et politique de l’hégémonie, le plan Marshall. Ici l’on voit que la problématique de Frances Stonor Saunders est plus inspirée par Max Weber que par Marx. Du plan Marshall, elle ne retient que la conquête idéologique alors qu’il s’agit de bien autre chose qui va mettre durablement l’Europe sou la subordination de l’industrie américaine qui va trouver là de quoi faire tourner à plein la machine que la guerre, à l’inverse du reste du monde, à développé aux Etats-Unis. C’est cette ruée vers le profit qui va engager tout le capital, y compris celui qui avait collaboré à se ranger derrière la bannière étoilée.  Mais cela donne incontestablement à sa description de la force dans la mesure où tout reste centré sur « la conquête et la fabrication des élites » Il est tout de même à noter que l’auteur a pu écrire tout cela sans jamais parler d’Hiroshima en août 1945,.que les Soviétiques analysèrent non sans raison comme l’ouverture de la guerre froide, face à l’avancée des troupes de Staline.l est vrai que l’impact pour l’avoir perçu enfant m’en est toujours extraordinairement limité dans l’opinion publique. Notez que ceux qui vont créer ‘aile culturelle de la CIA et qui sont présentés dans ce premier chapitre ont face à eux des communistes, des gens dont nous n’avons qu’une pâle idée, des êtres de fer comme Markus Wolf, dont il faudrait que vous lisiez les mémoires, même si celles-ci sont écrites à la chute. Le fait que beaucoup soient d’un côté comme de l’autre juifs n’est sans doute pas étranger à l’horreur que vient de vivre le monde avec la deuxième guerre mondiale. Notez que le troisième homme Melvin Lasky est en quelque sorte l’inventeur de l’identification entre nazisme et communisme dans laquelle la référence au martyre juif va devenir la référence ultime, convaincre d’antisémitisme les communistes est le fin du fin. Je crois que tous ceux qui aujourd’hui tentent de construire une image aseptisée d’Aragon, à partir d’Argenteuil, ignorent qu’il a été mêlé à cette époque là et en a vécu les secrets. Le nom de Jdanov est devenu l’antithèse du Comité central d’Argenteuil à cause de ses errances sur la chimie, mais il y avait bien d’autres dimensions à la lutte culturelle qui fut menée. (note de danielle Bleitrach)

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Mais tous les concerts symphoniques, toutes les pièces et toutes les expositions ne pouvaient cacher la dure vérité de ce log et rude hiver 1947: l’Europe était au bord de la faillite. Un marché noir endémique, une agitation sociale et une série de grèves paralysantes (largement orchestrées par les syndicats communistes) provoquaient des dégradations et des privations égales à tout ce qui avait été éprouvé aux heures les plus sombres de la guerre. En Allemagne, l’argent avait perdu sa valeur, les médicaments et les vêtements étaient impossible à obtenir, des familles entières vivaient dans des bunkers souterrains sans eau ni électricité, et des jeunes enfants – filles et garçons- s’offraient aux GI américains en échange d’un tablette de chocolat.

Le 5 juin 1947, le général Georges Carlett Marshall, le chef de l’Etat-major de l’armée américaine pendant la guerre et à présent le secrétaire d’Etat de Truman, annonça un plan pour faire face à « la grande crise ». Prononcé lors de la 296 ème remise des diplômes d’Harvard à laquelle assistaient le physicien atomiste Robert Oppenheimer, le général Omar Bradley, commandant durant le débarquement, et T.S Eliot (qui, tous comme Marshall, recevaient le diplôme de docteur honoris causa), le discours de dix minutes de Marshall marqua un moment déterminant dans le destin de l’Europe d’après-guerre. Prévenant que le « monde entier » […] et le mode de vie que nous avons connu sont littéralement en jeu », il appela le Nouveau Monde à s’engouffrer dans la brèche avec un programme intensif d’aide financière et d’assistance matérielle à très grande échelle, et à prévenir ainsi l’effondrement du vieux monde. « L’instabilité est la face entière de l’Europe telle que nous la connaissons, et celles-ci sont contraires aux intérêts de l’humanité libre, déclara Marshall. Si nous les abandonnons à elles-mêmes, on ne pourra éviter une détresse économique si intense, une intensification sociale si violente et une confusion politique si générale que les fondements historiques de la civilisation occidentale, dont nous faisons partie intégrante par croyance et par héritage, prendront une nouvelle forme à l’image de la tyrannie que nous avons combattue pour la détruire en Allemagne(34) ».

Tout en prononçant ces mots, le général Marshall contemplait le visage des étudiants rassemblés sous le soleil printanier et, comme John Crowe Ransom avant lui, il vit « les jeunes lauréats d’Harvard/ Flamboyant comme des torches et se dispersant en désordre/ Comme des brandons pitoyables à éeindre(35) ». Ce n’était pas par hasard qu’il avait décidé de prononcer son discours à Harvard plutôt que sur une estrade officielle du gouvernement.Car c’étaient là les hommes dont la mission serait de réaliser la « destinée manifeste » de l’Amérique, l’élite chargée d’organiser le monde autour des valeurs que les ténèbres communistes menaçaient d’obscurcir. L’accomplissement de ce qui fut plus tard connu sous le nom de plan Marshall était leur héritage.

Le discours de Marshall visait à renforcer l’appel aux armes idéologiques que le président Truman avait lancé quelques mois plus tôt, et qui avait été immédiatement sacré sou le nom de doctrine Truman. S’adressant au Congrès en mars 1947 sur la situation de la Grèce, où existait la menace de prise de pouvoir communiste, Truman, dans un langage apocalyptique, avait appelé un nouvel âge d’intervention américaine: »Aujourd’hui dans l’histoire du monde presque chaque nation doit choisir entre deux modes de vie opposés, déclara-t-il. Trop souvent le choix n’est pas libre. L’un des modes de vie est fondé sur la volonté de la majorité […] Le second […] est fondé sur la volonté d’une minorité imposée par la force à la majorité. Il repose sur la terreur et l’oppression, le contrôle de la radio et de la presse, le truquage des élections et la suppression des libertés individuelles. J’ai la conviction que la politique des Etats-Unis doit être de soutenir les peuples libres qui résistent à la tentative d’asservissement par des minorités armées ou des pressions extérieures. J’ai la conviction que nous devons aider les peuples libres à trouver leur propre destinée par leurs propres moyens(36) ».

Après le discours de Truman, le secrétaire d’Etat Dean Acheson s’adressa aux membres du Congrès: « Nous sommes arrivés à une situation sans précédent depuis l’Antiquité. Depuis Rome et Carthage il n’y avait pas eu une telle polarisation du pouvoir sur cette terre. En outre, les deux grandes puissances étaient divisées par un gouffre idéologique insurmontable (37). » Joseph Jonez, le fonctionnaire du département d’Etat qui avait rédigé le discours de Truman au Congrès, comprit l’énorme impact des paroles du Président: « Absolument tous les obstacles à une action hardie étaient effectivement tombés », dit-il. Parmi les politiciens on sentait qu’un « nouveau chapitre dans l’Histoire du Monde s’était ouvert, et qu’ils avaient eux-mêmes l’insigne privilège de jouer un rôle dans un drame tel qu’il s’en rencontre rarement même dans la longue existence d’une grande nation(38) ».

Le sentiment aigu des dimensions classiques du rôle de l’Amérique après la guerre tel que l’évoquait le discours de Truman fournit le contexte rhétorique du discours ultérieur, moins manifestement anticommuniste, du général Marshall. Le mélange des deux- un programme d’aide économique joint à un impératif doctrinal- donnait un message sans ambiguïté : l’avenir de l’Europe de l’Ouest, si elle devait en avoir un, devait désormais être attelé à une pax americana.

Le 17 juin, le quotidien soviétique Pravda attaqua la proposition de Marshall comme une extension du « plan de Truman pour exercer des pressions politiques à coup de dollars et comme un programme d’ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats(39) ». Les Soviétiques avaient bien été invités par Marshall à participer à son programme de rétablissement de toute l’Europe, mais cette offre était , selon Georges kennan, « fourbe, conçue pour être rejetée (40) ». Comme prévu, les Soviétiques refusèrent de participer au Plan. Leur objection peut avoir été  exagérée, mais ils avaient essentiellement raison d’associer aux intentions humanitaires du plan des visées politiques moins évidentes  Loin d’envisager la coopération avec l’Union soviétique, le Plan Marshalll participait à une philosophie de la guerre froide qui cherchait à creuser un fossé entre Moscou et ses pays satellites(41). « Il était tout du long implicite qu’il était important que nous ne donnions pas aux communistes l’occasion de s’implanter dans ces pays, devait écrire plus tard Dennis Fitzgerald, commissaire du Plan Marshall . ON avançait toujours l’argument que si nous n’arrivions pas comprendre totalement les besoins de x,y ou z, les communistes profiteraient de la situation pour mettre en avant leurs intérêts(42) ».Le sous-directeur du plan, Richard Bissel,était de cet avis: « Même avant le début de la guerre de Corée, il était parfaitement clair que le plan Marshall n’avait jamais été conçu pour être un projet entièrement altruiste. Il avait espéré que renforcer le pouvoir économique des pays européens occidentaux augmenterait leur valeur de membres de l’Otan, et leur permettrait éventuellement d’assumer une responsabilité de défense dans le soutien des efforts de la guerre froide(43). »Secrètement on s’attendait aussi à ce que ces pays assument d’autres responsabilités « dans le soutien des efforts de la guerre froide », et pour ce faire, des fonds du plan Marshall furent bientôt distribués pour activer le combat culturel à l’Ouest.

Le 7 octobre 1947, le Bureau d’information communiste tenait sa première réunion à Belgrad. Créé à Moscou le mois précédent, le kominform était la nouvelle base opérationnelle de Staline pour la guerre politique, en remplacement du défunt komintern. La réunion de Belgrade servit à lancer publiquement un défi à la doctrine Truman et au plan Marshall, dénoncés tous deux  comme des stratagèmes « agressifs » pour satisfaire « les aspirations américaines à la suprématie mondiale(44) ». Andrei Jdanov,architecte de l’impitoyable politique culturelle de Staline, déclara aux communistes d’Europe de l’Ouest que « s’ils étaient prêts à prendre la tête de toutes les forces prêtes à défendre la cause de l’honneur et de l’indépendance nationale dans la lutte contre les tentatives d’asservissement économique et politique de leur pays, alors aucun plan d’asservissement de l’Europe ne peut réussir(45). » Exactement comme Marshall avait choisi de s’adresser au noyau intellectuel de l’Amérique, Jdanov demandait à l’intelligentsia du monde de prendre la plue sous la bannière du communisme, et d’écrire contre l’impérialise américain. « Les partis communistes [d’Europe] ont obtenu des succès considérables dans leur travail au sein de l’intelligentsia. La preuve est que dans ces pays les meilleurs esprits dans les domaines de la science , de l’art et de la littérature appartiennent au Parti communiste, ils conduisent le mouvement de combat pour e progrès au sein de l’intelligentsia et, par leur infatigable lutte créative, ils gagnent de plus en plus d’intellectuels à la cause du comuisme (46). »

Résumé, à ce stade du livre, c’est-à-dire à la fin de la page 39, l’auteur introduit Mevin Lasky, né en 1920 dans le Bronx, Melvin Jonah Lasky avait grandi dans « l’ombre imposante » de son grand -père qui parlait Yiddish,un homme érudit et barbu qui nourrit le jeune Lasky d’extraits de légendes hébraïques. Devenu l’un des diplômés les « plus brillants » du City Collège de New York où se tenaient des débats idéologiques passionnés, Lasky se révéla un antistalinien ardent avec le goût de la confrontation intellectuelle et parfois physique.

Le portrait que Frances Saunders dresse de cet anticommuniste passionné et extraordinairement doué fait de lui « quelqu’un d’aussi inébranlable que le rocher de Gibraltar », d’un courage physique impressionnant qu lui fait porter la contradiction au Congrès des écrivains à Berli Est lui valut le titre de « Père de la guerre froide à Berlin » où il se retrouve après sa démobilisation.

reprise du livre p.40 : Son action inquiéta même les autorités américaines qui menacèrent de le renvoyer. Epouvanté par la frilosité de ses supérieurs, il comparait Berlin à ce qu’une ville de la frontière doit  avoir été au milieu des Etats-Unis au milieu du XIX ème siècle: les Indiens apparaissent à l’horizon et il faut absolument avoir un fusil prêt sinon vous êtes scalpé. Mais en ce temps-là une ville frontière était remplie d’hommes qui combattaient les Indiens […] Ici très peu de gens ont du cran, et s’ils en ont en général dans quelle direction pointer leurs fusils(47) »

Mais lasky connaissait le sheriff et, loin de le chasser de la ville, le gouverneur militaire, le général Lucius Clay, le prit sous son aile protectrice. C’est à lui que Lasky affirma avec indignation que, tandis que le mensonge soviétique tournait autour du globe à la vitesse de la lumière, la vérité avait encore à chausser ses bottes. Il présenta sa thèse  dans un document argumenté avec passion qu’il soumit  le 7 décembre 1947 au bureau de Clay; ce document appelait à une remise en cause  radicale de la propagande américaine. Connu sous le nom de « Proposition Melvin Lasky », il constituait le  plan personnel de Lasky pour organiser la guerre froide cuturelle. « De grands espoirs de paix et d’unité internationale nous ont empêchés de voir qu’une guerre politique concertée contre les Etats-Unis était en cours de préparation et d’exécution, et nulle part plus vigoureusement qu’en Allemagne, déclarait-il. Les mêmes vieilles formules antidémocratiques et antiaméricaines dont on a nourri beaucoup de génération  européennes, et que la machine de propagande nazie sous Goebbels a fait culminer, sont aujourd’hui en cours de remaniement . C’est-à-dire le prétendu égoïsme économique des Etats-Unis (l’oncle Sam serait Shylock), sa prétendue réaction politiqe profonde (une « presse capitaliste mercenaire »), sa prétendue  déviance culturelle(la « manie du jazz et du swing », les réclames à la radio, les inepties d’Hollywood, « son art provocateur et aguichant »), et sa prétendue hypocrisie morale (la question noire,les petits fermiers, la migration des travailleurs agricoles) et ainsi de suite (48) ».

Dans un langage extraordinaire Lasky poursuit  sa défintion du défi: « la formule honorée de tout temps aux Etats-Unis , « répandez la luière et les gens trouveront eux-mêmes leur chemin » exagère les possibilités d’une conversion facile en Allemagne (et en Europe) […]Il serait vain de croire que l’on puisse sevrer un sauvage primitif de sa croyance dans de mystérieuses herbes de la jungle par la simple propagation d’informations scientifiques et médicales modernes |…]. Nous n’avons pas réussi à combattre l’ensemble des facteurs- politiques, psychologiques, culturels- à l’oeuvre contre la politique extérieure américaine, et particulièrement contre la réussite du Plan Marshall en Europe. »Ce qui était nécessaire à présent continuait fiévreusement Lasky, c’était une vérité « active », une vérité assez hardie « pour entrer dans l’arène », une vérité qui ne se conduisait pas comme un « spectateur olympien ». Ne vous y trompez pas, prévenait-il, la substance de la guerre froide est « à portée culturelle. Et c’est là qu’un sérieux vide dans le programme américain a été le plus exploité par les ennemis de la politique extérieure américaine […] Ce vide[…] est réel et grave (49) ».

Le vide « réel et grave » dont parlait Lasky était de ne pas avoir réussi à « gagner » à la cause américaine « les classes éduquées et cultivées- qui en fin de compte fournissent les dirigeants moraux et politiques de la communauté ». Ce défaut avançait-il, pourrait être partiellement résolu par la publication d’un nouveau périodique, qui « fournirait à la fois un stimulant positif à la pensée germano-européenne et la preuve que derrière les représentants officiels de la démocratie américaine il existe une grande culture de progrès , riche en accomplissements dans les arts, la litterature, la philosophie, et dans tous les aspects de la culture qui unissent les traditions de liberté de l’Europe et de l’Amérique(50) ». p.42 premier paragraphe

[…]

reprise troisième paragraphe p.42: le résultat fut la parution de la revue Der Monat (le Mois), revue mensuelle destinée à jeter un pont idéologique entre intellectuels allemands et américains et, comme le formulait  explicitement , l’adoption des intérêts de la politique extérieure américaine en soutenant « les objectifs généraux  de la politique des Etats-Unis en Allemagne et en Europe ». Lancée le 1er octobre 1948 avec l’appui du général Clay et sous la direction de Lasky, la revue fut d’abord imprimée à Munich et transportée à Berlin à bord des avions cargos alliés dont dépendit la ville durant le blocus. Elle fut successivement financée par des « fonds secrets » du Plan Marshall, par des subsides de la CIA, par l’argent de la fondation Ford, et derechef par les dollars de la CIA. Par son seul financement ce fut un pur produit- et un exemple parfait- de la stratégie américaine de la guerre froide dans le champ culturel.

Der Monat était un temple voué à la croyance en la possibilité qu’une élite cultivée pourrait sauvegarder le monde d’après-guerre de sa propre extinction. C’est cette croyance, en plus de leur rattachement au gouvernement d’occupation américain, qui unit Lasky, Josselon et nabokov. A l’exemple de Jean Cocteau qui allait bientôt lancer une mise en garde à l’Amérique – « Vous ne serez sauvés ni par les armements ni par l’argent, mais par une minorité pensante, parce que le monde est en train d’expirer, du fait qu’il ne pense plus mais seulement dépense(52) »-, ils comprirent que les dollars du Plan Marshall ne suffiraient pas: l’aide financière devait être complétée par un programme intense de guerre culturelle. Ce curieux triumvirat- Lasky, le militant politique, Josselson l’ancien acheteur de grands magasin. Nabokov le compositeur de musique – se tenait désormais sur le fil du rasoir de ce qui allait devenir, sous leur direction, l’une des plus ambitieuses opérations secrètes de la guerre froide: gagner l’intelligentsia occidentale au projet américain.

 

CIA et guerre froide culturelle. Chapitre 1 cadavres exquis, partie 2 pages 28-36

 

Si Frances Stonor Sauders note fréquemment l’appartenance juive des alliés des occidentaux, à commencer par ceux qui vont diriger la guerre culturelle de la CIA, elle ne procède pas de la même manière pour ceux qui sont dans l’autre camp, ni Arthur Miller, ni Willi Münzenberg (dont j’analyse le rôle dans mon livre sur Brecht et Lang) ne sont ainsi signalés comme tels. Alors qu’ils sont également dans l’autre camp à commencer par Wolf, le super espion de la RDA. J’ai quelques hypothèses et certitudes sur les raisons d’une telle présence non pas dans les fortunes mais dans la commuication-propagande. Autre sousestimation, le terme du kulturkampf n’est pas par hasard allemand, toujours dans mon livre j’étudie le rôle joué par Guilaume II et la prusse dans ce domaine exploité par les nazis, mais également la manière dont le parti communiste allemand sous Weimar se bat sur ce terrain. Mais quand tous les exilés arrivent aux Etats-Unis ils découvrent le rôle Hollywood, des industries culturelles qui font dire à Lang que les USA sont une dictature avec élections. Autre remarque, ce n’est pas le désir d’éviter une guerre sur le territoire européen qui a fait choisir d’autres armes aux Américains, ils n’ont pas craint en effet d’envoyer des bombes nucléaires à Hiroshima et Nagasaki, mais bien le fait que les Soviétiques la possédaient également. Notez que les Russes conservent certains comportements de l’ère soviétique, quand ils reprennent Palmyre sur Daech en Syrie, après la mort héroïque d’un soldat qui se désigne comme position à viser, ils organisent un concert qui symbolise la victoire sur la barbarie comme dans le bien connu siège de Léningrad. Pour m’être rendue à Berlin alors que le mur se construisait(1961), le théâtre d’un côté celui de la RDA avec Brecht mais pas seulement y était infiniment supérieur à celui de l’ouest et le coût des biens culturels quasiment gratuit. Nous étions invités par une officine de la CIA, mais il a été question de nous expulser après un mémorable interview à la radio libre toujours de la CIA où nous avons fait ce bilan culturel. là encore je considère qu’un véritable bilan du socialisme comme dans les résultats éducatifs s’impose. Loin de donner dans le « complotisme », je propose  que l’on dépasse le rideau de propagande que l’on a tendu entre la réalité du socialisme hier et aujourd’hui. Et je dois dire que si la compétition avait abouti comme ici à mieux connaître le meilleur des cultures différentes, dépasser les stéréotypes, tout à fait d’accord, malheureusement il y aura l’hégémonie et aujourd’hui les sous produits qui évitent la lecture. Fascinant de voir comme cette rivalité culturelle de départ aboutit à l’ère Trump. Mais aujourd’hui comme hier je ne limiterai jamais les USA à Reagan ou à Trump, le complotisme m’est beaucoup plus étranger qu’il ne l’est à mes censeurs de l’humanité et de la direction du PCF sans parler des très médiocres de la fédération des Bouches du Rhône.. .(note de danielle Bleitrach)

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Michael Josselon à droite.Chapitre 1 cadavre exquis partie 2

Bien sûr, il y avait de bonnes raisons de s’opposer aux Soviétiques qui progressaient rapidement derrière la ligne de front de l’hiver. Les communistes accédèrent au pouvoir en Pologne en janvier. En Italie et en France il y avait des rumeurs de coups d’Etat communistes. Les stratèges soviétiques avaient été prompts à saisir les possibilités offertes par l’instabilité générale de l’Europe de l’après-guerre. Avec une énergie et une ingéniosité qui démontraient que le régime de Staline, malgré toute son intransigeance monolithique, savait faire preuve d’une force d’imagination inégalée par les gouvernements occidentaux, l’Union soviétique déploya une batterie d’armes non conventionnelles afin d’infiltrer la conscience européenne et d’amadouer l’opinion en sa faveur.. Un vaste réseau de fronts fut établi, certains nouveaux, certains ravivés après la période de latence causée par la mort en 1940 de Willi Münzenerg, le cerveau de la campagne secrète de persuasion du kremlin avant la guerre. Syndicats, mouvements féminins, groupements de jeunesse, institutions culturelles, presse,édition- tous étaient visés.

Passés maîtres dans l’utilisation de la culture comme outil de persuasion politique, les Soviétiques firent beaucoup pendant ces premières années de la guerre froide pour installer la culture comme paradigme. Sans posséder la puissance économique des Etats-Unis et, surtout, toujours sans capacité nucléaire, le régime de Staline concentra ses efforts pour remporter « la bataille sur l’esprit des hommes ». L’Amérique, malgré une mobilisation massive des arts pendant le New Deal, était néophyte dans la pratique du Kulturkampf international. Dès 1945, un officier  de renseignements avait prédit des tactiques non conventionnelles que les Soviétiques adoptaient à présent: « l’intervention de la bombe atomique va entraîner un changement d’équilibre entre les méthodes « pacifiques » et « guerrières » utilisées pour exercer une pression internationale, signalait-il au directeur de l’office des services stratégiques, le général Donovan.Et nous devons nous attendre  à une augmentation très marquée de l’importance accordée au méthodes « pacifiques ». Nos ennemis seront même encore plus libres que jamais d’exercer […] des pressions sur nous, et nous accepterons nous-mêmes plus volontiers de supporter ces outrages et d’adopter de semblables méthodes- et cela dans notre désir d’éviter à tout prix la tragédie d’une guerre ouverte et la manipulation d’après-guerre (20) ».

Ce rapport prouve une exceptionnelle prescience. Il offre une définition de la guerre froide en tant que combat psychologique,de la production du consentement par des méthodes « pacifiques », de l’utilisation de la propagande pour éroder les positions hostiles. Et comme les premières salves le démontrèrent amplement à Berlin, l' »arme opérationnelle » serait la culture. La guerre froide culturelle avait commencé.

C’est ainsi qu’au milieu des ruines une vie culturelle inhabituellement élaborée fut mise sur pied par les forces d’occupation qui rivalisèrent pour marquer des points sur le terrain de la propagande. Dès 1945, « alors que la puanteur des cadavres flottait encore au-dessus des ruines », les Russes avaient organisé une brillante soirée d’ouverture pour l’Opéra d’Etat, une représentation de l’Orphée de Gluck,dans un Admiralpalast magnifiquement éclairé et tapissé de velours rouge. Des colonels russes trapus et pommadés souriaient avec suffisance au personnel militaire américain alors qu’ils assistaient ensemble à des représentations d‘Eugène Onéguine, ou à à une version explicitement antifasciste de Rigoletto, la musique ponctuée par le cliquètement des médailles (21).

Une des premières missions de Josselson fut de récupérer les milliers de costumes appartenant à l’ancien Opéra d’Etat allemand (le Deutches Opernhaus, le seul rival vraiment sérieux de l’Opéra d’Etat russe) que les nazis avaient soigneusement entreposés au fond d’une mine de sel située à l’extérieur de Berlin dans la zone américaine d’occupation. Par un jor maussade et pluvieux, Josselson se mit en route avec Nabokov pour aller chercher les costumes. Sur le  chemin du retour à Berli, la jeep de Josselson, qui précédait la Mercedes réquisitionnée de Nabokov, heurta violemment un barrage russe. Joselson inconscient et souffrant de multiples coupures et contusions, fut transporté dans un hôpital militaire russe où des femmes, médecins militaires soviétiques le recousirent. Quand il fut suffisamment remis, on le ramena dans le logement de la zone américaine qu’il partageait avec un acteur en herbe Peter van Eyck. Sans les soins des médecins soviétiques Josselson n’aurait peut-être pas survécu pour devenir le devenir le Diaghilev de la campagne de propagande culturelle antisoviétique des Etats-Unis. Les Soviétiques avaient sauvé l’homme qui pendant les deux décennies suivantes devait faire le plus pour saboter leurs tentatives d’hégémonie culturelle.

En 1947, les Russes tirèrent une autre salve avec l’ouverture d’une « maison de la culture pour tous » sur Unter den Linden. L’intiative éblouit un officier aux affaires culturelles britanniques, qui rapporta avec envie que cet institut « surpasse tout ce que les autres Alliés ont fait et éclipse complètement nos maigres efforts […]. L’installation est des plus luxueuses – beaux meubles, la plupart anciens, tapis dans chaque pièce, éclairage splendide, on y a presque trop chaud et tout est repeint à neuf […] Les Russes ont tout bonnement réquisitionné tout ce qu’ils voulaient […]   Il y a un bar et un fumoir […] qui est très accueillant et possède un air de Ritz avec ses tapis moelleux et ses lustres […] C’est là un institut culturel somptueux qui atteindra les grandes masses et aidera beaucouo à lutter contre l’idée reçue que les Russes ne sont pas civilisés. Cette dernière entreprise est déprimante pour nous- notre contribution est si maigre: un seul centre d’information  et quelques salles de lecture qui ont dû fermer à cause du manque de charbon! […] Cette récente incursion des Russes dans le Kulturekampf devrait nous inciter à riposter avec un projet d’une égale hardiesse pour présenter les réalisations britanniques ici à Berlin (22). »

Alors que les Britanniques manquaient de charbon pour chauffer une salle de lecture, les Américains s’enhardirent et répliquèrent aux Soviétiques en ouvrant les Amerika-Hauser. Etablis comme « avant-postes de la culture américaine » ces instituts permettaient de s’abriter du mauvais temps dans les salles de lecture confortablement meublés, offraient des films, des récitals, des conférences et des expositions, « qui mettaient tous un accent extrêmement appuyé sur l’Amérique ». Dans un discours intitulé « Hors des décombres »,le directeur des relations culturelles de l’éducation insistait auprès du personnel des Amerika-Haüser sur la nature épique de leur tâche: « Peu de gens ont jamais eu le privilège de participer à une mission si importante et stimulante, ou si semée d’embûches, que vous qui avez été choisis pour contribuer à la réorientation intellectuelle , morale, spirituelle et culturelle d’une Allemagne défaite, conquise et occupée. » Mais il constatait que « malgré la grande contribution de l’Amérique dans le domaine de la culture, celle-ci passe généralement inaperçue, en Allemagne comme dans le reste du monde. Notre culture est jugée matérialiste, et l’on entend souvent dire: « Nous avons le talent et l’intelligence, vous avez l’argent.(23) ».

A cause,principalement, de la propagande russe, l’Amérique était généralement perçue comme un désert culturel, une nation de philistins mâcheurs de chewing-gum, conducteurs de chevrolet et utilisateurs de latex Dupont de Nemours, et les Amerika-Haüser contribuèrent grandement à retourner ce stéréotype négatif. « Une chose est absolument certaine, écrit un administrateur enthousiaste des Amérika-Haüser, les livres apportés d’Amérique […] font une profonde impression sur les cercles allemands qui, des générations durant, ont cru l’Amérique en retard sur le plan culturel, et ont condamné l’ensemble pour les défauts de quelques uns » de vieux clichés historiquement issus d' »idées reçues sur le retard culturel américain » furent mis à mal par le programme des « bons livres », et il fut signalé que les cercles mêmes où ces insultes avaient cours étaient « impressionnés et réduits au silence(24) ».

Certains clichés étaient  plus difficiles à dissiper; Quand un conférencier des Amérika-Haüser présenta la  » situation actuelle des nègres en Amérique », il s’attira des questions « dont certaines étaient inspirées par la malveillance. Le conférencier « répliqua énergiquement aux intervenants qui auraient pu être communiste ou non ». Heureusement pour les organisateurs, la conférence fut suivie de « chants interprétés par un quintette de couleur. Les nègres continuèrent à chanter bien après l’heure officielle de fermeture […] l’ambiance fut si agréable qu’il fut décidé d’inviter le groupe nègre à se produire une seconde fois (25) ». Le problème des relations raciales en Amérique était beaucoup exploité par la propagande  soviétique, et laissait nombre d’Européens sceptiques sur la capacité des Américains à mettre en pratique la démocratie qu’ils prétendaient à présent offrir au monde. Il en fut donc conclu que l’exportation d’Afro-américains sur les scènes européennes dissiperait ce genre d’impression préjudiciable. Un rapport  du gouvernement militaire américain de mars 1947 fait état de projets de « faire donner des concerts en Allemagne par des chanteurs nègres américains de premier plan […]   l’apparition de Marion Anderson ou de Dorothy maynor devant le public allemand serait de la plus haute importance(26) » La promotion des artistes noirs allait devenir une priorité urgente pour les combattants américains de la guerre froide culturelle.

La réaction américaine à l’offensive culturelle  soviétique commençait à prendre de l’ampleur. L’arsenal complet de la réussite américaine contemporaine fut expédié par bateau en Europe et présenté à Berlin. De tout nouveaux chanteurs d’Opéra furent importés  des académies américaines les plus renommées :la Julliard, la Curtis, l’Eastman et la Peabody Le gouvernement militaire prit le contrôle de dix-huit orchestres symphoniques allemands, et de presque autant de troupes d’opéra. Avec tant de compositeurs allemands interdits, le marché des comositeurs allemands augementa de manière exponentielle et fut exploité de même. Samuel Barber, Leonard Bernstein, Eliott Carter, Aaron Copland, George Gershwin, Gian Carlo Menotti, Virgil Thomson et bien d’autres compositeurs américains présentèrent leurs oeuvres en première audition en Europe sous les auspices du gouvernement. En liaison avec les autres universitaires, les auteurs dramatiques et les metteurs en scène américains,un programme théâtral de  très grande envergure fut également lancé. Des pièces de Lillian Hellman, Eugène 0’Neill,Thornton Wilder, Tenessee Williams, William Saroyan, Clifford Odets et John Steinbeck furent jouées devant des spectateurs  enthousiastes, entassés dans des théâtres gelés où les glaçons pendaient d’une manière menaçante du plafond. Suivant le principe de Schiller  du théâtre comme « moralische Anstalt » (institution morale), où les hommes se voient présenter les principes fondamentaux de la vie, les autorités américaines dressèrent un palmarès des leçons de morale souhaitables. Ainsi à la rubrique « Liberté et Démocratie » y avait-il Peer Gynt d’Ibsen  , Le disciple du diable de   Shaw et Abrahm Lincoln en Illinois de Sherwood.  Le « Pouvoir de la Foi » s’exprimait dans Faust , Goethe, Strinberg et Shaw. « L’Egalité entre les hommes » était le message à tirer des Bas-fonds de maxime Gorki et de Médée de Franz Grilleparzer. A la rubrique « Guerre et paix » se trouvaient Lysistrata d’Aristophane, La fin du voyage de R.C Sheriff, La peau de nos dents de Throrton Wilder et une cloche pour Adano de john Hersey. « Corruption et justice » était jugé être le thème d’Hamlet, du Revizor de Gogol, du Mariage de Figaro de Beaumarchais, et de la presque totalité de l’oeuvre d’Ibsen. Et ainsi de suite avec les thèmes « le crime ne paie pas », « Morale, goûts et usages », « la poursuite du bonheur », jusqu’à l’obligatoire et plus sombre « dénonciation du nazisme ».

Jugées inadaptées au « statut mental et psychologique actuel des Allemands » étaient « toutes les pièces acceptant la maîtrise aveugle du destin qui conduit inéluctablement à la destruction et à l’autodestruction, comme les classiques grecs ». Figuraient également sur la liste noire Jules César et Corolian (« glorification de la dictature »), le Prince de Hombourg de Kleist (chauvinisme), Le cadavre vivant deTolstoÏ (« critiques moralisatricesdes problèmes de la société à des fins asociales »),toutes les pièces de Knut Hamsun (« idéologie nazie évidente »), et de toute pièce de tout auteur qui était « volontairement passé au service du nazisme (27). »

Tenant compte de l’avertissement de Disraeli selon qui: « un livre peut être une chose aussi importante qu’une bataille », unvaste programme de lectures fut lancé avec pour objectif essentiel de « projeter l’histoire américaine devant le lecteur allemand de la manière la plus efficace possible ». Faisant appel aux éditeurs commerciaux, le gouvernement d’occupation s’assura d’un afflux constant d' »ouvrages généraux » jugés plus acceptables que les publications patronnées par le gouvernement, car ils ne sont pas entachés de propagande(28) ». Mais il ne faisait aucun doute qu’ils étaient destinés à être de la propagande. Les seules traductions commandées par la Division de la guerre psychologique du gouvernement militaire américain représentaient des centaines de titres, allant du citoyen tom Paine d’howard Fast jusqu’à l’ère de Roosvelt d’Arthur M. Sclesinger et l’Architecture américaine du Musée d’Art moderne. Il y avait aussi des éditions allemandes de livres « convenant aux enfants de l’âge le plus impressionnable », comme les Contes prodigieux de Nathaniel Hawthorne, Un Yankee à la cour du roi Arthur de mark Twain et la petite maison dans la prairie de laura Ingalls.

Ces programmes d’édition contribuèrent de façon significative après la guerre, à la réputation de nombreux Américains en Allemagne (et dans d’autres territoires occupés). Et l’éclat culturel de l’Amérique brilla de tous ses feux avec la distribution des oeuvres de Louisa may Alcott, Pearl Buck, Jacques Barzun, James Burnham, Willa Cather, Norman Cousins, William Faulkner, Ellen Glasgow, Ernest hemingway, F.O.Matthiessen, Reinhold Niebuhr, Carl Sandburg, James Thurber, Edth harton et Thomas Wolfe.

Des auteurs européens furent également inclus dans ce programme explicitement anticommuniste. Etaient jugés appropriés les textes « dont nous trouvions objective, opportune et écrite de façon convaincante la critique de la politique étrangère soviétique et du communisme en tant que forme de gouvernement (29). » Répondaient à ces critères le retour de l’uRSS d’André Gide, récit de ses expériences décevantes en Russie, Le Zéro et l’infini et le Yoghi et le Commissaire d’Arthur Koestler, et le Pain et le Vin d’Ignazio Silone. S’agissant de koetsler et de Silone, c’était là la première de nombreuses apparitions sous l’égide du gouvernement américain. L’accord de publication fut refusé à certains livres. Une des premières victimes fut l’ouvrage aujourd’hui anachronique de John Foster Dulles, Conditions de la paix.

Dans le domaine de l’art, Mme Moholy-Nagy parla devant les auditoires allemands de l’oeuvre de son défunt mari Laszlo et de la nouvelle et passionnante direction prise par le « nouveau Banhaus » à Chicago. Sa conférence, écrit un journaliste favorable, « a été une contribution instructive à la conception incomplète que nous avons de la culture et de l’art américains (30) ». Cette conception fut encore raffermie par une exposition de « tableaux non objectifs » du musée Guggenheim. C’était la première apparition sous l’égide du gouvernement de l’école de New York, également appelée l’expressionnisme abstrait. De peur que la nouveauté ne leur paraisse trop choquante, les auditoires y étaient préparés par des conférences traitant de « pensées fondamentales sur l’art moderne » qui utilisaient des tableaux médiévaux d’une familiarité rassurante pour présenter « les possibilités abstraites de l’exposition artistiques ».

Toutes les tentatives ne furent pas de la plus haute qualité. Le lancement de l’édition allemande du Mystery Magazine d’Ellery Queen laissa des gens comme Michael Josselson complètement idifférents. Et tout le monde fut convaincu que la chrola de yale était le meilleur moyen de prouver sans aucun doute « l’importance capitale des arts dans le programme universitaire en tant qu’antidote du collectivisme (32) ». Même l’école de darmstadt eut un début chancelant.  Initiative audacieuse du gouvernement militaire américain « les cours d’été de musique nouvelle de Darmstadt » se terminèrent  presque en émeute après qu’un désaccord sur la musique nouvelle radicale eut dégénéré en histilité ouverte.Une évaluation officielle concluait: » Il fut généralement concédé que beaucoup de cette musique était sans valeur et qu’il aurait mieux valu  ne pas la jouer. On regretta l’insistance exagérée sur la musique dodécaphonique. Un critique définit le concert comme « le triomphe du dilettantisme »… Les étudiants français firent bande à part et se comportèrent avec snobisme, et leur professeur Leibowitz, admet comme valable seulement le genre le plus radical de musique, et dédaigne ouvertement tout autre. Ses étudiants imitèrent son attitude. Le sentiment général a été que les cours de l’année prochaine devraient suivre une ligne différente et plus éclectique (33) » Darmstadt devait bien sur devenir en quelques années la citadelle de l’expérimentation progressiste en musique.

 

la suite du chapitre reprend pied dans la réalité d’une Europe en faillite, dans laquelle règne faim et misère. Et

iil va appuyer les suites de la guerre froide culturelle naissante sur le Plan Marshall.

 

A propos de la Pologne et de son rôle dans le déclenchement de la deuxième guerre mondiale

 

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on sait le rôle joué par  la Pologne dans l’adoption de la résolution mettant sur le même plan nazisme et communisme (pour mieux restaurer un passé nazi d’ailleurs) et mettant sur l’URSS et le pacte germano-soviétique le poids du déclenchement de la guerre. Les Russes en particulier non seulement dénoncent ce négationnisme historique mais ont décidé de sortir les archives dans lesquelles ils montrent le rôle du pacte de Munich et les complaisances à l’égard du régime nazi des puissances comme la Grande bretagne, la France, mais surtout la Pologne. Voici une contribution à leur analyse.

lecture des  articles qu’Aragon écrit pour le quotidien communiste « Ce soir »en septembre 1938 (1)nous permettent de mieux percevoir ce qu’a été la réalité des accords de Munich. Mais j’y ai découvert quelque chose que j’ignorais à propos de la Pologne et de la Hongrie. Ces deux pays qui avaient des gouvernements très proches des fascistes et des nazis qui non contents d’approuver le démembrement de la Tchécoslovaquie en réclamèrent leur part aux côtés des nazis :

« Et dans la soirée, la Pologne avait fait savoir officiellement qu’elle réclamait le territoire de Teschen et la minorité polonaise en Tchécoslovaquie (2), on annonçait simultanément le maintien sous les drapeaux de la classe démobilisable et des réservistes ayant pris part aux manoeuvres. Les journaux allemands du soir ne laissent aucun doute sur les nouvelles exigences que le Fürher exposera à moniseur Chamberlain à Godesberg: démembrement de la Tchécoslovaquie, avec la part du lion pour l’Allemagne ».(P.35)

(1) Aragon Un jour du monde (chronique de ce soir) 1ère partie: 1938 La crise de Munich. Editions Delga. 2017

(2) La ville de Teschen (située à l’est de la Tchécoslovaquie, proche de la frontière polonaise) est finalement  occupée et annexée par la Pologne en octobre 1938.

 

La culture et la CIA , de la page 19 à la page 28, chapitre 1: cadavres exquis 1

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Voici la suite, croquis d’ambiance des Américains enrichis par la guerre, une Europe exsangue et des intellectuels à qui on offre de partager le luxe. A la fête succède une franche hostilité des Américains face aux Soviétiques, notez que Frances Stonor Saunders se situe toujours du côté des occidentaux et attribue aux seuls soviétiques la volonté d’installer des gouvernements « amis », comme elle trouve que ceux-ci exagèrent dans la répression des collabos. C’est ce positionnement qui fait d’ailleurs l’intérêt de son étude, et le fait qu’elle a souvent presque inconsciemment une dimension de classe où l’on voit la différence de traitement par les « alliés » suivant s’il on est le balayeur du coin ou le magnat de l’industrie même si elle n’imagine pas un monde économiquement viable sans ces derniers.  Elle va ainsi décrire deux individus pour qui elle a de la sympathie, un russe blanc, Nabokov et un juif polono allemand Josselson dont la famille a été réprimée par les bolchviks qui vont passe d’une épuration intelligente des nazis à un souci de sauver ceux-ci pour les recruter comme agents contre les soviétiques. Sa grande préoccupation reste ce qui permet aux intellectuels d’exercer librement leurs activités et sans que le niveau baisse. De ce point de vue, la comparaison entre les prestations en matière d’éducation et même de production artistiques dans les pays socialistes ou capitalistes mériteraient une réévalutaion, en tenant compte de ce qu’elle analyse dans son livre c’est-à-dire la capacité de la CIA de fabriquer des « élites culturelles » et même comme chez nous des best-seller d’une saison. Cette « amoralité » que note Arthur Miller fut celle qui m’a toujours indignée et que je dénonce dans mon livre Brecht et lang, le nazisme n’a jamais été éradiqué. Elle se retourne aujourd’hui contre l’Europe puisqu’on voit les mêmes qui réhabilitent le nazisme réclamer une lutte encore plus féroce contre les communistes et ceci avec une mollesse de réaction préoccupante de la part du PCF. Choisir le nazisme contre le communisme n’est pas simplement enjeu du passé, il conditionne l’avenir, l’égalité, la justice sociale comme d’ailleurs le rôle de la science et de la culture. (note de danielle Bleitrach)

Méthode : Recopier des livres entiers fait partie de mes habitudes de lecture, la seule manière de bien pénétrer la pensée d’un auteur, j’ai lu Marx comme ça et lui même en faisait autant. Depuis l’âge de 14 ans, j’ai coutume d’aller en bibliothèque recopier des livres entiers ce qui les inscrit à jamais dans ma mémoire, le seul problème est que je tape plus lentement que ce que j’écris. Je continue à écrire des pages entières en me promenant cette fois ce sont les articles d’Aragon dans ce soir en 1938 et 1939.

chapitre 1

cadavre exquis

 

C’est ici un lieu de désaffection

Le temps d’avant et le temps d’après

Dans une lumière confuse

T.S Eliot, Burnt Norton

 

L’Europe d’après-guerre s’éveilla à une aube glaciale. L’hiver 1947 fut le pire jamais recensé. De janvier jusqu’à fin mars, il ouvrit un front à travers l’Allemagne, l’Italie, la France et la Grande Bretagne, et progressa implacablement. La neige tomba à Saint Tropez, les vents soufflèrent en rafales, érigeant d’impénétrables congères, des glaces flottantes remontèrent l’embouchure de la Tamise, des trains de ravitaillement gelèrent sur leurs rails, des péniches transportant le charbon à Paris furent prises dans les glaces. Dans cette ville, le philosophe Isaiah Berlin se sentit « terrifié » par le froid d’une cité « vide et morte, tel un cadavre exquis ».

 

A travers toute l’Europe, les services des eaux, les égouts et la plupart des autres équipements essentiels tombèrent en panne, l’approvisionnement diminua et les réserves de charbon baissèrent  jusqu’à un niveau sans précédent, les mineurs s’efforçant en vain de faire fonctionner les machines d’extraction qui étaient complètement gelées.Il y eut un léger mieux, puis à nouveau une nouvelle recrudescence du froid qui bloquait les canaux et les routes sous une épaisse couche de glace. En grande Bretagne, le chômage augmenta d’un million en deux mois. Le gouvernement et l’industrie s’enfoncèrent dans la neige et la glace. La vie même sembla geler: plus de quatre millions d’ovins et trente mille bovins périrent.

 

A Berli, Willy Brandt, le futur chancelier, voyait une « nouvelle terreur » s’emparer de la ville qui symbolisait le plus l’effondrement de l’Europe. Le froid glacial « attaquait les gens telle une bête sauvage, les forçant à rester chez eux. Mais ils n’y trouvaient aucun répit. Les fenêtres n’avaient pas de vitres, elles étaient clouées de planches et de placoplâtre. Les murs et les plafonds étaient criblés de fissures et de trous bouchés avec du papier et des chiffons. Les gens se chauffaient avec les bancs des jardins publics[…] les vieillards et les malades mouraient de froid dans leur lit par centaines(1) ». Une mseure d’urgence attribua à chaque famille allemande un arbre pour le chauffage. Au début de 1946, les arbres du Tiergarten avaient déjà tous été abattus et il ne restait que des soches et des statues au milieu d’u désert de boue gelée. Durant l’hiver 1947, les bois du célèbre Grünewald furent rasés. Les congères qui recouvraient les décombres d’une ville complètement détruite par les bombardements ne pouvaient dissimuler l’héritage dévastateur du rêve mythomane qu’ Hitler  avait fait pour l’Allemagne Berlin, telle une Carthage en ruine, était une ville désolée, froide et hantée- défaite, conquise et occupée.

 

Le temps rendait cruellement sensible la réalité physique de la guerre froide, et s’ouvrait un chemin dans la topographie de l’Europe d’après Yalta, ses territoires nationaux mutilés, ses populations morcelées. Les gouvernements alliés d’occupation en France, en Allemagne,en Autriche et en Italie s’efforçaient de traiter le problème de treize millions de personnes déplacées, de familles sans foyer et de soldats démobilisés. Le nombre toujours croissant du personnel allié qui arrivait  dans les territoires occupés exacerberait le problème. De plus en plus de gens étaient chassés de chez eux et grossissaient les rangs de ceux  qui dormaient déjà dans les halls, les escaliers, le caves, les sites bombardés. Clarissa Churchill, invitée de la commission du contrôle britannique à Berlin, se trouva « protégée à la  fois géographiquement et matériellement de l’impact direct du chaos et de la misère qui régnaient dans la ville; M’éveiller dans la chambre chauffée de l’ancienne demeure d’un nzai, tâter les draps bordés de dentelle, examiner ses rayonnages de livres, ces simples expériences me donnaient un avant-goût du délire du conquérant, qu’une courte promenade dans les rues ou une visite dans un appartement allemand sans chauffage dissipait immédiatement(2) ».

 

C’étaient des jours grisants pour les vainqueurs. En 1947, ue cartouche de cigarettes américaines, qui coûtait cinquante cents dans une base américaine, atteignait mille huit cent Reichsmarks au marché noir,soit cent quatre-vingt dollars au taux de change légal Pour quatre cartouches de cigarettes, on pouvait engager un orchestre allemand pour la soirée. Ou pour vingt-quatre cartouches, acquérir une Mercédès-Benz 1939. La pénicilline et les certificats de « Persilscheine » (blancheur Persil- plus blanc que blanc), qui lavaient leur détenteur de tout lien avec le nazisme, atteignaient les plus hauts prix. Avec ce genre de débâcle économique , des soldats qui avaient été de simples ouvriers en Idaho pouvaient mener l’existence de tsars modernes.

 

A Paris, le lieutenant-colonel Victor de Rothschild, le premier soldat britannique à être arrivé le jour de la Libération en sa qualité de spécialiste du déminage, était entré en possession de sa maison de famille de l’avenue Marigny qui avait été réquisitionné par les nazis. Là, il reçut le jeune officier de renseignements Malcom Mugeridge et le régala de champagne millésimé. Le majordome de la famille, qui avait continué à travailler  dans la maison occupée par les Allemands, remarqua que rien ne semblait avoir changé. L’hôtel Ritz, réquisitionné par l’officier de renseignements et millionnaire John Hay Whitney, accueillit David Bruce (ami de Princeton de F.Scott Fitzgerald) qui vint accompagné d’Enst Hemingway ainsi que d’une armée privée de libérateurs, et commanda cinquante Martini au directeur. Hemingway, qui, comme David Bruce, avait  combattu dans les services secrets américains pendant la guerre, l’Office des services stratégiques (OSS), s’installa avec ses bouteilles de whisky au Ritz, où,plongé dans la stupeur de l’ivresse, il reçut un Eric Blair nerveux (Georges Orwell)ainsi qu’une invitée au tempêrament plus direct, Simone de Beauvoir, et son amant Jean paul Sartre (qu s’abîma dans l’alccol et récolta la pire gueule de bois de sa vie).

 

Le philosoposphe et officier de renseignements A.J. »Freddie » Ayer, auteur de langage, vérité et logique, devint un personnage familier à Paris qu’il sillonnait à toute allure dans une grande Bugatti avec chauffeur,équipée d’une radio de l’armée. Arthur Koestler et sa maîtraisse Mamaie Paget « se soulèrent » en compagnie d’André malraux, avec force vodka accompagnée de caviar, blinis, balyk et soufflé à la sibérienne. Egalement à Paris, Susan Mary Alsop, jeune Américaine épouse de diplomate, donnait une série de réceptions dans sa « jolie maison remple de tapis d’Aubusson et de bon savon américain ». Mais quand elle sortait dans la rue, elle trouvait que les visages étaient « tous durs, usés et marqués par la souffrance. Il n’y vraiment pas de nourriture, sauf pour ceux qui se permettre le marché noir, et encore ils n’en trouvent pas beaucoup. Les pâtisseries  sont vides- dans les vitrines des salons de thé comme Rumpelmayer, on voit de magnifiques gâteaux en carton ou une boite de chocolats vide,avec un écriteau qui dit « modèle », et rien d’autre. Dans les devantures du faubourg Saint Honoré trô,e fièrement une paire de chaussures marquée « cuir véritable » ou « modèle » entourée de choses affreuses en raphia. Devant le Ritz, j’ai jeté un mégot et un vieux monsieur bien mis s’est précipité dessus (3) ».

 

Au même moment, le jeune compositeur de musique Nicolas Nabokov,cousin du romancier Vladimir, jetait un mégot dans le secteur soviétique de Berlin. « Quand je me suis éloigné, une silhouette a bondi de l’obscurité pour rammasser la cigarette que j’avais jetée(4). » Tandis que la race supérieure fouillait dans les poubelles à la recherche de mégots,de bois de chauffage ou de nourriture, les Berlinois laissaient les ruines du bunker du Fürher sans panneau indicateur et n’y prêtaient guère attention. Mais chaque samedi, les Américains du gouvernement militaire exploraient à la torche les caves dévastées de la chancellerie du Reich et empochaient leurs trouvailles exotiques: pistolets roumains, épaisses liasses de billets de banque à moité brûlés, croix de fer et autres décorations. Un pilleur décourit les toilettes des dames et déroba des numéros de vestiaire encuivre gravés de l’aigle nazi et du mot Reichskanklei. La photographe de Vogue Lee Miller, qui avait été autrefois la muse de Man Ray, posa tout habillée dans la baignoire du bunker d’Hitler.

 

L’amusement cessa bientôt. Divisée en quatre grands secteurs, et installée tel un nid de corbeaux dans l’immensité d’un territoire sous contrôle soviétique, Berlin était devenu la « synecdoque traumatique de la guerre froide(5) ». Oeuvrant ostensiblement ensemble, au sein  de la Kommandatur alliée, à la « dénazification » et à la « réorientation » de l’Allemagne, les quatre puissances luttaient contre des vents idéologiques croissants, signes d’une situation internationalepeu encourageante. « je ne ressentais pas d’animosité envers les Soviétiques écrit Michael Josselon, officier américain d’origine russo-estonienne. En fait j’étais apolitique à l’époque,et cela me permettait d’entretenir d’excellentes relations personnelles avec la plupart des officiers soviétiques que je rencontrais(6) ».Mais quand l’Union soviétique imposa des gouvernements « amis » dans sa sphère d’influence, organisa des procès de masse  grand spectacle, et remplit toujours davantage ses goulags en Russie même, cet esprit de collaboration fut sévérement mis à l’épreuve. Durant l’hiver 1947, mois de deux ans après que les Américains et les Russes s’étaient  donné l’accolade sur les rives de l’Elbe, cette fraternité s’était changée en hargne. »C’est seulement une fois la politique soviétique devenue ouvertement agressive, les histoires d’atrocités commises en zone d’occupation soviétique monnaie courante[…] et la propagande sovviétique crûment anti-occidentale, que ma conscience poltique s’éveilla(7) », note Josselson.

 

 

Le quartier général du Bureau du gouvernement militaire américain,Office of Military Government US,était connu sous l’abréviation « OMGUS », et les Alemands crurent d’abord qu’elle signifait « bus » en anglais parce qu’elle était peinte sur les côtés des autobus à impériale réquisitionnés par les Américains. Lorsqu’ils n’étaient pas en train d’espionner les trois autres puissances,les officiers de l’OMGUS restaient derrière des bureaux où s’entassaient de hautes piles de l’omniprésent Fragebogen, que tout allemand demandeur d’emploi devait remplir, répondant à des questions relatives à ses nationalité, religion, casier judiciaire, études, qualifications professionnelles, situation et service militaire, écrits et discours,revenus et biens, voyages à l’étranger et, bien sur, appartenance politique.Passer au crible la population allemande tout etière à la recherche de la plus légère trace de « nazisme et militarisme » était une tâche mortellement ennuyeuse et bureaucratique – et souvent frustrante. Un concierge pouvait être mis sur la liste noire pour avoir balayé les couloirs de la chancellerie du Reich,alors que beaucoup d’industriels,de savants, d’admnistrateursau service d’Hitleret même d’officiers de hautrang étaient tranqullement réintégrés par les puissances alliées qui tentaient désespérement d’éviter l’effondrement de l’Allemagne.

 

Pour un officier de renseignements, remplir des formulaires interminables n’étaient en aucun cas u moyen de traiter le complexe héritage du régime nazi. Michael Josseson adopta une approche différente.  » je ne connaissais pas Josselson à cette époque, mais j’avais entendu parler de lui, se rappelle le philosophe Stuart Hampshire qui travaillait alors pour le M16 à Londres. Sa réputation s’était propagée dans les services de renseignements en Europe. C’était le roi du système D, l’homme qui pouvait tout obtenir Mais vraiment tout. Si vous vouliez traverser la frontière russe, ce qui était quasiment impossible, Josselson arrangeait l’affaire (8). »

 

Parlant couramment quatre langues sans la moindre trace d’accent, Michael Josselson était un atout précieux dans les rangs des officiers d’occupation américains. De plus il connaissait Berlin comme sa poche. Né à Tartu en 1908, fils d’un négociant en bois juif, il était arrivé à Berlinpour la première fois au dévut des années vint,entraîné dans la diaspora balte qui suivit la révolution de 1917; La plupart des membres de sa famille proche ayant été assassinés par les Bolcheviks (ce qui rend un peu invraisemblalble son « apolitisme » dont Frances Stoor Saunders le pare un peu plus haut, note de DB) , il lui était impossible de revenir à Tartu, et il rejoignit les rangs de cette génération d’hommes et de femmes qu’Arthur Koetsler appelait « le rebut du genre humain »- les déracinés, des gens dont la vie avait été brisée par le XX ème siècle, et l’identité et la terre natale mises en pices. Josselson avait fait ses études à l’Université de Berlin, mais les avait interrompues avant d’obtenir son diplôme, pour entrer en tant qu’acheteur aux grands magasins Giumbel-Saks dont il était devenu le représentant à paris. En 1936, il avait émigré aux Etats-Unis et peu après était devenu le représentant à Paris; En 1936, il avait émigré aux Etats-Unis,et peu après était devenu citoyen américain.

Incorporé dans l’armée en 1943, ses antécédents européens le désignaient à l’évidence soit au service de renseignements, soit à la guerre psychologique. Il fut dûment affecté à la section de la Division de la guerre psychologique en Allemagne, oùil intégra une équipe spéciale d’interrogation composée de sept hommes (et surnommée la « kampfgrupe Rosenberg » d’après son chef, le capitaine Albert G.Rosenberg). La mission de l’équipe était d’interroger chaque semaine des centaines de prisonniers allemands, dans le but de « faire rapidement la part entre les nazis convaincus et les non-nazis, les mensonges et les réponses sincères, les personnalités volubiles et celles qui restaient obstinément muettes.(9) ». Démobilisé en 1946, Josselson demeura à Berlin en tant qu’officier des affaires culturelles auprès du gouvernement militaire américain, puis auprès du Département d’Etat et de la Haute commission américaine, en tant qu’officier des affaires publiques. A ce titre, il avait pour mission de « passer au crible le personnel » de la presse de la radio et du monde du spectacle allemands, dont tous les membres avaient été provisoirement suspendus en attendant l' »éviction des nazis.  »

Affecté à la même division, se trouvait Nicolas Nabokov, émigré russe blanc qui avait vécu à Berlin avant de rejoindre les Etats-Unis en 1933. Grand, beau et  chaleureux, Nabokov était un homme qui cultivait les amitiés (et les épouses) avec beaucoup d’aisance et de charme. Pendant les années vingt, son appartement de Berlin était devenu le centre de la vie culturelle émigrée, un pot-pourri intellectuel d’écrivains, de lettrés, d’artistes, de politiciens et de journalistes. Dans c e groupe cosmopolite d’exilés figurait Michael Josselson. Au milieu des années trente, Nabokov parti en Amérique où il écrivit ce qu’il disait modestement être « le premier ballet américain », Union pacific, avec Archibald Mac leish. IL partagea pendant un certain temps un petit atelier new-yorkais avec Henri Cartier Bresson, à l’époque où ni l’un, ni l’autre n’avaient d’argent. Nabokov devait écrire plus tard que « pour Cartier bresson, le mouvement communiste était porteur d’histoire et d’avenir pour l’humanité[..] Je partageais beaucoup de ses opinions, mais malgré la nostalgie qui me rongeait de revoir ma terre natale russe, je ne pouvais accepter ni épouser l’attitude philo-communiste de tant d’intellectuels d’Europe de l’ouest et d’Amérique. J’avais l’impression qu’ils étaient curieusement aveugles aux réalités du communisme russe et régissaient seulement aux raz de marée  fascistes qui balayaient l’Europe à la suite de la dépression; Jusqu’à un certain point, j’avais le sentiment que ce philo-communisme du milieu des années trente était un engouement passager, habilement nourri par une mythologie de la révolution bolchevique russe façonnée par le Département d’agit-prop soviétique(10) ».

En 1945, à la même époque que W.H.Auden et J.K. Galbraith; Nabokov entra à la Division chargée du moral des armées de l’unité topographique américaine des bombardements stratégiques en Allemagne,où il rencontra le personnel de la guerre psychologique et obtint ensuite un poste dans la Division du contrôle de l’information, en même temps que son vieil ami Michael Josselson. En sa qualité de compositeur Nabokov fut nommé à la section musicale, où sa  mission était « d’établir de bonnes armes psychologiques et culturelles pour détruire le nazisme et promouvoir le véritable désir  d’une Allemagne démocratique(11) ». Sa tâche consistait à « éliminer les nazis de la vie musicale allemande,à donner une autorisation aux musiciens allemands[le droit d’exercer leur profession] que nous pensions être des Allemands « propres »,et à contrôler les programmes des concerts allemands pour s’assurer qu’is ne se transforment pas en manifestations nationalistes ». Présentant Nobokov lors d’une réception, un général américain déclara: « Il est très calé en musique et il dit au Fritz comment s’y prendre(12). »

josselson et Nabokov devinrent une réelle encore que surprenante paire d’amis. Nabokov était émotionnellement extravagant, physiquement démonstratif et toujours en retard, Josselson, doté d’un caractère noble, était réservé et scrupuleux. Mais ils parlaient la même langue de l’exil et partageaient le même attachement au Nouveau Monde, l’Amérique, que tous deux croyaient être le seul pays où l’avenir du vieux-monde pouvait être garanti. Il y avait dans les péripéties et les machinations du Berlin d’après-guerre quelque chose qui leur plaisait à tous les deux et leur donnait l’occasion d’exercer pleinement leurs talents d’administration et d’innovation. Ils avaient ensemble,écrivit plus tard Nabokov, »mené avec beaucoup de succès la chasse aux nazis et mis sur la touche quelques célèbres chefs d’orchestre, pianistes et chanteurs, ainsi qu’un bon nombre de musiciens d’orchestre (dont la plupart l’avaient bien mérité et dont certains e devraient pas être ici aujourd’hui (13. » Allant souvent à l’encontre d’une pensée officielle, ils adoptèrent une vue pragmatique de la dénazification. Ils refusèrent d’accepter que la conduite d’un artiste dans l’Allemagne nazie puisse être traitée comme un phénomène sui genris , selon les critères d’un Fragebogen. « Josselson croyait sincèrement que le rôle des intellectuels dans une situation très difficile ne devait pas être jugé en un instant,expliqua plus tard un collègue. Les Américains n’en avaient aucune idée. Ils se contentaient d’intervenir et de montrer du doigt(14) ».

En 1947, le chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler fut l’objet d’un opprobre singulier. Il avait beau s’être ouvertement opposé à ce que Paul Hindemith fut taxé de « dégénéré », il n’en avait pas moins conclu plus tard un accord réciproquement bénéfique avec le régime nazi. Nommé conseiller d’Etat de prusse, et occupant d’autres postes éminents accordés par les nazis, Furtwängler continua à diriger l’Orchestre philharmonique et l’Opéra de Berlin pendant tout le troisième reich. En décembre 1946, un an et demi après  que son cas eut été pour la première fois porté à l’attention de la Commission de contrôle alliée, le chef d’orchestre devait comparaître devant le tribunal pour artistes constitué à Berlin. L’affaire fut jugée en deux jours. Le résultat fut vague, et le tribunal garda son dossier sous le coude pendant des mois. Puis, inopinément, Furtwängler apprit que la kommendatur alliée l’avait innocenté et qu’il était libre de diriger le philharmonique   de Berlin, le 25 mai 1947, au Titania Palast réquisitionné par les Américains. Parmi les papiers laissés par Josselson se trouve une note relative à son rôle dans ce que les initiés appelaient « le saut d’obstacle » de Furtwängler.  « J’ai beaucoup contribué à épargner au grand chef d’orchestre Willhelm Furtwängler l’humiliation d’avoir à subir la procédure de dénazification alors qu’il n’avait jamais été membre du parti nazi(15) », écrit Joselson. Cette manœuvre fut accomplie avec l’aide de Nabokov, et pourtant, des années plus tard tous deux restaient dans le vague à propos des détails de l’affaire. »Je me demande si tu te rappelles la date approximative de la venue de Furtwängler à Berlin pour y donner une conférence de presse où il menaçait de passer à Meoscou si nous ne l’innocentions pas immédiatement, demande Nabokov à Josselson en 1977. Je crois me rappeler que tu as eu quelque chose à voir avec sa sortie du secteur soviétique- c’est bien ça?- et son arrivée à mon cantonnement. je me rappelle la douce fureur du général McClure, le chef de la Division du contrôle de l’information,devant le comportement de Furtwängler à ce moment-là[…](16)

Un officiel américaineut une réaction de colère en découvrant que des personnalités comme Furtwängler étaient en train d’être « blanchies ». En avril 1947,Newell Jenkins, directeur du théâtre et de la musique  auprès du gouvernement militaire américain de Wurtemberg-Baden, exigea rageusement qu’on lui explique « comment il se fait que tant de nazis éminents dans le domaine musical soient toujours en activité? »Comme Furtwängler, Herbert Von Karajan et Elisabeth Schwarzkopf devaient bientôt être innocentés par les commissions alliées et ce malgré leur passé trouble. Dans le cas de Karajan, le fait était pratiquement indiscutable. Il avait été membre du parti dès 1933 et n’avait jamais hésité à ouvrir ses concerts avec l’air préféré des nazis, le « Horst Wessel lied ». Ses ennemis l’appelaient le « Colonel SS Von Karajan ». Mais malgré ses sympathies nazies, il retrouva rapidement sa position de roi indiscuté du Philharmonique de Berlin, l’orchestre qui dans les années d’après-guerre fut érigé en rempart symbolique contre le totalitarisme soviétique. (17)

Elisabeth Swarzkopf avait donné des concerts pour les Waffen SS sur le front de l’Est et tenu la vedette dans  les films de propagande de Goebbels, qui l’avait personnellement incluse dans une liste d’artistes « bénis de Dieu ». Son numéro de membre du parti national-socialiste était e 7548960. « Un boulanger doit-il arrêter de faire du pain s’il n’aime pas le gouvernement? » demanda son accompagnateur demi-juif, Peter Gellhorn (qui luimêmeavait dû fuir l’Allemagne dans les années trente). Assurément non, Schwartzkopf fut innocentée par la Commision de contrôle allié, et sa carrière connut le plus vif succès. Elle fut plus tard élevée à la dignité de Dame de l’Empire britannique.

Que les artistes aient à rendre compte de leur implication dans la politique de leur temps- et dans quelle mesure ils devaient le faire- était une question que ne pourrait jamais résoudre un programme de dénazification au petit bonheur la chance. Josselson et Nabokov avaient une conscience aiguë des limites d’un tel programme et, de ce fait, leurs raisons pour passer au-dessus de certaines de ses dispositions pouvaient être jugées humaines, et même courageuses. D’un autre côté, ils étaient victimes d’une confusion morale: du besoin d’instaurer des repères anticommunistes symboliques découlait impérativement la nécessité politique urgente, et tenue secrète, d’innocenter ceux qui étaient soupçonnés de compromission avec le régime nazi. Cela permettait de tolérer que soit soupçonné d’avoir été proche du fascisme s’il pouvait être utilisé contre le communisme – quelqu’un devait être au pupitre contre le Soviétiques. La lettre de 1977 de Nabokov à Josselson révèle  qu’il leur fallut véritablement arracher Furtwängler aux Soviétiques (qui avaient pris contact avec lui pour lui offrir la direction de l’opéra d’Etat d’Unter den Linden), alors que lui-même jouait des deux camps l’un contre l’autre. Sa présence au Titania Palace en mai 1947, montra clairement que les Alliés n’allaient pas se laisser souffler la vedette par les Soviétiques dans la « bataille des orchestres ». En 1949, Furtzwängler figurait sur la liste des artistes allemands voyageant à l’étranger au titre de programmes culturels soutenus par les Américains. En 1951, il dirigea lors de la réouverture du festival de bayreuth, qui avait été rendu à la famille Wagner malgré l’interdit officiellement prononcé contre Richard Wagner (pour nationalisme ».

William Donovan, directeur des services secrets américains pendant la guerre, avait eu cette phrase célèbre: « j’embaucherais Staline si je pensais que cela nous aiderait à battre Hitler(18) »Par un retournement de situation trop facile, il apparaissait maintenant que les Allemands « devaient être nos nouveaux amis, et le sauveur russe notre ennemi ». Pour Arthur Miller c’était « une chose ignoble. Il m’apparut des années plus tard que ce changement brutal qui consistait à arracher les étiquettes du bien et du mal à une nation et à les coller sur une autre avait contribué à flétrir la notion même d’un monde ne serait-ce que théoriquement moral. Si l’ami d’hier pouvait si rapidement devenir l’ennemi d’aujourd’hui, quel degré de réalité le bien et le mal pouvait-il avoir? Le nihilisme- pis encore, ‘amusement ennuyé- à l’égard du concept même d’impératif moral, qui allait devenir une marque de la culture internatinale, naquit durant les huit ou dix années de réalignement qui suivirent la mort d’Hitler(19.)

 
 

Introduction du livre de Frances Stonor Saunder sur la CIA et la guerre froide culturelle(1)

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Ce livre est épuisé et quasiment introuvable, il s’achète sur le net à des prix prohibitif(700 euros), et les droits de ré-édition sont encore plus prohibitifs. Aussi j’ai décidé dans la mesure du possible de vous le faire connaître gratuitement, dans ce temps de vacances du blog, pendant lequel je lis et relis pas mal d’ouvrages. Celui-ci   est un travail de recherche universitaire dont les résultats sont saisissants ? Il décrit  l’emprise de la CIA sur le monde intellectuel, durant la guerre froide, les déclassifications corroborent cette analyse comme celles plus récentes et d’aujourd’hui témoigneront de la même vassalité pire encore . A cette époque là, la France, grâce au PCF et au travail politique et culturel de grands créateurs comme Aragon échappa à l’emprise plus que le monde anglo-saxon, mais aujourd’hui ce temps est révolu et la situation intellectuelle en France est pire que dans le mode anglo-saxon. il est clair que le pCF n’est plus en état d’un tel combat, affaibli, il lui même vérolé depuis pas mal d’années… Je recopie ce texte et en même temps je lis la chronique qu’Aragon tenait en 1938 et en 1939 dans le journal Ce Soir. Edifiant. on s’y croirait à la différence près qu’aujourd’hui c’est le pCF qui me parait payer les gens qui poursuivent l’oeuvre de la CIA en son sein. Peut-être un jour est-ce que j’écrirais la véritable histoire de l’eurocommunisme, histoire que j’ai à peine esquissée dans mes mémoires, seulement pour ceux qui savent lire et ils sont rarissimes. L’hebdomadaire Révolution a été un bon lieu d’observation et son mode de financement mériterait une analyse fine. Mais le véritable fait de notre époque est que cette emprise n’est plus celle d’une Amérique triomphante mais d’une fin d’ère destructrice toujours « totalitaire » mais de moins en moins « légitime ». Voici donc l’introduction qui décrit plus qu’une époque, des mécanismes:(note de Danielle Bleitrach)

 

INTRODUCTION

Le moyen de faire de la bonne propagande est de ne jamais avoir l’air d’en faire.
Richard Crossman

Au plus fort de la guerre froide, le gouvernement des Etats-Unis consacra d’énormes ressources à un programme secret de propagande culturelle en Europe occidentale. Un trait essentiel de cette propagande était de prétendre qu’il n’existait pas. Il était dirigé, dans le plus grand secret, par le bras armé de l’espionnage américain, l’Agence Centrale de renseignement, la CIA. Au coeur de cette campagne secrète était le Congrès pour la liberté de la culture, dirigé par l’agent de la CIA Lichael Josselon, de 1950 jusqu’à 1967 Son oeuvre – pour ne pas parler de sa longévité- fut considérable. A son apogée, le Congrès pour la liberté de la culture possédait des bureaux dans trente-cinq pays, employait des douzaines d’équipes, publiait plus de vingt magazines de prestige, organisait des expositions artistiques, possédait un service d’information et de presse, organisait des conférences internationales de grand renom et récompensait musiciens et artistes par des prix et des spectacles. Sa mission était de détourner l’intelligentsia de l’Europe occidentale de sa fascination persistante à l’égard du marxisme et du communisme et de favoriser une vision plus engageante du « mode de vie américain ».

Tirant sa force d’un réseau très influent d’agents de renseignement,stratèges politiques, ainsi que de l’Etablissement institutionnel et de la camaraderie d’école des universités de Ivy League (les huit grandes universités privées du Nord-Est), la CIA naissante commencça en 1947 à bâtir un « consortium » dont la double tâche était de vacciner le monde contre le communisme et de faciliter l’introduction à l’étranger des intérêts américains en matière de politique extérieure. Le résultat fut un réseau remarquablement serré de gns qui travaillaient à côté de l’agence- la CIA- pour promouvoir l’idée que le monde avait besoin d’une pax americana, d’un nouvel âge des Lumières wqui serait appelé le Siècle américain.

Le consortium édifié par la CIA – qui consistait en ce que Henry Kissinger a appelé « une aristocratie dévouée au service de la nation au nom des principes au nom des principes qui dépassent l’esprit partisan »- fut l’arme secrète de la bataille américaine de la guerre froide, une arme qui dans le domaine culturel, eut des répercussions considérables. Qu’ils le veuillent ou non, rares étaient les écrivains, poètes, artistes,historiens, scientifiques ou critiques de l’Europe de l’après-guerre dont le nom ne fut pas d’une manière ou d’une autre lié à cette entreprise secrète. Sans être contestéé, sans être détectée, pendant plus de vingt ans, l’institution d’espionnage américaine anima un front culturel complexe et richement financé à l’Ouest, pour l’Ouest, au nom de laliberté d’expression. Définissant la guerre froide comme une « bataille pour conquérir l’esprit des hommes », cette insitution accumula un vaste arsenal d’armes culturelles: périodiques, livres, conférences, séminaires, expositions, concerts et prix.

Parmi les membres de ce consortium,il y avait un assortiment d’anciens radicaux et intellectuels de gauche dont la foi dans le marxisme et le communisme avait été ébranlée par la preuve du totalitarisme stalinien. Née de la « Décennie rose » des années trente- dont Arthur Koetsler parle mélancoliquement comme d’une « révolution avortée de l’esprit, une Renaissance ratée, une fausse aurore de l’Histoire »- leur désillusion s’accompagnait d’un empressement à partager une nouvelle opinion unanime, à affirmer un ordre nouveau qui se substituerait aux forces épuisées du passé. La tradition de la dissidence radicale où les intellectuels entreprenaient eux-mêmes d’approfondir les mythes, de remettre en question les prérogatives institutionnelles et de s’en prendre à la suffisance du pouvoir, prit fin et fut remplacée par le soutien à la « proposition américaine ». Sanctionné et financé par de puissantes institutions, ce groupe nob communiste devint autant un cartel dans la vie intellectuelle occidentale que l’avait été quelques années auparavant le communisme (et il incluait beaucoup des mêmes gens).

« Il vint un temps[…] où apparemment la vie perdit la capacité de s’arranger, dit Charlie Citrine, le narrateur de Don Humboldt de Saul Bellow. Il fallait absolument qu’elle soitarrangée. Les intellectuels s’y attelèrent. Depuis, disons l’époque de Machiavel jusqu’à la nôtre, cet arrangement a été le grand et magnifique projet désastreux, tentateur et trompeur. Un homme tel que Humboldt, inspiré, malin astucieux,débordait d’enthousiasme à la découverte que l’entreprise humaine, si grandiose et infinment variée, devait désormais être dirigée par des êtres d’exception, et donc remplissait les conditions requises pour accéder au pouvoir; Et bien pourquoi pas? » A l’exemple de Humboldt, ces intellectuels qui avaient été trahis par la fausse idole du communisme se retrouvaient à présent en face de la possibilité de construire une nouvelle République de Weimar, une République de Weimar américaine. Si le gouvernement – et sa branche d’action secrète la CIA- était prêt à aider ce projet, eh bien pourquoi pas?

Que ces anciens hommes de gauche se soient associés avec la CIA en vue de la même entreprise est moins vraisemblable qu’il n’y paraît. Il existait une véritable communauté d’intérêt et de conviction entre la CIA et ces intellectuels qui furent employés, mêe s’ils ne le savaient pas, pour livrer la bataille culturelle de la guerre froide. L’influence de la CIA n’était pas « toujours, ou souvent, réactionnaire et sinistre, écrit l’éminenthistorien libéral de l’Amérique Arthur Schlesinger. D’après mon expérience, sa direction était politiquement éclairée et complexe ». Cette vision de la CIA comme havre du libéralisme fonctionnait comme une puissante incitation à collaborer avec elle, ou, à défaut, à accréditer le mythe que l’Agence était bien motivée. Et pourtant cette perception ne s’accorde pas avec la réputation de la CIA, de son interventionnisme sans pitié et de son terrible et injustifiable rôle d’instrument de la guerre froide américaine. C’est cette organisation qui orchestra le renversement de Mossadegh, le premier ministre iranien, en 1953; l’éviction du gouvernement Arbenz au Guatemala en 1954; l’opération désastreuse de la baie des Cochons en 1961; et le tristement célèbre programme Phénix au Vietnam. Elle espionna des dizaines de milliers d’Américains, harcela des dirigeants politiques démocratiquement élus à l’étranger, complota des assassinats, nia l’existence de ces activités auprès du Congrès et, en cela, éleva l’art du mensonge à de nouvelles hauteurs. Par quelle étrange alchimie, alors, la CIA réussit-elle à se présenter à des intellectuels à l’âme noble, tel Arthur Schlesinger, comme le navire d’or du libéralisme bien-aimé?

L’ampleur de la pénétration de l’institution d’espionnage américaine dans les affaires culturelles de ses alliés occidentaux, son rôle inavoué de médiatrice dans un large évantail d’activités créatrices, sa façon de traiter les intellectuels et leur travail comme des pièces d’échec à déplacer dans le Grand jeu, restent l’un des legs les plus provocants de la guerre froide. L’argument invoqué pour leur propre défense par les protecteurs de la période, défense qui repose sur l’affirmation que les importants investissements financiers de la CIA n’étaient pas assortis de conditions, reste à être examiné sérieusement. Dans les cercles intellectuels d’Amérique et d’Europe occidentale, on persite à croire volontiers que la CIA s’intéressait seulement à étendre les possibilités de la libre expression démocratique et culturelle. « Nous aidions simplement les gens à dire ce qu’ils auraient dit de toute façon. »Tel est le « chèque en blanc » de ce système de défense. Si les bénéficiaires des fonds de la CIA ignoraient le fait, dit le plaidoyer, et si leur conduite n’en fut pas modifiée en conséquence, alors l’indépendance de leur pensée critique ne peut pas avoir été affectée.

Mais les documents officiels relatifs à la guerre froide culturelle sapent systématiquement ce mythe de l’altruisme. Les individus et les institutions subventionnés par la CIA étaient censés participer par leurs actions à une vaste campagne de persuasion, à une guerre de « propagande » dans laquelle celle-ci se définissait comme « tout effort ou mouvement organisé pour disséminer des informations ou une doctrine particulière via des nouvelles, des discussions ou des actions particulières destinées à influencer les pensées et les actions d’un groupe donné ». Une composante vitale de cette entreprise était « la guerre psychologique » , définie comme « l’utilisation planifiée par une nation de la propagande et d’activités autres que le combat et communiquant idées et informations destinées à influencer les opinions, attitudes, émotions et comportements de groupes étrangers de façon à leur faire participer à la réalisation d’objectifs nationaux ». De plus, « la propagande la plus efficace » se définissait comme celle où « le sujet va dans la direction que vous désirez pour des raisons qu’il croit être les siennes ». Il ne sert à rien de contester ces définitions. On les trouve partout dans les documents gouvernementaux et ce sont les données de la diplomatie culturelle d’après-guerre.

Manifestement, en camouflant ses investissements, la CIA agissait selon le présupposé que ses offres séduisantes seraient refusées si elles étaient ouvertement offertes. Quel genre de liberté une telle tomperie peut-elle offrir? Il n’y avait sûrement aucune sorte de liberté dans le programme de l’Union soviétique, où les écrivains et intellectuels qui n’étaient pas envoyés au goulag étaient obligés de servir les intérêts de l’Etat. On avait bien entendu raison de s’opposer à une telle privation de liberté. Mais par quels moyens? Comment justifier l’hypothèse que les principes de la démocratie occidentale ne pouvaient renaître dans l’Europe d’après-guerre grâce à des mécanismes internes? Ou l’hypothèse que la démocratie pouvait être plus complexe que ne le laissait supposer la glorification du libéralisme américain? Jusqu’à quel point était-il admissible qu’un autre Etat intervienne secrètement dans les processus fondamentaux du développement intellectuel essentiel,de la libre discussion, et du courant non réfréné des idées? Ne risquaiton pas de produire, au-delà de la liberté, une sorte de sur-liberté, où les gens pensent qu’ils agissent librement alors qu’en réalité ils sont liés à des forces sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle?

L’engagement de la CIA dans la guerre culturelle soulève d’autres questions troublantes. L’aide financière n’a-t-elle pas faussé leprocessus de progressio des intellectuels et de leurs idées? Les gens étaient-ils sélectionnés pour leurs propositions plutôt que sur la base de leurs mérites intellectuels? Que voulait dire Arthur Koetsler quand il brocardait le « cricuit universitaire international de call-girls » qu’étaient les conférence et les symposiums intellectuels? Les réputations étaient-elles acquises ouaccrues par l’appartenance au consortium culturel de la CIA? Combien parmi ces écrivains et penseurs dont les idées acquirent une audience internationale furent-ils en réalité d’éphémères agents de publicité de second ordre dont les oeuvres furent condamnées aux sous-sols des librairies d’occasion?

En 1996, parut dans le New-York Times une série d’articles révélant un vaste échantillon d’actions clandestines entreprises par l’appareil d’espionnage américain. Les récits de tentatives de coups d’Etat et d’assassinats politiques (généralement manqués) s’étalant sur les premières pages firent que la CIA finit par ressembler à un éléphant solitaire qui fonce à travers la brousse de la politique internationale, affranchi de tout sens de la responsabilité. Parmi ces plus sensationnels romans de cape et d’épée étaient révélés des détails sur la façon dont le gouvernement américain avait compté sur les brahmanes de la culture occidentale pour donner un poids intellectuel à son action.

L’idée que beaucoup d’intellectuels avaient obéi aux ordres des politiciens américains plutôt qu’à leurs critères personnels suscita un dégoût général. L’autorité morale dont avait joui l’intelligentsia au plus fort de la guerre froide était à présent gravement amoindrie et frequemment moquée. La « consensocratie » s’écroulait, le centre ne pouvait plus tenir. Et pendant qu’il se désintégrait, l’histoire également devenait fragmentée, partielle et modifiée- parfois de manière extrême- par les forces de droite et de gauche qui souhaitaient altérer la vérité à leur avantage. Ironiquement, les circonstances qui rendirent possibles ces révélations firent que leur signification s’obscurcit. Au moment où la campagne obsessivement anticommuniste au Vietnam amenait l’Amérique au bord de l’effondrement social, accompagné par les scandales de l’ampleur des dossiers secrets du Pentagone et du Watergate, il était difficile de conserver de l’intérêt et de l’indignation pour les affaires du Kulturkampf, qui en comparaison avaient l’air de pécadilles.

« L’Histoire écrit Archibald Mac Leish, ressemble à une salle de concert mal construite[avec] des angles morts où l’on ne peut pas entendre la musique ». Ce ivre tente de présenter ces angles. Il recherche une acoustique différente, une mélodie différente de celle jouée par les virtuoses officiels de l’époque. Il raconte une histoire secrète dans la mesure où il croit à l’importance du pouvoir des relations personnelles, des contacts et contacts « non tendus », et au rôle de la diplomatie de salon et de la politique de la tasse de thé. Il met en question ce que Gore Vidal décrit comme « ces fictions officielles sur lesquelles se sont mis d’accord trop de partis intéressés, chacun avec ses mille jours pour élever ses propres pyramides et obélisques trompeurs censés indiquer l’heure du soleil. » Toute histoire qui cherche à inerroger ces « faits acceptés » doit devenir comme le dit Todorov, « un acte de profanation ». Il ne s’agit pas de contribuer au culte des héros et des saints. Il s’agit de s’approcher autant que possible dela vérité. Cela participe de ce que Max Weber appelait « le désenchantement du monde »; cela existe à l’autre extrémité du spectre de l’idolâtrie. IL s’agit de racheter la vérité pour la vérité, pas de retrouver des images jugées utiles à l’heure présente ».

(1) Frances Stonor Saunders Qui mène la danse ? La CIA et la guerre froide culturelle ,editions de Noël. 2003, traduit de l’anglais par Delphine Chevalier. Original anglais : Who paid the Piper? Granta book. 1999.

 

à suivre….