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Archives de Catégorie: POLITIQUE

9 février 1950 : Le maccarthysme à l’oeuvre, rétablir les faits

beaucoup de choses sont dites aujourd’hui à propos du Mac Carthysme et certaines (comme dans la page de la revue « historique »  Hérodote) visent à justifier ou presque cette infamie. On commence à présenter le maccarthysme comme le simple prolongement d’un réflexe d’autodéfense justifié ou presque des Etats-Unis et de Truman  On va jusqu’à accuser désormais Roosevelt d’avoir livré certains secrets à Staline  à Yalta (ce qui est une fable qui fait de yalta ce qu’il n’a jamais été), on va jusqu’à accuser e parti communiste des Etats-Unis (qui avait alors 17.000 membres) de préparer une révolution insurrectionnelle et de manipuler grâce à Hollywood les pensées des citoyens innocents Etats-Unis. Exactement le contraire de la réalité.  Lire ce qui ose s’écrire aujourd’hui sur le Maccarthysme montre bien que nous ne sommes pas loin de ce retour à la chasse aux sorcières et que la résolution votée par le parlement européen qui identifie Communisme et nazisme (pour mieux tolérer de fait ce dernier) témoigne avec les répressions de syndicalistes, des mouvements revendicatifs de vers quoi on nous mène, si nous continuons à nous montrer aussi peu combatif pour dénoncer cette ignominie (note de danielle Bleitrach)

Le 9 février 1950, dans une petite ville de Virginie-Occidentale, le sénateur Joseph McCarthy brandit une liste de fonctionnaires du département d’État (le ministère des Affaires étrangères) qu’il accuse d’être des « communistes notoires » coupables de collusion avec l’Union soviétique et les agents de Staline.

Le sénateur Joseph McCarthyCe sénateur républicain du Wisconsin, un alcoolique de 42 ans inconnu du grand public, a la surprise de voir son propos repris par la presse nationale.

Il est dès lors entraîné dans une campagne hystérique qui va bouleverser l’Amérique triomphante de l’après-guerre.

Non seulement la Chine est en train de devenir communiste mais il s’avère que ce que les USA estimaient leur arme absolue utilisée à Hiroshima et Nagasaki, la bombe atomique est également possédée par les Soviétiques.

En 1947, dans le contexte de la guerre froide et de la course à l’arme thermonucléaire,  le président Truman institue des commissions, les « loyalty boards », pour repérer et écarter les fonctionnaires fédéraux coupables de collusion avec l’Union soviétique. Ces commissions envoient quelques fonctionnaires devant un tribunal mais sans résultat spectaculaire.

« Chasse aux sorcières »

La campagne du sénateur McCarthy relance les soupçons, d’autant qu’elle survient au moment de l’arrestation par la police fédérale, le FBI, des époux Rosenberg, accusés d’avoir livré à l’URSS des secrets atomiques.

Après l’élection du général Dwight Eisenhower à la présidence et surtout le triomphe du parti républicain au Sénat, en 1952, McCarthy accède à la présidence d’un sous-comité sénatorial d’enquête permanent. Désormais, un fonctionnaire peut être soumis à une enquête policière et révoqué sur un simple soupçon de sympathie avec l’Union soviétique de Staline.

Voyant un espion communiste derrière chaque personnalité du pays, hauts fonctionnaires, journalistes, cinéastes d’Hollywood et intellectuels de la côte Est, le sénateur se lance dans une délirante « chasse aux sorcières » (…)

Hollywood est particulièrement visé parce que certains scénaristes

LE PASSE CONTINUE A NOUS TRAVAILLER

Voici un texte que j’écrivais en 2008 comme une méditation sur les élections américaines et l’influence de l’usine à rêve hollywoodienne sur la vie politique américaine, l’histoire de la mise au pas de l’industrie cinématographique américaine pour qu’elle devienne cette vente permanente d’une Amérique rêvée et accompagne son hégémonie sur le monde d’un système de valeur qui autorise tous les brigandages.

« Le passé n’est pas mort, il n’est même pas passé »*
images[5]

Ils sont peut-être 200 millions à voter, mais le reste de l’humanité est spectatrice de la politique sur grand et petit écran. Avoir un candidat à la Présidence-dictature mondiale qui soit « une page blanche » sur laquelle chacun inscrit ses illusions et qui nous la rejoue John Kennedy, comme une nouvelle vie secrète de Walter Mitty, tandis que l’autre, Mac Cain, s’ingénie à copier John Wayne, prouve à quel point la politique est désormais affaire de script hollywoodien. Comment tout cela a-t-il été monté ? Comment un peuple de vagabonds rebelles, des Charlot, a-t-ils été rangé, canalisé, dans le rêve américain, électroménager, grosses bagnoles, et domination mondiale style Apocalypse Now, avec ce cauchemar de série B de film catastrophe que fut le 11 septembre ? Il faut revenir peut-être à une de ces moments clés, celui où l’usine à rêve, Hollywood, fut mise au pas.

l’Europe et l’Union Soviétique, comme d’ailleurs la Chine et le Japon sortaient dévastés de la guerre, les Etats-Unis connaissaient une ère de prospérité. 1945, c’est l’utilisation de la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki pour bloquer l’armée rouge qui avance vers l’armée japonaise. 1946, c’est l’année des premières campagnes de Joseph Mc Carthy et de Richard Nixon. Mais cette campagne hystérique anti-communiste prendra son véritable essor quand le 29 août 1949, l’URSS aura fait exploser sa première Bombe A dans le Kazakhstan. La paranoïa de l’ennemi intérieur culminera avec l’assassinat d’Etat en 1953 du couple Julius et Ethel Rosenberg. La guerre de Corée en 1950. Pourtant la purge a été entamée bien avant ce moment.

1946, l’année des grèves massives

Les syndicats avaient montré trop de puissance et de combativité : 1946 est l’année de la plus grande vague de grève de toute l’histoire américaine . 5000 grèves sont dénombrées, certaines paralysent des villes entières comme Pittsburg en Pennsylvanie, il y a jusqu’à 4.6 millions de travailleurs en grève.(1).. Ce conflit social va durer jusqu’au début de la guerre de Corée en 1950.

la Loi Taft-Hartley, parrainée par les milieux de la finance, sera une étape de la reconquête par le capital, elle bloquera effectivement la progression du syndicalisme américain. Elle exigeait en particulier que chaque dirigeant syndical déclare sur l’honneur sa non appartenance au parti Communiste sous peine pour son organisation de perdre son indispensable représentativité devant le National Labour Relations Board.(2) Des dirigeants tenus en laisse et mafieux, sous l’oeil bienveillant du FBI, prendront souvent la place des militants ouvriers grâce à cette loi. Mais son principal avantage pour le capital est qu’elle organise la coupure entre les communistes et le monde ouvrier.

La paix intérieure va être obtenue au moyen d’une répression intense, une répression politique mais aussi culturelle et c’est dans ce cadre là que Hollywood va être attaqué là encore sur pression directe des milieux d’affaires. Certains libéraux de gauche comme Arthur schlesinger qui sont pour que les communistes aient leurs droits civiques, et contre la liste noire, mais ne veulent pas d’eux comme fonctionnaires ou  » dans les lieux où leur activité présente une menace évidente et imminente », ce qui n’est pas le cas en 1949, puisque comme il le note « la demonstration est faite que les communistes peuvent être vaincus -dans le mouvement syndical, dans le mouvement libéral, dans le monde politique, dans celui des anciens combattants- par les moyens traditionnels: débat, identification et dénonciation » A partir de ce processus et en s’appuyant sur la loi Taft-Harley on pouvait chasser les militants communistes des syndicats, ou du moins des directions sans recourir aux excès de la liste noire et de la prison. (3) On imagine le soutien d’un tel courant qui est celui de revues intellectuelles libérales comme Commentary ou le New leader.

Pour Hollywood c’est la grande période. 1946 sera une année jamais dépassée de fréquentation cinématographique, au plan intérieur mais aussi au marché étrangers (4). La télévision est déjà là mais ses effets sur la fréquentation ne se feront ressentir qu’en 1950. Pourtant Hollywood connaît comme le reste du pays une grande vague de grèves, avec les mêmes mises au pas. Le syndicat militant des ouvriers est remplacé par un organisme plus souple qui regroupe tous les métiers de la production.(5)

La représentation

Voici pour le contexte social, maintenant il faut analyser le contexte culturel. A Hollywood déjà durant la crise des années 30 avait surgi une critique du cinéma des années 20. Ce cinéma complétement illusoire et de divertissement présentaiit les Etats-Unis comme le paradis, sans distinction de classe, où personne ne travaille, ou s’il le fait il s’agit d’ un métier amusant. En 1929 non seulement il y a la crise et cette image ne correspond plus au vécu des spectateurs, mais également le parlant, ce qui contraint à une autre maillage de la réalité. Le genre le plus caractéristique c’est le film noir de gangsters (5), les communistes introduisent le film gris. Alors que dans le film noir ce sont les problèmes psychologique, le destin individuel qui dominent, les communistes introduisent un contexte social. . Cependant il ne faut pas exagérer ce qu’ils peuvent introduire, il existe en effet une étroite surveillance et une censure .

En 1934, les studios hollywoodiens avaient établis un bureau de censure (production Code Administration sous la direction de Joseph Breen) pour veiller à la stricte application d’un code régissant le contenu des films adopté en 1930 (7).

Après la guerre, il y a un véritable renouveau artistique, on tourne hors studio, c’est un mouvement très inspiré par le documentaire auxquels beaucoup de cinéaste ont participé durant la guerre. On assiste à une toute nouvelle écriture cinématographique dont le symbole est le plan séquence hitchcockien de la Corde. Il arrive du théâtre de New York des admirateurs d’Orson Wells et parmi eux des gens très à gauche, voir communistes comme Nicolas ray, Elia kazan, Johen Berry, Cy Endfield, Josph Losey. le renouveau artistique est considérable.

Tuer la contestation dans l’oeuf

Comment passe-t-on de cette situation d’essor à celle du début des années soixante où l’anticommunisme est devenu un pur réflexe de toute la société? Et plus tard au triomphe à Hollywood d’un cinéma qui est retourné à l’illusion des années 1920. C’est paradoxalement à ce moment là quand le communisme a été vaincu que les libéraux pourront dénoncer la chasse aux sorcières menée à Holliwood comme une stupidité inutile alors qu’ils ont été d’accord avec celle-ci dans les années 40 et 50. Parce qu’à cette époque-là il y avait de multiples dangers de contagion sociale.

Ce qu’il faut bien mesurer le fait que tout au long du 20 e siècle sous la pression directe des milieux d’affaire, l’Etats nord-américain a tué dans l’œuf toute tentative si minime soit-elle de contestation de son système capitaliste, elle à refusé toute légitimité idéologique et culturelle à ses adversaires. Et s’est employé aux Etats-Unis comme partout dans le monde à mener un combat où elle a investi beaucoup d’hommes et d’argent sur le contrôle culturel. Les communistes avaient bénéficié du répit du new deal, puis de l’alliance avec l’Union Soviétique, dès que la guerre froide fut déclenché leur tour était venu à la fois à cause de l’agitation syndicale et parce qu’ils représentaient une remise en cause culturelle et politique du système qui ne pouvait pas être toléré. En ce qui concerne les communistes, mais aussi les syndicalistes réellement combatifs, autant que les mouvements de minorités réclamant leurs droits, ils ont été l’objet d’une surveillance systématique. Sous la direction de J. Edgar Hoover, nommé le 10 mai 1924 et demeuré en poste jusqu’à sa mort en 1972, le FBI s’intéressa particulièrement aux activistes politiques non accusés de crimes. Il s’interressa infiniment plus à eux qu’au crime organisé auquel il laissa beaucoup de latitude. Ce fut avec l’OSS le seul grand service américain qui faisait du renseignement à l’étranger sur le terrain essentiellement grâce à ses bureaux en Amérique Latine. Avec la création de la CIA, cette fonction lui a été retirée mais le FBI resta tout autant actif pour traquer les activites politiques non accusés de crime. Les dix d’Hollywood et tous ceux de la liste noire continuèrent à être harcelés et ceux qui leur accordaient une aide également.

Les purges ont précédé le Mc carthysme auquel on a voulu les réduire, elles ont commencé par le syndicalisme, mais a été aussi effacé des bulletins de vote comme de la conscience sociale tout ce qui prétendait être plus à gauche que le parti démocrate (8).

Dalton Trumbo, le grand scénariste, lui-même un des dix appellera ce temps « le temps du crapaud », où il faut avaler sa ration quotidienne de chair de crapaud pour survivre. La chair de crapaud pour Dalton Trumbo c’est le conformisme imposé. Les communistes ont non seulement tenté de faire apparaître l’exploitation et la condition ouvrière, mais ils se sont surtout illustrés dans la dénonciation du sexisme et du racisme dans les films (9 ) .On les accusera dans une Amérique où l’on pratique encore le lynchage et la ségrégation d’être des « amants des noirs ». .

D. Trumbo, un des « dix », refuse de témoigner – 1947

Hollywood lâche dix noms

Hollywood avait tenu tête à une précédente enquête menée par une sous-commision du Sénat chargée d’enquêter sur la propagande de guerre en 1941. Lorsqu’il est annoncé que Le Committee on Un-Americain Activities ou HCUA que vont avoir lieu des auditions sur les activités anti-américaines, la communauté se mobilise et repousse l’accusation d’influence communiste sur les films et dénoncent les possibles mises à l’index de communistes. Il se forme un Comité de défense du premier amendement. Mais le HCUA va marquer des points en montrant qu’il a en sa possession dix cartes de membres du parti, qui deviendront les Dix d’Hollywood, cela suffit pour entraîner le repli des libéraux (la gauche non communiste) (10)

Il paraît acquis que l’Industrie du cinéma a négocié la paix en lâchant dix noms et ne faisant que l’on attaque pas le contenu des films ce qui risquait de nuire à l’industrie. La Commission ne voulait pas défier les studios et l’industrie, elle voulait simplement isoler au départ les militant syndicalistes qui avaient crée le syndicat combatif le Conférence of Studio Unions et les libéraux trop à gauche (soutien de Wallace). Le HCUA collaborait étroitement avec le FBI et avait à sa disposition ses fichiers, La liste noire fut ainsi établi et encouragea la délation et elle alla bien au-delà des dix noms initiaux (11) Nul ne sait ce qu’il en advint et la Liste noire n’a jamais été suspendu pour ceux qui parfois en sous main négocièrent le reniement de leur appartenance au parti, non seulement celle-ci n’a pas disparu mais on a récemment fait état d’une autre liste noire, celle des opposants à la guerre en Irak.

L’événement a été simple : En 1947, dix témoins refusent de répondre devant le HCUA à des questions touchant à leur affiliations politiques et purgeront plus tard à cause de cela des peines de prison, ils sont condamnés pour outrage au Congrès. Ce sont dans l’ordre de leur comparution : » John Howard lanson, Dalton trumbo, Albert Maaltz, Alvah Bessie , Samuel Ornitz, Hebert Biberman, Adrian Scott, Eward Dmytrick, Ring lander et lester Cole.

Le mois suivant, les dirigeants des « majors » annoncèrent que ceux qu’on appelait «témoins inamicaux » ne trouveront plus de travail dans l’industrie cinématographique.

Il y eut deux phases, la mise à l’index déferla en vague successive et elle emporta bien d’autres gens , on peut dire que jusqu’en 1951, les scénaristes et réalisateurs sont libres de poursuivre leur carrière. Et paradoxalement durant cette période ils vont donner des œuvres importantes. On leur interdit de travailler, ils le font en sous main jusqu’à ce que en 1950 on les envoie en prison. C’est Dalton Trumbo qui est le plus actif dans ce travail en sous main où il finira par ridiculiser ceux qui cachent que les scénarios sont de lui. Son meilleur canular n’est pas celui où il obtient l’oscar du meilleur scénariste sous un faux nom, mais le film qu’il écrit avec un autre proscrit Joseph Losey(12), « le rôdeur ». Le portrait d’un fasciste ordinaire, un supporter potentiel de MacCarthy, la fin sur un terril désolé sur lequel il glisse était pour Losey le rêve américain. Un autre grand cinéaste Nicolas Ray, qui avait appartenu à la même école celle qui tourne des films où le héros est pris dans un destin social, sera celui qui élévera la plus forte protestation contre le procès des dix dans Johnny Guitar (1954) , c’est la situation des anciens communistes sommés de comparaître devant le HCUA, le héros doit lâcher un femme libre Vienna.

Il faudrait reprendre un à un tous les films, tous les scénarios qu’ont tenté de produire les proscrits, John Berry par exemple qui raconte la grisaille corrosive du chômage dans From This Day Forward (1946) ou encore avec le dernier film hollywoodien Menaces dans la nuit (1951) situé dans un milieu ouvrier, son acteur Garfield qui va mourir à 38 ans miné par les mises en demeur de l’HCUA qui le harcèle pour qu’il dénonce ses amis. . Encore le chômage dans le film de Cy Endfield The sound of Fuyr –fureur sur la ville 1950) qui est le chef d’ œuvre de ce type de film. Dmytrich cède le premier il devient en 1951 « temoin amical » et il fera aussitôt le film psychologisant exigé par Holywood. Dans l’homme à l’affut (1952) il va plus loin, il dénonce les crimes sexuels et propose la détention préventive « Ceux qui pourront être guéri le seront, ceux qui ne le seront pas resteront enfermés, il faut créer un appareil thérapeutique d’Etat. Après ce manifeste, en récompense on lui confiera le tournage de Ouragan sur le Caine (1954), le message du film est celui de l’obéissance aveugle à toute forme d’autorité.

Temoignages

Voici leurs témoignages quelques années après sur les conséquence de la Liste Noire : Témoignage de Alvah Bessie, dans la revue Positif n°39 en mai 1961 :« La tragédie provoquée par l’enquête de Hollywood est plus difficile à évaluer. A sa suite,
et à la suite des enquêtes suivantes, plusieurs centaines de scénaristes, metteurs en scène,
producteurs, acteurs et techniciens se trouvèrent sans emploi, balayés par la vague
anti-rouge, et réduit dans leurs communautés à la situation de parias.Après ma libération de Texarkana, en 1951, il me fut impossible de trouver le moindre travail. Je parcourus Los Angeles pendant trois mois. J’écrivis à tous les éditeurs de New York qui pourraient réagir avec sympathie, mais ne reçut point de réponse. […]Un riche industriel offrit de m’engager en qualité d’apprenti tourneur à un dollar et demi de l’heure. […] Puis Harry Bridges, un grand bonhomme à qui les hommes au pouvoir n’ont pas pardonné son rôle dans la grève de 1934, me recueillit et me fit venir à San Francisco comme second-porte parole et rédacteur à l’International Longshoremen’s and Warehousemen’s Union (Syndicat International des docks et entrepôts)… » Ainsi que de nombreux autres exemples dont Adrian Scott (producteur), qui refusa de coopérer avec l’H.U.A.C, se vit jeter en prison ; puis à sa sortie, il ne put produire de films qu’en 1970, soit 21 ans de « censure », il se trouvait sur la liste noire.Alvah Bessie : Travailler sous un pseudonyme. Témoignage de Dalton Trumbo ( écrivain), dans la revue Positif, dans les n° 64 et 65 en 1964 :« J’ai signé sous des pseudonymes : Robert Rich, The Brave One, Sam Jackson, Spartacus, […]. La liste noire a arrangé les petits producteurs pour lesquels j’ai travaillé pendant une période de dix ans. Ils pouvaient se permettre d’avoir un scénariste ayant beaucoup de métier pour peu d’argent. Ils me payaient deux millions par film, alors qu’avant la liste noire je touchais quarante millions d’anciens francs. […] J’ai rompu cette période de silence grâce à Kirk Douglas et au directeur de sa compagnie Edward Lewis, qui m’ont demandé en 1958 d’écrire le scénario de Spartacus d’après le roman de Howard Fast. Kirk voulait que mon nom soit au générique, sauf si United Artist si opposait. Ils refusèrent. J’écrivis donc le premier script sous le nom de Sam Jackson, et ne mis jamais les pieds sur le plateau. Mais Peter Ustinov et Charles Laughton intrigués découvrirent la vérité et en informèrent les journalistes, ce qui fit scandale, obligeant de ce fait United Artist à mettre mon nom au générique […]..

L’usine à rêves

Dans de telles conditions les films à message fut-il aussi conservateurs que Ouragan sur le Caine ne sont plus à l’ordre du jour. Après les 10 d’Hollywood ce sont des centaines de réalisateurs et autres travailleurs du film situés à gauche qui sont interdits à Hollywood, tout comme le type de film qu’ils étaient arrivés à faire entre 1947 et 1952.

Les principaux fils en vogue seront de « divertissement », ce sera le règne du western, du film de guerre qui encense l’Amérique, l’épopée biblique et le mélodrame bourgeois. L’autre Amérique a été étouffée, interdite.

Ce qu’il faut bien mesurer c’est que le choix d’un certain cinéma, usine à rêve et diffusant l’american way of life, ne fait pas des dégâts seulement aux Etats-Unis, en France c’est tout une école du cinéma qui est victime de la diffusion massive de ce type de cinéma, et de la prudence des producteurs français. Par exemple Jean Grémillon, le grand cinéaste français a vécu avec une grande violence d’engagement la Résistance. Il se lance à corps perdu dans des projets de films historiques à visée didactique et révolutionnaire sur la Commune, la Guerre d’Espagne, la Révolution de 1848, les mutineries de 1917, dont les commanditaires se désisteront tous les uns après les autres parce qu’il y a la réalité économique, les difficultés aux sortie de la guerre, la concurrence du cinéma de divertissement hollywoodien qui envahit les écrans selon l’accord Blum- Byrnes et même l’influence de la Guerre froide. Sans parler de Louis Daquin qui fut quasiment interdit de travailler Son oeuvre la plus remarquée a été « Le Point du jour », en 1949, un film portant sur la condition des mineurs.(13)

Maintenant nous en sommes à la situation où ce n’est plus le film qui doit aider à comprendre la réalité, mais l’illusion née dans les studios hollywoodien, la manière de vendre la marchandise, le désir du consommateur qui est mobilisé comme système de gestion de la planète. Le candidat n’est pas réel, il est une image, même l’événement n’existe pas il n’est que stratégie de communication. Est-ce un hasard si le 11 septembre a ressemblé à un film catastrophe de série B ?

Danielle Bleitrach (14)

(1) Georges Lipsitz, class and cultue in Cold War America : » Rainbow at Midnight » (South Hadley Mass 1982) pp 37-86

(2) En 1946, les Républicains prennent le contrôle du Congrès et vont faire adopter en 1947 la Loi Taft-Hartley.

(3) Schlesinger: The vital Center: The politic of freedom (Boston,1949), p.210 . On notera par ailleurs que Schlesinger dont une référence de wikipendia cité plus avant nous indique qu’il participa aux largesses de la CIA et qui reccommande l’utilisation de la dénonciation, Et bien sur ce libéral de gauche n’a pas de mots assez durs pour stigmatiser « la corruption morale et intellectuelle » des cinéastes et des scénaristes communistes qui acceptent de l’argent d’Hollywood et donc se méprisent eux-mêmes.
(4) L’accord Blum-Byrnes signé le 28 mai 1946 entre les Etats-Unis et la France liquide une partie de la dette Française (2 milliards de dollars) de la France aux Etats-Unis et offre même un nouveau prêt et une aide. En échange il impose une exigence cinématographique, culturelle autant que commerciale, toutes les salles doivent être ouvertes aux films étasuniens sauf une semaine par mois. C’est le Moyen pour les Américains de diffuser leurs valeurs autant qu’une industrie cinématographique.
(5) En 1947,Reagan était président du Screen Actors Guild, et a témoigné contre ses amis devant le H.U.A.C. de façon ignoble . Il a utilisé son poste de président au syndicat des acteurs pour épier ses amis. Il a d’ailleurs servi d’agent du F.B.I. (Féderal Bureau of Investigations), sous le nom de Agent T10. (Sa femme alias l’Agent T9).A eux deux, ils ont fourni des dossiers, des comptes-rendus, des informations divers sur tous les acteurs qu’ils soupçonnaient ou savaient communistes ou sympathisants. .Suite à cela, Reagan n’a jamais regagné la confiance des ses collègues dans le monde
d’Hollywood, qui le considérait comme un mauvais acteur et un être humain sans confiance.
Notons que Ronald Reagan devenait 33 ans plus tard, président des Etats-Unis …
(6) Quelqu’un comme John Howard Lanson, dramaturge et futur leader du Parti Communiste à Holywood adapte ses pièces à l’écran, il a des dialogues pénétrants et raffinés et d’une crudité sur les rapports de sexe, sur l’argent inconnus jusque là. Le capitalisme est dénoncé mais plutôt sous sa forme encore non aboutie, dans le sud avec le métayage du coton et les camps de travail (Curtiz et mervyn leroy). Un communiste Frank Tuttle se débrouille de créer des décors réalistes sur la misère ouvrière dans des films musicaux.
(7) Il y a une lecture des films à partir du jeu autour de ces interdits qui est tout à fait pertinente. Adorno et Horckeimer dans la dialectique de la raison dans le chapitre qui porte sur les industries culturelles décrivent le caractère incroyablement tatillon de cette censure. Alors que dans les années 1930, les cinéastes jouaient avec les interdits, dans les années 1940 il a débarqué un homme à poigne, Joseph Ignatius Breen, qui a obtenu l’appui décisif des ligues de décence et des catholiques tout-puissants. Lorsqu’il obtient qu’à la messe du dimanche les curés qualifient, désormais, de péché mortel la vision de films qu’il n’aurait pas approuvés,il a gagné.
(8) Il n’y a pas que le parti communiste, le parti socialiste tombera de 140.000 voix en 1948 à 2000 en 1956. Il ne doit rien y avoir au-delà du parti démocrate.
(9) Ce qu’il faut bien voir c’est que la grande répression qui se lance sur eux se double de divisions et de déchirement internes au sein de la gauche.
(10) Il s’agit de la gauche non communiste .Ils renoncent alors même que leur refus initial jouissait d’une grande popularité, puisqu’à cette époque 50 % de l’opinion refuse les auditions.
(11) Par exemple Charlie Chaplin. Victime du Maccarthisme (son nom figure sur la « liste noire »), il est harcelé par le FBI en raison de ses opinions de gauche, il se voit refuser le visa de retour lors de son séjour en Europe pour la présentation d’un film. Il renonce alors à sa résidence aux États-Unis et installe sa famille en Suisse jusqu’à la fin de ses jours. Après avoir reçu le Prix international de la paix en 1954, il tourne à Londres Un roi à New York (1957) où il ridiculise la “Chasse aux sorcières” menée dans l’Amérique de la Guerre froide. Il y eut d’autres victimes illustres, les frères Mann, Thomas et Heinrich. Berthold brecht qui réussit un numéro époustoufflant d’embrouille de la commission en contestant systématiquement la traduction.
(12) La carrière de Losey débute sous le signe d’un engagement politique au côté du Parti communiste américain. Sommé en 1952 de se présenter devant la H.U.A.C. alors qu’il tourne un film en Italie, il choisit de s’exiler en Grande-Bretagne. Son témoignage n’aurait sans doute pas amélioré son sort, sauf de le mener en prison. Après des études en Allemagne avec Bertolt Brecht, Losey retourne aux États-Unis, parvenant jusqu’à Hollywood.Durant le maccarthysme, il est interrogé pour ses liens supposés avec le Parti communiste et mis sur la liste noire d’Hollywood par les patrons de studio hollywoodiens. Sa carrière menacée, il déménagea à Londres où il continua à travailler comme réalisateur.Son film Le Messager (The Go-Between) a remporté la Palme d’Or au Festival de Cannes en 1971. Même au Royaume-Uni, il rencontra des problèmes : initialement proposé pour diriger la production de Hammer films de 1956 pour X the Unknown, Losey fut évincé du projet, car après quelques jours la star Dean Jagger refusa de travailler avec un sympathisant communiste présumé.

(13) Voici ce qu’en dit une brève référence aux auteurs cinématographiques « Ses idées radicales sur les problèmes sociaux l’ont fait mettre au ban de l’industrie française du cinéma. A la fin des années 50, Daquin travaille en Roumanie, en Autriche et en Allemagne de l’Ouest. Il terminera sa carrière, dans les années 60, comme directeur de production, notamment de René Clément pour Paris brûle-t-il ? » Si la france grâce à l’influence du parti communiste et de ses intellectuels prestigieux mais aussi de gens comme Sartre résista bien à l’influence des stipendiés de la CIA, il n’en fut pas de même en Angleterre . Pour connaitre tout cela voir le livred de Frances saunders, quand la CIA menait le bal dans la culture. Voir également cet article de wikipedia qui apporte des informations intéressantes.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Congr%C3%A8s_pour_la_libert%C3%A9_de_la_culture

Mais pour une industrie comme le cinéma, la réticence des producteurs à financer des films jouait plus encore que la bataille idéologique de la guerre froide, ou elle en accentuait les effets condamnant les cinéastes à ne plus pouvoir tourner du moins ce qu’ils désiraient, un cinéma didactique, tenant compte de la réalité.
(14) Entre autres sources je voudrais plus particulièrement citer Tom Andersen et Noël Burch. Les communistes de Hollywood, l’œil vivant, presse de la Sorbonne Nouvelle, 1994.

 

Les nouveaux visages du nazisme

c’est de plus en plus le choix du capital, mais nous communistes « new look » nous portons notre part de responsabilité si nous laissons s’établir si peu que ce soit la monstrueuse équivalence entre nazisme et communisme. Et on contribue alors à cette dérive européenne d’autant plus préoccupante que le régime sensé s’opposer à l’extrême-droite devient de plus en plus autoritaire et belliciste. C’est pour cela que j’attends la suite après les municipales qui déjà nous aiderons à voir les alliances, les compromis, les tractations de ceux qui ont choisi de toujours plus faire pression sur les couches populaires et celles que l’on définit comme moyenne, prises de rage(note de  danielle Bleitrach)

nazisme

Sanny, 17 ans, allemand, fan de Hitler. Le 16 janvier au bar Golden Lion, le jeune homme travaille au milieu de symboles prisés des suprémacistes blancs : croix de fer, soleil noir (ersatz de la croix gammée) et revue officielle du parti néonazi NPD. | © Espen Rasmussen/VII-REA pour Paris Match

POLITIQUE

75 ans après la libération d’Auschwitz, des nostalgiques du IIIe Reich réapparaissent dans toute l’Europe.

 

Les paires de baskets écrasent la boue glacée d’un chemin dans une forêt de sapins. « Regardez, c’est joli ici, non ? » Dans un nuage de vapeur, Sanny pointe du doigt le donjon de la Wartburg qui s’élève au loin. Le château fut le théâtre des joutes de troubadours qui inspirèrent à Wagner le thème de son opéra « Tannhäuser ». À ses pieds, dans la vallée de Hörsel, s’étend la ville d’Eisenach, en Thuringe, une bourgade de 40 000 âmes plantée au cœur géographique de l’Allemagne. Jean-Sébastien Bach y naquit en 1685. Opel y construit ses voitures aujourd’hui.

Sanny, 17 ans, y cultive ses idées politiques pour demain. Il a les cheveux gominés, les joues roses, l’élégance d’un jeune dandy. Il est affable et, soixante-quinze ans après la libération du camp d’extermination d’Auschwitz, dans un sourire sans effronterie, il se dit néonazi. Pas de boots à ses pieds, mais des New Balance. C’est la marque préférée des néonazis depuis qu’un dirigeant de la société américaine a salué la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle. Des chaussures de Blancs, pensent-ils. La bande s’est retrouvée plus tôt à la gare d’Eisenach, point de rendez-vous avant de se lancer dans une « marche de l’hiver » dans la forêt alentour. Une balade pour mieux se connaître.

« Antifas » et « néonazis » s’affrontent dans la ville depuis deux ans

Ils portent presque tous un duvet d’adolescent et des doudounes The North Face. Oubliez la face escarpée des montagnes. Ils ont opté pour une traduction littérale : « Visage blanc ». Car Manuel, 16 ans, apprenti en cuisine, Janne, taillé comme un frigo allemand, 18 ans, menuisier, Dennis, 20 ans, chanteur dans un groupe de « métal teutonique guerrier», et tous les autres grimpeurs ont un rêve commun : préserver la blancheur de l’Allemagne. Sauver leur « race ». Ils sont entrés en contact via le groupe Junge Revolution (Jeune révolution), créé par Sanny sur Facebook. Et ont accepté le principe d’une marche.

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« On s’est retrouvés à 9 heures du matin, parce que les gauchistes dorment à cette heure-là », a dit le jeune leader. Quatre policiers et un chien les observaient dans le hall déserté. « Antifas » et « néonazis » s’affrontent dans la ville depuis deux ans. Une nouvelle bagarre a éclaté la semaine dernière. Un blessé. En Thuringe, en octobre 2019, l’AfD (Alternative für Deutschland), le parti anti-migrants, est arrivé deuxième, devant la CDU d’Angela Merkel. Dans son sillage, le NPD (Parti national-démocrate), historiquement néonazi, s’épanouit.

Les réfugiés et ceux qui les aident sont les plus exposés.

« On compte 24 000 sympathisants néonazis en Allemagne, 11 000 à 13000 sont des militants et un bon millier sont organisés », explique Fabian Wichmann, membre de l’association Exit Deutschland, une structure qui aide les néonazis repentis à se réinsérer. « Un chiffre stable, ils n’ont jamais disparu de la scène politique. Mais depuis deux ans et la forte montée de l’AfD, l’équivalent du Rassemblement national en France, la tension monte. Et on n’avait pas connu ça avant. » La police observe une augmentation des attaques contre les migrants. Selon l’Office fédéral de police criminelle, si les crimes antisémites sont stables en Allemagne, ceux commis contre les Turcs, les Arabes, les Africains ou les gitans grimpent en flèche : 193 en 2001, 1664 en 2018. La plupart d’entre eux visent des musulmans.

des supporters de l'AfD
Des supporters de l’AfD reprenant un extrait de l’hymne de la République démocratique allemande : « Laisse-nous te servir pour atteindre le bien, Allemagne, patrie unie ». © Martin Schutt/dpa-Zentralbild/dpa

« Les réfugiés et ceux qui les aident sont les plus exposés », confirme l’officier Laura Bossman. À Halle, en octobre, deux personnes ont été assassinées. Plus tôt, en juin, l’homme politique promigrants Walter Lübcke, membre de la CDU, a été tué lui aussi. Dans la gare d’Eisenach, les jeunes néonazis relativisent cette violence et refusent d’y adhérer. « Ces gens utilisent le nationalisme pour exprimer leur folie », résume Sanny. Au complet, les huit jeunes hommes ont pris un bus vers la campagne. Ils ont payé sagement leur billet. « Ce n’est plus à la mode d’être droit et honnête », a soufflé Lanne.

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Tous racontent à demi-mot une mise au ban, des instants de bascule, le rejet, la honte et finalement, la haine

La plupart n’ont pas encore leur permis de conduire. Ni même le droit de voter. Pour Sanny, ça sera le NPD. Pour d’autres, l’AfD. Les frontières sont poreuses. Le discours, très similaire. Sanny est devenu national-socialiste à l’âge de 13 ans, en 2015, quand l’Allemagne a accueilli des centaines de milliers de réfugiés syriens. « Je n’ai rien contre les musulmans s’ils vivent chez eux », dit-il. Sa mère, de gauche, l’a mis à la porte un an plus tard. Tous racontent à demi-mot une mise au ban, des instants de bascule, le rejet, la honte et finalement, la haine. Sanny a été renvoyé de plusieurs écoles à cause de ses idées politiques, il a aussi été arrêté par la police dans sa classe. « Les flics m’ont ramené chez moi et ont recherché des croix gammées [interdites en Allemagne] sous mon lit ! » Après être passé dans plusieurs groupes, il a fini par créer son mouvement. « Comme ça, je suis mon propre chef. »

Il dit observer la frustration des jeunes en Allemagne, « qui sentent que quelque chose ne tourne pas rond, sans pouvoir poser des mots dessus ». Il leur répond sur sa chaîne YouTube (2 000 abonnés, 100 000 connexions) en déclinant les théories néonazies dans une version bon chic, bon genre. « Avant, le national-socialisme était une sous-culture, maintenant on devient plus mainstream, c’est plus facile de faire passer les idées quand on ne fait pas peur. »

Le premier ennemi, ce sont les « politiques qui ne pensent qu’à eux et ne s’occupent pas du peuple »

La pureté biologique est chez lui, comme chez les autres, une obsession: « Regardez les États-Unis et le Brésil, ce sont les pays avec le plus de mixité et le plus de violence aussi. Inversement, l’Islande ou le Japon, les plus purs, ne connaissent pas de violence. »

Manifestation du parti allemand d’extrême droite Die Rechte. © IMAGO

Les huit progressent sur le chemin tortueux. On ne veut pas les questionner tout de suite sur les camps, les millions de victimes de l’idéologie qu’ils défendent. On leur demande quel est leur principal ennemi. Surprise : pas de diatribe sur les Juifs, ni même les musulmans, qu’ils renverraient quand même « chez eux » s’ils étaient au pouvoir. Non, le premier ennemi, ce sont les « politiques qui ne pensent qu’à eux et ne s’occupent pas du peuple ». La sente devient escarpée. On marche à la queue leu leu.

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« Le national-socialisme, ce n’est pas une idéologie, tente Sanny. C’est une manière de vivre et de voir le monde qui change en fonction des époques. Les Juifs ne sont plus un problème important. C’est plutôt l’immigration. Ma grande peur, c’est que dans cent ans notre culture soit perdue. » Ils n’ont pas lu Claude Lévi-Strauss, qui réfuta les idées de Gobineau selon lequel la dégénérescence vient du métissage. Mais ils connaissent Renaud Camus et sa thèse du grand remplacement. « Même le christianisme, il n’est pas d’origine européenne, finalement, c’est la même chose que le judaïsme et l’islam, lâche Dennis. Nos vraies racines, elles sont nordiques. »

La meilleure façon de défendre son idéologie est de l’innocenter de ses crimes

Dennis se considère comme un fils d’Odin, un paganiste, comme Himmler, le chef de la Gestapo. « Et puis, poursuit-il, on en a marre de visiter Auschwitz à l’école, de devoir s’excuser éternellement. Vous vous excusez pour Napoléon, vous ? » Puisqu’ils ont parlé d’Auschwitz, on leur demande clairement leur avis sur le sujet. Rires gênés. C’est « une mauvaise question. » Aucun d’entre eux ne veut s’exprimer : « Si on vous dit ce que l’on pense, on risque la prison », répondent-ils. Manière de reconnaître qu’ils sont tous négationnistes, un délit en Allemagne. « Ce sont les vainqueurs de la guerre qui racontent l’histoire », dit Lanne. Qu’importe l’immense travail des historiens, les documents, les preuves, les témoignages. La meilleure façon de défendre son idéologie est de l’innocenter de ses crimes. Fin de balade. La bande reprend le chemin du centre-ville. Sous sa casquette noire de tankiste de Panzerdivision, Lanne joue au guide et sa gentillesse placide est déconcertante.

« Ici, c’est la maison où Luther a traduit la Bible en allemand. » Quand soudain on lui demande ce qu’il pense vraiment de Hitler, il se lance comme s’il courait sur des braises: « Il a sorti l’Allemagne de la pauvreté après la crise des années 1930, il lui a permis de retrouver son orgueil après le traité de Versailles. Je suis d’accord avec ce qu’il a dit sur les races et la biologie, sauf que je ne pense pas qu’il y a des races supérieures. Il y a des races bonnes pour certaines choses, les Noirs courent plus vite que les Blancs par exemple. » « “Mein Kampf”, je l’ai lu, c’est ennuyeux, renchérit Dennis. Mais le national-socialisme n’a pas besoin de livre. Les choses changent tout le temps et on s’adapte. »

Hans dénonce le libéralisme culturel, les gays, le féminisme, l’immigration. « Oui, je suis un nazi, vous pouvez l’écrire ! »

La bande nous emmène à la rencontre de deux de leurs amis. Sur une gouttière, un sticker est collé : « Quartier nazi ». Voilà Hans et Franz, plus fermés et durs. Ils déboulent dans un drôle d’uniforme : casquette Nike, pantalon de survêtement Adidas noir, veste The North Face, baskets New Balance et… petit sac Wotanjugend en bandoulière, du nom d’un groupe néonazi russe responsable de profanation de tombes juives et musulmanes et d’au moins quatre agressions. « Le premier ennemi, c’est le capitalisme », lâche Hans, 22 ans, ouvrier dans le bâtiment. On lui fait remarquer son accoutrement. « Les ouvriers de New Balance sont tous américains », répond-il. Ils nous demandent de changer leurs prénoms. Vérifient la carte de presse.

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Ils pratiquent les arts martiaux dans une salle de sport nationaliste. Les « antifas » ont attaqué la salle la semaine dernière. Ils s’entraînent pour le combat. Hans dénonce le libéralisme culturel, les gays, le féminisme, l’immigration. « Oui, je suis un nazi, vous pouvez l’écrire ! » À une heure de route de la ville, la petite troupe se rend à Kloster Vessra, dans le magasin-restaurant Golden Lion tenu par Tommy Frenck, un trentenaire tatoué et musculeux. Le néonazi de l’imaginaire collectif. Il reçoit sa clientèle à biceps ouverts. « Ici, on est les bienvenus, entre Blancs. On vient six fois par an », explique Lanne. Les jeunes hommes commandent des cafés… au lait. Sanny a été recueilli par Tommy Frenck. Il habite à l’étage et joue les serveurs en attendant sa majorité. Le décor pullule d’objets à la gloire du IIIe Reich, bouteilles de liqueur à l’effigie des héros de la Wehrmacht, tee-shirts floqués de Stuka en piqué ou encore, pour les enfants, de « Licornes aryennes », des maquettes de char, des livres de guerre, un fatras à l’esthétique néonazie affirmée.

On en a marre, tellement marre d’avoir honte d’être allemand.

« L’adulation du IIIe Reich, c’est une manière de s’approprier le côté fort, puissant, de l’armée de l’époque, explique Falk Isernhagen, nazi à 14 ans, repenti dix ans plus tard. C’est comme se dire “Fils d’Odin”. Juste une façon adolescente de se rendre “cool”. » Les babioles de Tommy Frenck se vendent comme des petits pains. « Mon chiffre d’affaires augmente de 20% tous les ans depuis cinq ans », se réjouit le taulier qui doit ruser pour contourner la loi allemande : interdiction de vendre des svastikas, les runes qui forment le sigle de la SS, des objets à la gloire d’Adolf Hitler. Alors, sur le flocage d’un tee-shirt, il élimine les voyelles du nom du dictateur. « I love HTLR ». Le tour est joué.

Tommy Frenck voulait être pompier, mais les autres pompiers de la caserne locale ne voulaient pas de lui. Il se rembrunit quand il raconte cette anecdote. La frustration et l’isolement comme carburant de la rage. Lui aussi est obsédé par la pureté de la race : « Bientôt, il n’y aura plus d’Européens si on détruit notre identité biologique. On est comme les Indiens d’Amérique. » Lanne l’écoute et opine du chef. « Et puis on en a marre, tellement marre d’avoir honte d’être allemand… » Pour l’historien Wolfgang Benz, spécialiste de l’antisémitisme et du national-socialisme, ni Tommy Frenck et ses tatouages nazis, ni Sanny et ses amis, ne sont les vrais dangers qui menacent l’Allemagne : « Les néonazis, c’est exotique, bien pour les photos, mais ce n’est pas le centre du problème. La nouveauté, en Allemagne, c’est l’extrême droite qui diffuse dans le milieu bourgeois. Voilà le danger: la perte du centre et le fait que l’extrême droite est maintenant dans tous nos Parlements. »

On n’aura pas compris la leçon d’Auschwitz tant qu’on n’aura pas intégré que le problème n’est pas de dire du mal des Juifs, mais de dire du mal de quiconque.

Pour le Pr Benz, l’AfD est plus dangereux parce que beaucoup plus subtil. Ses idées nationalistes font leur chemin chez les médecins, les avocats. « J’ai 79 ans. Je suis l’extrême droite en Allemagne depuis des décennies. Le national-socialisme, c’est ma spécialité. Chaque fois, ces quarante dernières années, qu’un journaliste étranger est venu me voir en me demandant : “Alors, ça y est, ça recommence ?”, je répondais “non, désolé, c’est stable, ça reste très minoritaire”. Mais pour la première fois, depuis deux ans, j’ai perdu cette confiance. L’AfD n’est pas un phénomène temporaire et cette fois-ci les musulmans sont la cible. On n’aura pas compris la leçon d’Auschwitz tant qu’on n’aura pas intégré que le problème n’est pas de dire du mal des Juifs, mais de dire du mal de quiconque. Si on n’a pas saisi cela, on n’a rien compris. »

Manifestation contre le néonazisme et l’extrême droite. © Daniel Bockwoldt/dpa

Tandis que le groupe de Sanny s’éparpille dans la nuit de Thuringe, à Berlin, Falk Isernhagen, l’ex-nazi, a refait sa vie et ne regrette rien de ses années brunes. Il n’a gardé aucun ami de cette époque. Il raconte qu’on ne se déradicalise pas après un déclic. Au contraire, on protège farouchement son idéologie. « Rien n’est logique, mais ce n’est pas grave : tu le rends logique dans ton esprit. » Il faut des années, de nombreuses et minuscules prises de conscience avant, un jour, parfois, d’ouvrir les yeux. Aujourd’hui père d’un enfant, Falk n’a qu’une angoisse, trouver les mots pour lui expliquer son passé : « Il n’a que 1 an et demi et je me torture déjà. Comment lui raconter tout ça ? »

 
 

L’alternative à la crise idéologique du capitalisme

A contrario totalement  de ce que pensaient les idéologues du capitalisme, l’effondrement du camp socialiste ne signifiait pas la fin des contradictions du système. La détérioration progressive des indicateurs les plus notables tels que l’emploi, l’accès aux services médicaux, l’éducation et bien d’autres nécessaires au développement humain, a clairement indiqué que la paix du capitalisme de la fin du XXe siècle était une chimère.

Cette situation a ses modes d’expression dans les différentes régions de la planète, reflétant une crise du modèle de production néolibéral dans son essence et, par conséquent, dans son idéologie. Aujourd’hui, il est impossible de maintenir les valeurs de la démocratie représentative sans que n’apparaissent  les bases mensongères   sur lesquelles elle a été fondée historiquement.

La démocratie, selon l’a vision de l’oncle Sam (un personnage avec lequel  l’impérialisme s’est identifié), est le monopole de la propriété sur le manque d’autrui, et ils comprennent les droits de l’homme comme la possibilité d’imposer l’individu sur le collectif, d’exclure ou d’exterminer toute personne qui a l’intention de changer l’ordre actuel des choses. En bref, c’est le droit que le marché a sur l’existence des hommes au détriment du rôle régulateur de l’État, quels que soient les êtres humains ou la vie naturelle, seul le profit individuel compte, c’est-à-dire l’argent.

Leurs méthodes de contrôle social – c’est le nom que les méthodes fascistes reçoivent désormais -sont si féroces et barbares lorsque ils veulent étrangler l’espérance des peuples, lorsque leur richesse et  leur hégémonie sont  menacée. Cuba, le Venezuela et le Nicaragua pourraient être quelques exemples qui mettent en danger la suprématie du système.

L’empire détruit tout ce qui a une valeur symbolique, qui représente de nouvelles idées. L’incendie de la wiphala, le drapeau qui reflète l’origine indigène multiculturelle de la Bolivie, n’était pas un hasard, il fait partie d’un script bien préparé, non seulement pour ignorer une culture, mais comme une étape pour détruire tout ce qui conduit conceptuellement à une position de résistance

Il n’y a donc pas de différence entre ce qui s’est passé à la Bibliothèque nationale de Bagdad, les statues du Che démolies sous le gouvernement Macri ou le saccage  de la maison d’Evo Morales en 2019, l’ordre est de détruire toute le capital symbolique des combattants   qui s’opposent à sa machinerie  d’extermination.

La situation internationale actuelle, convulsive et complexe, se débat dans l’antagonisme historique, reflétant le choc de deux conceptions qui gravitent autour l’existence de l’homme: la contradiction entre le modèle néolibéral et les projets  caractère social plus participatifs. La crise actuelle du capitalisme, avec son modèle néolibéral, démontre son incapacité à résoudre les problèmes accumulés historiquement.

Son expression immédiate est l’exacerbation des difficultés structurelles dans plusieurs régions du monde, c’est pourquoi, par crainte du développement de réponses qui vont vers davantage de socialisme, de plus de  répartition des richesses, des solutions extrêmes sont utilisées, quel qu’en soit le coût pour les grandes majorités

L’unité doit être l’élément cardinal de tout processus de lutte contre les forces retardatrices des changements, compte tenu du  fait que  plusieurs éléments fondamentaux, tels que l’idéologie, doivent  être liée à la discipline et à une direction , lls ne peuvent être atteint avec le Triomphe d’une révolution s’il n’y a pas de définition des tâches spécifiques à imposer comme propositions de changement. Pour cela, il est nécessaire de définir le sens logique de ce que vous voulez réaliser, et cela ne peut être possible que s’il y a une conscience claire de ce que vous voulez et un leadership moral, populaire et charismatique.

En outre, la pratique et la théorie révolutionnaires latino-américaines doivent être approfondies, avec une vaste expérience en revers et en  victoires. Le moment n’est pas de maudire ou de regretter, mais de procéder à un examen des erreurs commises, en recherchant les causes possibles pour travailler à leur élimination immédiate.

Ce qui en résulte doit passer par le filtre du consensus des masses, seul moteur possible des mouvements mis en scène à travers l’histoire. Fidel, lors de la cérémonie de clôture du IV Forum de Sao Paulo, à La Havane en 1993, a souligné les aspects qui doivent être pris en compte aujourd’hui: «… Une stratégie claire et des objectifs très clairs sont importants, que voulons-nous, que proposons-nous et si nous nous sentons capable de le faire … soyez sage, soyez proactif. Être aussi intelligent que nécessaire, non seulement aussi courageux que nécessaire, non seulement aussi résolu que nécessaire, et aussi convaincu que nécessaire, mais aussi intelligent que nécessaire … ».

En résumé, la culture est la première tranchée de combat et de résistance de ceux qui ont besoin et veulent une autre réalité différente de la réalité actuelle.

 

 

 

 

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Bernie Sanders : comment la gauche authentique perce dans un climat de droite

cet article de nos camarades du PTB exprime un enthousiasme pour Bernie Sanders « gauche authentique ». Ce qui me semble le plus juste dans leur analyse est l’idée que le candidat ne sera rien sans un mouvement et sans des forces organisées y compris syndicales. Le parti démocrate dont il est le candidat ne représente en rien cette force qui demande à naître et c’est la principale leçon que nous devrions en tirer partout dans le monde où l’on assiste à des mouvements radicalisés, « que faire? aurait dit Lénine alors que nous avons laissé détruire les partis dont les temps nouveaux ont un urgent besoin ?

Les États-Unis connaissent un regain d’activisme syndical. Et trois quarts des nouveaux adhérents dans les syndicats aux USA ont moins de 35 ans (Photo FF15).Les États-Unis connaissent un regain d’activisme syndical. Et trois quarts des nouveaux adhérents dans les syndicats aux USA ont moins de 35 ans (Photo FF15).
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De Kirk Douglas ou Otto Preminger quel est le premier à avoir brisé la liste noire anticommuniste ?

Qui a brisé la liste noire? ‘Une querelle n’a cessé d’opposer Dalton Trumbo à Kirk Douglas. Tout en reconnaissant qu’i avait été admirable, il lui reprochait de négliger le rôle d’Otto Preminger qui le premier avait mis le nom de Trumbo au générique d’Exodus. Parce que comme la quasi totalité de ceux qui avaient été condamnés pour communisme, tous ces gens étaient juifs  (Douglas, Preminger et Trumbo). Mais Douglas détestait Preminger (opinion partagée par bien des acteurs qui comme lui voulait participer au film et ne pas être de simples marionnettes et Kirk fut le producteur de Spartakus, son acteur mais imposa aussi sa conception à Kubrick) et l’accusait d’avoir pris le train en marche dans la lutte contre la liste noire. Un film consacré à Trumbo a été l’occasion de remettre la totalité des faits en place et il semble qu’il ait contenté tout le monde aussi bien Kirk Douglas que la famille Trumbo, il n’y a guère que John Wayne la bête nore commune qui ait eu à s’en plaindre du moins si l’on en coit ce commentateur de films américain. (traduction de Danielle Bleitrach)

Kirk Douglas a proclamé pendant plus d’un quart de siècle qu’il était «l’homme qui a brisé la liste noire». En imposant au générique  Dalton Trumbo d’ en 1960 comme le scénariste de «Spartacus», l’icône de l’écran affirme qu’il a porté un coup mortel à un système qui avait interdit des créateurs à  forcé créatifs ‘Hollywood, ou les ont laissés travailler dans l’ombre.Pendant presque autant d’années, la famille de Trumbo a accusé Douglas – tout en étant admirable de ne pas dire toute la véritéles chasses aux sorcières anticommunistes des années 40 et 50 – de s’être accordé trop de crédit pour une victoire qui appartient à beaucoup de gens. Ils ont plaidé pour une plus grande reconnaissance du réalisateur d’Exodus, Otto Preminger, qui a été le premier à imposer l’écrivain sur la liste noire.

La première du  » Trumbo ’s » Toronto Film Festival semblait être une occasion qui pourrait renouveler la querelle de longue date. Au lieu de cela, le biopic, mettant en vedette Bryan Cranston et réalisé par Jay Roach , utilise une licence créative astucieuse pour donner à Douglas son dû, mais pas en excès – un compromis susceptible de désamorcer le genre de fureur qui a persisté dans les images historiques récentes comme «Selma» et « The Imitation Game »pour avoir pris trop de libertés avec l’histoire.

«Trumbo» se rend à Toronto et une ouverture le 6 novembre avec la bénédiction des filles de Trumbo et de Douglas. «Je pense que le film a raison», explique sa fille Mitzi. Douglas a projeté le film à son domicile la semaine dernière et était «très, très content», a déclaré Fred Specktor, l’agent de l’acteur pendant trois décennies.

Alors que la paix est peut-être à portée de main dans le différend Douglas-Trumbo, la recréation historique, de Groundswell Prods. et ShivHans Pictures, et publié par Bleecker Street, pourrait raviver d’autres incendies politiques vieux de sept décennies. Le personnage de John Wayne est décrit comme un complice simple d’esprit du chroniqueur impitoyable de droite Hedda Hopper. Et un bref aperçu des actualités de l’acteur Ronald Reagan positionne l’acteur comme un autre outil d’un gouvernement visant imprudemment ses propres citoyens. Il est difficile d’imaginer que les commentateurs conservateurs n’offriront pas de réfutation des comptes, scénarisés par John McNamara.

L’affaire Douglas prouve que les émotions de l’époque de la guerre froide restent parfois très vives. Douglas, âgé de 98 ans, ira dans sa tombe en insistant sur le fait qu’il a brisé la liste noire. Mais un bon ensemble de preuves dira qu’il a joué son rôle, mais n’a pas agi en premier ou seul.

Certains faits semblent maintenant clairs: en 1947, Trumbo a été détenu au mépris du Congrès, mis sur liste noire et emprisonné plus tard lorsque le communiste qui se revendique comme tel  a refusé de céder avec d’autres gauchistes au House Un-American Activities Committee. Pendant plus d’une décennie, l’écrivain a continué à tenter de gagner sa vie en produisant principalement des films B sous une série de noms de plume. (Cette période est une pièce maîtresse de «Trumbo», et sa fille Mitzi dit que Cranston a capturé le fondamental  du scénariste au point qu ‘«il me semble juste comme mon père».)

À la fin des années 1950, les studios avaient recommencé à embaucher Trumbo. En janvier 1960, Preminger a déclaré au New York Times qu’il avait engagé l’écrivain encore sur liste noire pour créer la version écran du roman de Leon Uris « Exodus » et qu’il « obtiendra naturellement à l’écran le crédit qu’il mérite amplement. »Le Times a alors  également révélé que Trumbo était en train de travailler sur le scénario de« Spartacus ».

Douglas détestait Preminger et décrivait le réalisateur comme s’introduisant  dans le train anti-liste noire à la dernière minute, selon  » Dalton Trumbo : Blacklisted Hollywood Radical », par Larry Ceplair et le fils de Trumbo, Christopher Trumbo. Douglas aurait dit à sa femme que Preminger avait «sauté dans la voiture  et a prétendu être l’ingénieur» de la pression pour reconnaître les scénaristes sur liste noire.

Huit mois après que Preminger ait remis  Trumbo dans le domaine public, Universal l’a reconnu comme le scénariste de « Spartacus ». . Lorsque « Exodus » est sorti en décembre, fidèle à la parole de Preminger, au générique  il portait également le nom de Trumbo.

En 1991, la veuve de Trumbo, Cleo, a refusé d’assister à un événement de la Writers Guild en l’honneur de Douglas pour ses actions à l’époque de la liste noire, car le groupe a refusé de donner également un prix à Preminger. En 2002, Jack Valenti, patron de Motion Picture Producers of America, a réprimandé le Los Angeles Times pour ne pas avoir accordé suffisamment de crédit à Douglas comme ennemi de la liste noire. Cleo a répondu par une lettre à l’éditeur appelant Preminger et Douglas à la fois « des hommes de principe et de courage », mais réitérant que c’était le réalisateur qui avait déclaré publiquement pour la première fois qu’il donnerait du crédit à son mari. Douglas n’a pas hésité. Selon la biographie de Trumbo de Ceplair, l’acteur a écrit à Cleo Trumbo: « Votre lettre au LA Times m’a rendu très triste … Je suis très fier du fait que j’ai été le premier à briser la liste noire. » Son avocat fait de même affirmation après avoir vu le nouveau film,

Dans son livre de 2012, «Je suis Spartacus!», Douglas a encore aliéné le clan Trumbo en affirmant que lui, et non Dalton Trumbo, avait conçu la scène emblématique «Je suis Spartacus!». Ceplair, après avoir examiné le brouillon du scénario de Trumbo, dit que le scénariste a clairement conçu la notion d’autres esclaves adoptant le nom de leur héros.

Mitzi Trumbo, un photographe de 69 ans aujourd’hui à la retraite, a un jour décrié le rôle «gonflé» que Douglas s’était donné. Mais aujourd’hui, elle et sa sœur, Niki, semblent avoir trouvé la paix avec la nouvelle version d’écran de Douglas. «Il est difficile de trouver un moyen de rendre justice à la fois à Otto Preminger et à Kirk Douglas », explique Mitzi Trumbo. «Ils ont tous deux fait des choses très courageuses, et mon père a toujours été reconnaissant et si proche d’eux deux.»

Plus important encore, elle pense que «Trumbo» rappellera aux Américains le danger de persécuter les citoyens pour leurs convictions politiques. «Mon père ne s’attendait jamais à ce genre d’attention», ajoute-t-elle. «Il serait stupéfait, juste stupéfait. Et je pense qu’il est important que ce film soit disponible et que cette histoire soit racontée. »

ÉVÉNEMENTS PIVOTS SUR LA LISTE NOIRE

 DANS LA PEUR CRÉÉE PAR LES AUDIENCES DU COMITÉ NON AMÉRICAIN, DE NOMBREUSES PERSONNES ONT VU LEUR CARRIÈRE DÉTRUITE. LES ENQUÊTES HOLLYWOODIENNES ONT PRÉCÉDÉ  L’ENQUÊTE DE JOSEPH MCCARTHY SUR LES PRÉSUMÉS COMMUNISTES AU GOUVERNEMENT. HOLLYWOOD A PRIS UNE LIGNE DURE CONTRE LES COMMUNISTES DANS LE SHOWBIZ, TANDIS QUE LA VARIÉTÉ ET LE THEATRE ONT DÉMONTRÉ UNE APPROCHE PLUS MODÉRÉE, MAIS N’ONT JAMAIS PROTESTE CONTRE UNE CHASSE AUX SORCIÈRES QUI A GÂCHÉ DES CENTAINES DE VIES.
– GRIS TIM
26 MAI 1938 CRÉATION DU COMITÉ DE LA CHAMBRE SUR LES ACTIVITÉS NON AMÉRICAINES; MARTIN DIES JR. DIT QUE HOLLYWOOD EST REMPLI DE CAMARADES. DAILY VARIETY SE MOQUE DE LUI; SA SONDE S’ESTOMPE.
LE 29 JUILLET 1946, LE FONDATEUR DE HOLLYWOOD REPORTER, WILLIAM WILKERSON, AFFIRME QUE 80% DE LA PROPAGANDE COMMUNISTE PROVIENT D’HOLLYWOOD. IL NOMME 11 SYMPATHISANTS.
LE 20 OCTOBRE 1947, DAILY VARIETY DÉCRIT L’OUVERTURE DES AUDIENCES DU HUAC, LE DÉCRIVANT COMME UN CIRQUE PT BARNUM. WALT DISNEY, AYN RAND ET RONALD REAGAN VONT TÉMOIGNER.
LE 29 OCTOBRE 1947, AD TITRAIT «WHO’S UN-AMERICAN» QUALIFIE D’AUDIENCES ANTIPATRIOTIQUES, SIGNÉES PAR 116 PERSONNES, DONT HENRY FONDA, KATHARINE HEPBURN – ET ELIA KAZAN.
25 NOVEMBRE 1947 LA DÉCLARATION DE WALDORF INDIQUE QUE LES STUDIOS N’EMBAUCHERONT PAS D’ÉCRIVAINS, NOTAMMENT DALTON TRUMBO, RING LARDNER JR., JOHN HOWARD LAWSON; RÉALISATEUR EDWARD DMYTRYK.
OCTOBRE 1948 LAWSON ET TRUMBO SONT RECONNUS COUPABLES D’AVOIR REFUSÉ DE TÉMOIGNER; LES AUTRES DU «HOLLYWOOD TEN» NE SONT JAMAIS JUGÉS, ACCEPTANT D’ÊTRE LIÉS AU DUO.
20 OCTOBRE 1950 LE MOTION PICTURE INDUSTRY COUNCIL ÉVALUE L’IDÉE D’UN SERMENT DE FIDÉLITÉ À L’ÉCHELLE DE L’INDUSTRIE, SEMBLABLE À CELUI EN VIGUEUR À LA SAG DEPUIS 1947.
20 SEPTEMBRE 1951 L’ÉCRIVAIN MARTIN BERKELEY FOURNIT 150 NOMS. THR TROMPETTES DE TITRE: « LES DÉTAILS EFFROYABLES DES ACTIVITÉS DE LA COMMISSION, DE NOUVEAUX NOMS, SONT RÉVÉLÉS. »
24 SEPTEMBRE 1951 «LA SONDE APPELLE ÇA SE TERMINE SUR PIX», DIT LE TITRE DU DAILY VARIETY, L’HISTOIRE AJOUTANT L’ESPOIR QUE LES AUDIENCES METTRONT FIN À L’ENQUÊTE DE QUATRE ANS.
3 MARS 1954 JOHN IRELAND POURSUIT DES SOCIÉTÉS DE TÉLÉVISION ET DES AGENCES DE PUBLICITÉ POUR LUI AVOIR REFUSÉ DE TRAVAILLER POUR ÊTRE «POLITIQUEMENT INACCEPTABLE», LA PREMIÈRE ADMISSION DE LA LISTE NOIRE PAR LE BIZ.

 

 

Les fantômes de mai 68

Pour ouvrir une discussion globale sur nos perspectives historiques dit  l’auteur de l’article Denis COLLIN, je partage sa vision sur bien des points quant à la nécessité de dénoncer ce que l’on tente de nous imposer ce qu’a été mai 68. parce que ce que l’on peut reprocher à son analyse pertinente sur bien des points c’est qu’elle est comme les autres sur cette époque là, elles surestiment certaines figures et sousestiment l’existence d’une forte CGT et d’un parti communiste qui ont donné un tout autre visage à mai 68 que dans le monde, en allemagne, au Japon, où la révolte était celle de jeunes étudiants… Mais même sous cette forme-là je n’ai jamais eu que méfiance pour le bilan historique de mai 68 qui s’avère à mes yeux être la pire des corruptions de la gauche et de l’espérance révolutionnaire, celle d’un Mitterrand en train de se décomposer et de tout détruire autour de lui, mes mémoires (le temps retrouvé d’un communiste. Delga. 2019) font état de cette analyse et c’est pourquoi je crois qu’un critique à la fois de mai 68 et de sa représentation  qui sont réellement une sorte de tradition de la gauche qui pèse comme un cauchemar sur le cerveau des vivants, je ne sais mêle plus si le PCF pourra être sauvé de la débâcle telle qu’elle s’amplifie y compris dans la célébration des 100 ans du pCF confié à des soixante-huitards nostalgiques et des marxistes de salon. (note de Danielle Bleitrach)

« La tradition de toutes les générations mortes pèse comme un cauchemar sur le cerveau des vivants. » (Karl Marx, Le 18 brumaire de Louis Bonaparte)

Nous vivons depuis plus d’un an une sorte de « mai 68 rampant », des Gilets Jaunes au mouvement contre la réforme des retraites, la grande majorité du peuple semble en train de faire sécession. Dans le même temps, par toutes sortes de canaux, ce pouvoir qui déploie une violence supérieure à celle du pouvoir gaulliste en 68 tente de se présenter comme l’héritier de 68. Dans l’escouade des idéologues au service du pouvoir, une place particulière est accordée aux « revenants » de mai 68. Daniel Cohn-Bendit, le célèbre « anarchiste » et Romain Goupil, le guérillero du Quartier latin vont à l’assaut de tous les médias pour défendre la loi sur les retraites et leur idole, Emmanuel Macron.

Sommaire :

Lyon, 13 mai 68

Il y a bien longtemps que Guy Hocquenghem a écrit sa Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary (1986). Il y donnait une série de portraits saignants : Serge July, Finkielkraut, BHL, Glucksmann, Cohn-Bendit, Roland Castro, Coluche, Arrabal, Bizot, Patrice Chéreau, Marguerite Duras, Marin Karmitz, Bernard Kouchner… Ces grands révolutionnaires étaient devenus des bourgeois installés dans le beau monde. Toute cette petite camarilla continue d’officier, eux ou leurs héritiers en ligne directe. Certains sont devenus ministres comme Kouchner, d’autres conseillers des princes comme Castro, passé de Mitterrand à Macron (ils ont la peau dure, ceux-là !). On y ajoutera le sénateur Henri Weber, ex-auteur de Mai 68, une répétition générale. Et d’autres, moins connus que l’on retrouve socialistes puis macronistes dans des bataillons de notables qui donnent irrésistiblement l’envie d’entonner la chanson de Jacques Brel, « Les bourgeois, c’est comme les cochons… »

On peut se dire que c’est un classique : soyez rouges dans votre jeunesse, vous avez bien le temps de blanchir ! Ou encore cet adage assez débile, « celui qui n’est pas révolutionnaire à 20 ans n’a pas de cœur, celui qui l’est encore à 40 ans n’a pas de tête. » Ce qui est nouveau, ce n’est pas le changement de camp, la trahison aux cheveux blancs, c’est que, pour ces gens, il n’y a pas de trahison, pas de véritable changement de camp, et que leur « révolution » de 1968 n’était au fond que les premiers cris du nouveau-né des années 80 à nos jours : le « néolibéralisme » qui s’épanouit avec Macron. Il faut pour comprendre cela revenir sur 68 et la suite, comprendre comment l’échec de ce qui fut, pour nombre d’entre nous un vaste mouvement révolutionnaire a ouvert une nouvelle période de la domination capitaliste.

Intrication de trois grands mouvements

Mai 68 est un nœud, un moment de l’histoire où s’entremêlent trois mouvements qui semblent converger et qui vont se désintriquer au profit d’un seul de ces mouvements et au détriment des deux autres. Intrication, cela veut dire non seulement que les mouvements différents qui composent mai 68 se combinent de manière parfois explosive, mais aussi que les courants politiques réels et les individus n’appartiennent pas nécessaire à l’un ou l’autre mais sont à la fois dans l’un et l’autre.

Nous avons, d’une part, un mouvement ouvrier classique, un soulèvement dans la lignée de 1936 contre les conditions de vie que la «  modernisation  » du capital impose aux travailleurs. Il y a des prémices : la grève des mineurs de 1963, les mouvements de jeunes ouvriers chez Citroën à Rennes ou chez Berliet à Caen, mouvements très durs qui voient de nouvelles couches de la classe ouvrière affronter les CRS, les protestations contre les ordonnances de 1967 sur la Sécurité sociale, etc. Une nouvelle couche d’OS directement arrachés à la vie rurale et qui ne connaissent pas le sens de la discipline de la vieille classe ouvrière bien encadrée par le PCF et la CGT. Dans ce mouvement ouvrier en pleine mutation, il faut aussi noter l’arrivée massive des ingénieurs, cadres et techniciens, la « nouvelle classe ouvrière » chère à Serge Mallet et dont le PSU se voulait de fait le représentant politique attitré.

Ce mouvement va prendre le dessus à partir du 14 mai par la grève avec occupation partie de la SNIAS à Nantes et de Renault à Billancourt, mouvement qui va s’étendre comme une trainée de poudre. Avant le 13 mai, c’est le mouvement étudiant qui tient le haut du pavé, avec Cohn-Bendit (mouvement du 22 mars), Jacques Sauvageot (UNEF), rejoint par le SNESup dirigé par Alain Geismar. À partir du 13 mai, ce sont les syndicats qui reprennent la main. Le mouvement se terminera avec les accords de Grenelle, qui furent loin d’être négligeables : importante augmentation du SMIG, quatrième semaine de congés payés, nouveaux droits syndicaux dans l’entreprise. La reprise fut difficile parce que l’occupation des usines avait fait naître des espoirs d’un changement plus profond. Les dirigeants syndicaux doivent s’y reprendre à deux fois pour faire avaler les accords de Grenelle (voir le fameux épisode du discours de Séguy à Renault-Billancourt). Les comités de grève qui n’ont jamais réussi à se centraliser font de la résistance et bien après mai 68 beaucoup pensaient que ce n’était qu’un début et que le mai réussi était devant nous. Mais ce fut, de fait, le dernier grand mouvement ouvrier où la question d’un horizon socialiste fut posée dans la lutte même.

Le deuxième mouvement était celui de la radicalisation politique de toute une frange, notamment de la jeunesse étudiante comme prolongement de la situation internationale. La génération de ceux qui avaient combattu la guerre d’Algérie retrouvait ceux qui dénonçaient la guerre américaine au Vietnam et qui prenaient comme nouveau modèle, face à une URSS un peu démonétisée, la révolution cubaine (« Un grand espoir, c’est Cuba », chantait Colette Magny, comme réponse à son « J’ai le mal de vivre »). Beaucoup d’espoirs, parfois un peu puérils, beaucoup de confusions et d’illusions aussi. Derrière ce mouvement, les grandes puissances (URSS et Chine) agissaient aussi en coulisses. Et puis il y eut le « Printemps de Prague » et l’espoir d’une convergence entre les mouvements pour la démocratie à l’Est et contre le capitalisme à l’Ouest. Pour des jeunes gens qui pour la première fois avaient une vue directe sur le monde (par la télévision), il y avait matière à penser et à chercher ce qu’étaient les fins ultimes de l’humanité.

Le troisième mouvement est celui de la modernisation du capitalisme, du passage d’un capitalisme fondé sur la transmission du patrimoine au capital mobile qui se mettait en place et que la modernisation industrielle avait préparé — en France comme ailleurs. Le gaullisme était vraiment trop « vieille France », trop engoncé dans ses préjugés, bien que là aussi les choses commençaient à changer puisque c’est le gaulliste Lucien Neuwirth qui avait fait légaliser l’usage de la pilule contraceptive, au grand dam de la plupart de ses collègues. La liberté sexuelle devint un mot d’ordre chez les enfants de la bourgeoisie ; il y avait belle lurette que les ouvriers enfreignaient allégrement les « normes » bourgeoises en cette matière : en l’absence de patrimoine à gérer, on y pratiquait souvent l’union libre (on « vivait à la colle »), mais les bourgeois étaient encore coincés, nous dit-on : la pratique des « rallyes » pour orienter les mariages, qui existe toujours aujourd’hui, se doublait pourtant des booms, où les stupéfiants étaient de règle chez les rejetons de la bonne société, et ce bien avant 68 (le cinéma en offre de nombreux témoignages). Quoi qu’il en soit, « l’héroïque bataille » pour la liberté sexuelle était dans l’air du temps et recouvrait un contenu politique qu’on peut résumer par « à bas les normes ! » Cette partie du mouvement de 68 représentait très précisément « l’extrême gauche du capital » et Cohn-Bendit était son porte-parole attitré. Le « mouvement du 22 mars » né à Nanterre sous la houlette du futur macronien défendait cette idée ébouriffante : permettre aux garçons d’avoir accès à la cité des filles.

Ces trois mouvements étaient complètement intriqués et l’on trouve la même intrication en Italie, mais ni aux États-Unis, ni en Allemagne, par exemple, où la composante ouvrière du mouvement est absente. L’idée largement partagée à « l’extrême gauche » d’un vaste mouvement révolutionnaire mondial est notoirement fausse, mais elle a entretenu la flamme et permis l’existence de mouvements dits révolutionnaires assez importants dans toute une série de pays avancés.

Le déclin du mouvement ouvrier

À partir de 1968, nous assistons, à travers des soubresauts, à un long déclin du mouvement ouvrier organisé, c’est-à-dire des grands partis ouvriers de masse et des syndicats. Après une pointe dans les années 80, le PCI se saborde au congrès de Bologne (1991) pour devenir « social-démocrate », puis démocrate tout court en fusionnant avec une aile de la démocratie chrétienne. Le PSI, miné par la corruption de son chef, Craxi, disparaît à peu près du paysage. Les tentatives de maintenir un espoir communiste en Italie, avec le Partito Comunista Rifondazione finiront aussi par s’enliser. En Allemagne, nous assistons à un lent déclin du SPD qui n’est plus aujourd’hui que l’ombre de lui-même. En France, le PCF a commencé à décliner à la fin des années 70 pour presque s’effacer après la disparition de Georges Marchais, ne survivant que grâce à ses alliances électorales avec le PS, alliances qui dans le même temps contribuaient aussi à son déclin. Le PS français n’a jamais été véritablement un parti ouvrier, faute de liens sérieux avec la classe ouvrière organisée. Il était devenu un parti des classes moyennes salariées et des intellectuels. Mais son lien avec l’histoire en faisait tout de même une sorte de « parti ouvrier ». Sa quasi-disparition dans le macronisme n’est peut-être pas définitive, mais elle est tout de même une confirmation de ce déclin du mouvement ouvrier traditionnel. Cela ne signifie pas que la lutte des classes a disparu. « La classe ouvrière a le dos au mur », disaient les « lambertistes » avant 68. C’est maintenant que cette proposition prend tout son sens. Toutes les batailles récentes, après 1995 qui fut le dernier grand mouvement qui ait eu à peu près gain de cause, ont été perdues. Non seulement le mouvement ouvrier n’a plus engagé de bataille pour gagner de nouveaux acquis, mais il a été incapable de défendre ses positions et nous assistons, en France, mais aussi dans toute l’Europe à des reculs importants. Symboliquement, la défaite des mineurs britanniques battus par Mrs Thatcher en 1983 exprime toute la période et le conflit présent autour des retraites doit être compris dans ce contexte. Il est nécessaire de s’interroger sur cet affaiblissement du mouvement ouvrier, car les explications traditionnelles par la trahison des appareils ou la méchanceté de la bourgeoisie sont ridicules. Et si l’on s’avance dans cette recherche, on sera obligé d’aller loin. Je laisse ici la question ouverte. Y a-t-il une fatalité qui fait que la classe ouvrière soit vouée à l’impuissance politique (comme aujourd’hui) ? Doit-elle toujours subir une représentation politique qui finit par préférer l’ordre existant au danger d’un changement révolutionnaire ? Faut-il accepter la thèse, défendue par Costanzo Preve, selon laquelle les classes subalternes ne peuvent jamais devenir des classes dominantes ?
Quoi qu’il en soit, on peut comprendre des pans entiers du gauchisme post-soixante-huit comme des tentatives pour trouver des substituts à la classe ouvrière qui se révélerait incapable d’accomplir la mission historique que le marxisme orthodoxe et sa version marxiste-léniniste lui avaient attribuée. Plus de classe ouvrière comme « sujet révolutionnaire », place aux nouveaux sujets révolutionnaires : la « petite bourgeoisie radicalisée », les « nouvelles avant-gardes larges ayant rompu avec le réformisme dans la tactique des luttes », tout ce que l’on pouvait trouver dans les écrits de Daniel Bensaïd, notamment le fameux bulletin intérieur de la Ligue communiste (BI 30) publié en juin 1972. Dans ce texte Jebrac-Ségur-Bensaïd spéculait même sur les « vertus militaires de la paysannerie » et imaginait une guerre de guérilla rurale l’échelle du continent européen. Je sais qu’aujourd’hui il faut dire du bien du grand penseur Bensaïd, mais à ce niveau de délire, on s’interroge… Le plus important est bien cette élimination progressive de la classe ouvrière et ce mouvement vers la petite-bourgeoisie « radicalisée » dont nous voyons maintenant les manifestations éclatantes.

La seule lueur de reprise d’un mouvement social sérieux est venue d’où l’on ne l’attendait pas, avec les Gilets jaunes, mouvement atypique, mais incontestablement populaire mêlant salariés et travailleurs indépendants, comme dans les premières heures du mouvement ouvrier, et pratiquant l’action directe. Une large partie de l’intelligentsia de gauche n’a rien vu, souvent rien compris à ces manifestations où la couleur jaune était l’uniforme, le chant révolutionnaire La Marseillaise et le drapeau un drapeau tricolore ! Plus rien à voir avec la « convergence des luttes », les « Nuits debout » et autres spectacles pour petits bourgeois. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est la reconstruction d’un mouvement populaire, dont la composante ouvrière au sens large est essentielle mais fait la jonction avec les autres composantes des classes laborieuses et dont la base pourrait ne plus être entreprise mais la commune, le quartier, base dont le rond-point est l’emblème.

Les impasses de l’anti-impérialisme

Le deuxième aspect est la révélation de l’impasse politique de l’anti-impérialisme. Évidemment, sur le plan moral, l’agression américaine au Vietnam était insupportable, comme le fut la mainmise sur le Chili le 11 septembre 1973. Défendre inconditionnellement les nations agressées par l’impérialisme n’est pas seulement un devoir « révolutionnaire », mais aussi un devoir de quiconque est attaché à la démocratie et à la souveraineté des peuples, toutes choses proclamées par la révolution « bourgeoise » de 1789. Mais cela n’implique pas le soutien politique aux gouvernements des nations agressées. Être contre les guerres menées contre l’Irak en 1991 (merci Mitterrand !) et 2003, ce n’est évidemment pas soutenir Saddam Hussein, tyran spécialisé dans la pendaison des communistes. Dénoncer les ingérences US au Venezuela n’implique pas de se rallier au « bolivarisme » de Chavez ou Maduro. Mais ces distinctions étaient trop subtiles pour nos « anti-impérialistes » qui se mirent en devoir de trouver partout des gouvernements révolutionnaires sui generis, comme le Parti communiste vietnamien, et pendant un temps le Front Uni National du Kampuchéa (le FUNK, autrement dit les sinistres Khmers rouges).

Cet anti-impérialisme avait deux effets : premièrement le développement d’une complaisance, pour le moins, envers les régimes staliniens qui étaient classés, peu ou prou, parmi les anti-impérialistes ; et, deuxièmement, de nourrir une vision de l’histoire dans laquelle l’intelligentsia petite-bourgeoise tient le rôle principal. Le premier aspect est peut-être même le moins important. Après tout pour vaincre le pire des dangers on peut faire alliance avec le diable et même avec sa grand-mère et l’Union soviétique avait joué un rôle majeur dans la défaite du nazisme. Le plus important est le deuxième aspect : nous avons un mouvement historique qui place au premier plan la classe petite-bourgeoise, intellectuels, militaires, indépendants, etc., et elle prétend accomplir les fins ultimes de l’humanité ! En effet, les principaux mouvements révolutionnaires anti-impérialistes sont aux mains de cette classe et le mouvement ouvrier n’y joue aucun rôle ou un rôle minoritaire, quand il ne s’oppose pas à ces nouveaux « sujets historiques ». Ce ne sont même pas les chefs petits-bourgeois des ouvriers. Leur base est essentiellement paysanne en Chine, au Vietnam, au Cambodge et même dans la plupart des pays d’Amérique latine. Il y a une classe ouvrière active en Argentine, en Bolivie et bientôt au Brésil, mais elle restera totalement imperméable au discours des guérilleros. Le destin du marxisme est désormais étroitement lié à ces classes intermédiaires qui trouvent dans la « dictature du prolétariat » une couverture idéologique adéquate pour légitimer leur action en vue du pouvoir, qu’elle se sent fondée à exercer. Elle doit pour cela combattre les puissances capitalistes étrangères. J’ai développé tout cela de manière un peu approfondie dans Le cauchemar de Marx. Mais dans ces mouvements exotiques, la petite bourgeoisie intellectuelle européenne, qui ne sait pas trop bien quel sera son avenir, va trouver un idéal auquel s’identifier. Il y a de nombreuses théorisations de ce déplacement de l’axe de la pensée révolutionnaire : l’encerclement des villes par les campagnes (Mao), les damnés de la terre (Frantz Fanon), etc. Les élucubrations du congrès de Bakou des peuples d’Orient (1920) vont être reprises sous des formes diverses en remplaçant l’opposition entre prolétaires et bourgeois par l’opposition entre nations impérialistes et nations prolétaires — une thèse que l’on trouve déjà chez Mussolini dans les premières années du mouvement fasciste.

Si l’on revient sur cette histoire, on comprend mieux l’islamophilie d’une large partie des groupes d’extrême gauche d’aujourd’hui. Un musulman est par définition un représentant des nations prolétaires, alors qu’un ouvrier blanc et hétérosexuel est un membre de l’aristocratie ouvrière vendue à l’impérialisme — il y a même des citations de Lénine toutes prêtes ! On comprend mieux avec quelle constance cette « petite bourgeoise radicalisée » a su conquérir les lieux du pouvoir intellectuel pour imposer progressivement sa façon de voir le monde, pour conquérir l’hégémonie comme on dirait en paraphrasant Gramsci.
Il y a un dernier point à souligner. Le soutien « anti-impérialiste » aux luttes armées a développé une vision militaire de la vie politique. Dans Le bon, la brute et le truand, le personnage joué par Clint Eastwood dit : « tu vois, le monde se divise en deux catégories, celui qui a un pistolet chargé et celui qui creuse et toi tu creuses. » C’est la vision du monde qu’ont développée les partisans de la lutte armée : les armes décident de tout. Il n’est donc pas très étonnant que certains d’entre eux aient rejoint sans sourciller le camp de l’impérialisme US quand ce pays s’est engagé dans une politique d’exportation par les armes des « valeurs de l’Amérique ». C’est ainsi que l’ancien chef du Service d’ordre de la Ligue communiste, Romain Goupil, s’est retrouvé comme l’un des porte-parole des « néocons » à la française en soutenant l’intervention américaine contre l’Irak en 2003.

Tout cela doit être nuancé. La révolte morale contre le domination est fondamentalement juste. La défense de la liberté est universelle et il faut reconnaître la sincérité de l’engagement politique révolutionnaire de beaucoup de jeunes. Il faut seulement en comprendre les limites : cet engagement peut conduire au socialisme, c’est-à-dire au « vieux mouvement ouvrier », issu de l’Internationale Ouvrière. Mais il peut aussi nourrir une pensée cynique, l’idée que tout est possible et que tous les moyens sont bons pour gagner. Sinon, comment expliquer que la révolte morale débouche sur le soutien à des régimes abominables ?

La révolution sociétale

La « révolution sexuelle » est le point de départ de la prise de conscience de soi d’une nouvelle classe ayant vocation exercer le pouvoir dans tous les domaines, le pouvoir politique dès que possible, mais aussi le pouvoir dans le monde de la culture et le pouvoir idéologique avec un but : en finir avec les normes étouffantes, « vivre sans temps mort » et « jouir sans entraves ». En finir avec les normes bourgeoises, c’est d’abord en finir la vieille morale familiale, ce qui n’est pas pour déplaire aux plus lucides des membres de la classe capitaliste. La famille est un obstacle à la fluidité nécessaire au marché du travail. En outre, la liberté sexuelle a deux avantages : elle ouvre un nouveau marché, le marché du sexe sous toutes ses formes, et, en second lieu, elle procède de cette « désublimation répressive » dont parle Marcuse — comment user de l’énergie sexuelle pour augmenter le profit.
Le libertarisme sociétal est devenu le cheval de Troie de la liquidation de toutes les normes protégeant les individus. « Vivre sans temps mort » : voilà un mot d’ordre que n’importe quel capitalisme reprendra à son compte. Il ne doit y avoir aucun temps mort pour le travail pendant la journée de travail et dans la vie elle-même il ne doit y avoir aucun temps mort pour entreprendre, commercer, acheter et vendre, aucun temps qui ne soit sacrifié à Mammon ! Quant à « jouir sans entraves », c’est le mot d’ordre sous-jacent à la plupart des publicités. Évidemment, ceux qui veulent jouir sans entraves, qui veulent « tout, tout de suite » (autre mot d’ordre de VLR), ceux-là sont dans le sens de l’histoire, dans le sens du « progrès » et ils devront être prêts à en payer le prix.

On pourra objecter que le capitalisme est capable de tout récupérer, et qu’il peut récupérer les révoltes qui sont dirigées contre lui. Sans doute. Mais dans le cas d’espèce, ce sont les « rebelles » eux-mêmes qui ont expliqué pourquoi le néolibéralisme (ils lui ont donné un autre nom) était l’avenir qu’il fallait faire advenir. L’idéal du mode de production capitaliste est la « société liquide » (Zigmunt Bauman), une société d’individus en mouvement, d’individus sans appartenance, une société qui réalise pleinement les vœux de Deleuze et Guattari dans leur livre de 1972, L’Anti-Œdipe. C’est un autre héros intellectuel de l’extrême gauche, Michel Foucault qui va faire de l’extension de la « liberté » capitaliste et de l’abolition des normes la véritable émancipation. La French Theory, le « postmodernisme » va sonner la fin du grand récit révolutionnaire (cf. Lyotard) et transformer la « rébellion » en carburant de la machine capitaliste.

Des individus interchangeables, ni hommes ni femmes, ni jeunes ni vieux (d’ailleurs il n’y a plus que des jeunes dans le monde postmoderne), des forces de travail mobiles et des consommateurs occupés à consommer, voilà ce qu’a fabriqué la révolte des soixante-huitards, du moins ceux qui se présentent sous cette étiquette et construisent le récit de 68 à destination des médias dominants d’aujourd’hui. Le lien entre le macronisme et les héros de la « révolution sexuelle » d’antan se fait facilement. Macron, tout en essayant de se garder de sa droite, est favorable aux innovations « sociétales », il est prêt à laisser toutes sortes de bouffons (comme Bellatar) occuper la scène et il s’affiche volontiers avec les anciens soixante-huitards, devenus les soutiens des lanceurs de LBD et de grenades lacrymogènes contre des manifestants qui, eux, n’ont pas de pavés en main…

Ce qui était intriqué est dénoué. L’époque peint maintenant du gris sur du gris. La page de 68 est tournée, mais encore faut-il la penser sérieusement. Ces quelques réflexions ne visent qu’à ébaucher des lignes suivant lesquelles des élaborations plus rigoureuses pourront être conduites. Nous avons eu de nombreuses analyses politiques mais nous manquons d’une vraie compréhension sociale et psychologique de l’ensemble de cette période historique et cette compréhension nous aiderait grandement à l’heure où s’impose la nécessité de reconstruire un mouvement de résistance au capitalisme et de transformation sociale.

Denis Collin — le 27 janvier 2020.

 

Morning star : Quel est le rôle de l’individu dans l’histoire?

Les marxistes soutiennent que même si les individus ne peuvent pas changer le cours objectif de l’histoire à volonté, l’individu peut parfois jouer un rôle majeur, dit la BIBLIOTHEQUE MARX, cet article publié par le Morning star est-il « un principe de consolation » devant la médiocrité actuelle des leaders politiques, voir celle des penseurs. Quand on n’a pas de Fidel Castro en magasin, on peut se consoler en se disant que si ça n’avait pas été Marx s’eut été quelqu’un d’autre. Mais personnellement j’aime mieux la réponse de Fidel Castro à la question. Il disait que « le génie politique » était plus courant que le génie artistique et scientifique et qu’il naissait du mouvement social, que la Révolution provoquait la naissance non seulement de ce type de génie mais de toute une floraison d’individus capables de mener l’affaire à bien et d’installer un nouveau type d’Etat. Parce que le génie politique et là la référence est Machiavel a trois capacités : « voir ce que les autres ne perçoivent pas », tirer une flèche sur une cible que personne ne perçoit dit Machiavel. Le second trait vient de là, il lui faut convaincre les aveugles de ce qu’il voit, être une Cassandre n’a aucun intérêt. Enfin i faut qu’il s’ache s’entourer et créer autour de lui un collectif qui sache à la fois le respecter et lui dire la vérité. » Si l’on considère le cas Castro on voit qu’il a toutes les caractéristiques avec un entourage qu’il élargit au peuple tout entier par un dialogue permanent et une attitude totalement irréprochable de don de soi. Si nous n’avons pas de Fidel Castro en magasin, il faut bien voir à quel point la plupart de nos politiciens sont éloignés de ce génie politique, opportuniste au jour le jour, abscons, impopulaires et arrogants. (note et traduction de danielle Bleitrach)

SI VOUS ÊTES une personne âgée, il est probable que l’histoire que vous avez eue à l’école était principalement une liste de dates de rois, de reines et de (vieux) premiers ministres.

Si vous êtes jeune, il est probable que vous en aurez appris plus sur les «mouvements» – la guerre civile américaine, peut-être sur le mouvement des droits civiques (mais probablement très peu sur la révolte paysanne, les débats de Putney, le chartisme ou les mineurs) grève, et probablement presque rien sur les luttes de classe en Europe).

Quoi qu’il en soit, il est probable que les noms des individus figurent en bonne place. Hitler a «déclenché» la seconde guerre mondiale: l’assassinat de l’archiduc Ferdinand (à Sarajevo par Gavrilo Princip, personnage moins connu, mais en quelque sorte un héros pour les Yougoslaves) a déclenché la première guerre mondiale.

Nous parlons de l’ère victorienne, de la France napoléonienne, du darwnisme, du thatchérisme – et, bien sûr, du marxisme!

Pour les marxistes, l’histoire essaie de regarder au-delà des individus pour examiner les raisons pour lesquelles les gens, y compris ceux dont vous n’aurez jamais entendu parler et ceux dont les noms n’ont jamais figuré dans aucun document écrit, ont agi comme ils l’ont fait.

Pas seulement les circonstances et les motivations individuelles, mais pourquoi les gens ont agi ensemble, collectivement.

Il s’agit de savoir comment les gens gagnent leur vie, comment ils voient le monde et ce qu’ils font pour le changer et pourquoi, en particulier en tant que membres d’un groupe plus large – leur classe.

Aucun individu, aussi talentueux, capable, méchant ou clairvoyant puisse-t-il déterminer le cours principal du développement historique.

Cela ne signifie pas que les individus ne sont pas importants – ils le sont. Et dans certaines circonstances, le rôle joué par les individus peut être déterminant.

Sans Wat Tyler, Jeanne d’Arc, Henry VIII, Cromwell, Napoléon, Hitler, Mussolini, Staline, Mao, Kennedy, Gorbatchev, Thatcher, Blair (ajouter Trump et Johnson et Corbyn), l’histoire des périodes dans lesquelles ils vivaient serait incomplète , Pour dire le moins.

Un «jeu de devinettes» en relation avec le rôle des individus dans l’histoire est: pourquoi ont-ils fait ce qu’ils ont fait?

Un autre (abandonné  par les historiens sérieux) est le «contrefactuel»; que se serait-il passé – et à quoi ressemblerait le monde aujourd’hui – s’ils avaient agi différemment?

L’un des textes marxistes les plus influents était Le rôle de l’individu dans l’histoire de Georgi Plekhanov.

Cela a été écrit comme une attaque contre la théorie du «homme grand» de l’histoire – popularisée par l’écrivain Thomas Carlyle – et en particulier comme une polémique contre les Narodniks russes qui ont souligné le rôle de l’action directe et le héros révolutionnaire (éventuellement armé d’une bombe ) dans la transformation du tsarisme.

Plekhanov a soutenu que l’histoire ne doit être considérée ni comme la conséquence des actions d’individus «d’en haut» ni du mouvements «d’en bas».

La relation est dialectique, et démêler ces liens est l’un des intérêt  de l’histoire en tant que sujet, et devient  vital si nous voulons essayer non seulement d’interpréter le monde, mais de le changer.

La thèse de Plekhanov comportait un certain nombre d’éléments. L’une était assez abstraite – la relation entre le «libre arbitre» et le fatalisme.

Il a soutenu que le changement historique ne pouvait plus être considéré comme la conséquence d’une nature humaine innée, ou comme la manifestation de la volonté divine.

Le «développement des forces productives» était la base la plus générale du changement historique, car il était étroitement lié aux changements de la société.

Mais il y a aussi ce qu’il a appelé des «causes particulières» – des facteurs spécifiques et contingents liés à la situation existante à tout moment et en tout lieu.

Enfin, il a déclaré: «L’influence des causes particulières est complétée par le fonctionnement des causes individuelles […] et d’autres« accidents »grâce auxquels les événements prennent enfin leurs caractéristiques individuelles.

«Les causes individuelles ne peuvent pas entraîner de changements fondamentaux dans le fonctionnement des causes générales et particulières […] Néanmoins, il ne fait aucun doute que l’histoire aurait eu des caractéristiques différentes si les causes individuelles qui l’avaient influencée avaient été remplacées par d’autres causes du même ordre. « 

Les marxistes soutiennent que si les individus ne peuvent pas changer à volonté le cours objectif de l’histoire, néanmoins l’individu peut parfois jouer un rôle majeur.

Comme l’a déclaré Lénine: «L’idée de nécessité historique ne sape en rien le rôle de l’individu dans l’histoire: toute l’histoire est constituée des actions des individus».

Le point de vue marxiste le plus proche est peut-être que les individus se présentent pour jouer un rôle important dans les événements lorsque le besoin ou l’opportunité se présente: «vient le temps…» Mais c’est aussi un processus dialectique – en agissant pour changer les choses, l’individu change également.

Comme Marx l’a dit dans Capital, le socialisme et la lutte pour y parvenir sont un élément majeur de ce qu’il a appelé «la réalisation de soi de la personne» et les transitions des individus en «êtres humains pleinement développés».

Tout cela s’applique aux changements négatifs ainsi qu’aux changements progressifs. Sans Staline, l’histoire soviétique – et en fait l’histoire du mouvement communiste mondial jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale et après celle-ci – aurait pu suivre un cours très différent.

Mais comme dans l’Allemagne nazie, le «culte de l’individu» masque même ici les circonstances objectives qui ont permis à une personne d’exercer une telle influence dominante – dans le premier cas, la nécessité pour le jeune État socialiste de se défendre contre les attaques de l’extérieur et de l’intérieur. (beaucoup d’entre eux l’imaginaient) et dans le cas de l’Allemagne nazie, le chaos de la république de Weimar et la montée du fascisme comme «solution» à une crise plus générale du capitalisme.

L’argument ne s’applique pas seulement aux personnalités politiques, mais aussi à la science et à la culture.

La science (par exemple) est souvent conçue comme une connaissance ou des «faits» purs, indépendamment de la façon dont ils sont produits, contrôlés ou utilisés.

Les marxistes contesteraient cela, soulignant que tout au long de l’histoire, le contenu changeant des connaissances scientifiques – qui sont comprises à tout moment dans le temps comme des faits – sont étroitement liés aux conditions sociales de leur production, bien que d’une manière dialectique plutôt que déterministe.

Marx, écrivant à Engels à propos de la théorie de l’évolution de Darwin par sélection naturelle, a commenté: «Il est remarquable de voir comment, parmi les bêtes et les plantes, Darwin reconnaît sa société anglaise avec sa division du travail, la concurrence, l’ouverture de nouveaux marchés, les« inventions »et la lutte malthusienne. pour l’existence ».

Darwin lui-même n’a été incité à «rendre public» que lorsqu’il a découvert qu’Alfred Wallace, travaillant dans l’archipel malais, avait pensé – et écrit – dans le même sens.

En 1931, une délégation soviétique est arrivée à l’improviste lors du deuxième Congrès international d’histoire de la science à Londres, où son chef, Boris Hessen, a présenté un document intitulé Les racines socio-économiques des principes de Newton.

Hessen a soutenu que les Principia d’Isaac Newton – peut-être le traité scientifique le plus important de la civilisation occidentale – étaient intimement liés aux conditions sociales de sa production.

Les lois du mouvement de Newton et sa «découverte» de la gravité n’étaient pas un don de la providence divine, pas (seulement) le produit du génie individuel (ou la conséquence d’être frappé par une pomme qui tombe).

Ils répondaient à des problèmes techniques spécifiques du capitalisme ancien, en particulier la nécessité d’améliorer la navigation maritime, le développement de nouvelles machines et d’armes balistiques en temps de guerre.

Dans aucun cas, le fait que les théories scientifiques soient liées au contexte social de leur production signifie qu’elles sont «fausses» ou manquent d’objectivité.

Mais il remet en question la vision conventionnelle des scientifiques (et de la science) comme autonomes, ayant un impact «sur» la société mais n’étant pas influencés par la société.

Le marxisme lui-même, bien sûr, est un produit de son temps. Lénine a dit des œuvres de Marx et Engels qu’elles étaient «le successeur légitime du meilleur que l’humanité ait produit au 19e siècle, tel que représenté par la philosophie allemande, l’économie politique anglaise et le socialisme français».

Ces trois courants ont leur propre fondement dans les actions des individus et du contexte social dans lequel ils agissent.

La réalisation de Marx et Engels a été de s’appuyer sur eux et de les relier à une vision du monde qui a fourni une partie du contexte social et politique dans lequel les révolutionnaires ultérieurs ont joué leur rôle dans le développement de la théorie et de la pratique – à la fois l’interprétation et le changement de la société.

Finissons donc avec le marxisme lui-même. L’attribution de noms individuels à des périodes historiques ou à des théories scientifiques est elle-même (comme l’a suggéré Plekhanov) le résultat de circonstances historiques.

Marx était sans aucun doute une figure imposante, mais il en était de même pour une multitude d’autres. Si ce n’était pas Marx qui avait lancé le bal (incidemment, ni Marx ni Engels n’aimaient le terme marxisme), cela aurait certainement été quelqu’un d’autre – bien que notre compréhension de l’histoire humaine et de la société aurait pu prendre plus de temps à se développer et aurait pu développé d’une manière quelque peu différente.

Cette réponse a été collectivement révisée par les participants à la série Introduction au marxisme à la Marx Memorial Library and Workers ‘School. Les détails de ce cours et d’autres peuvent être trouvés à www.marx-memorial-library.org.uk .

 

« Ne me dites pas que Cuba est pauvre »: Javier Sotomayor à un journaliste espagnol

«À Cuba, il n’y a pas d’analphabètes, ni d’enfants sans couverture médicale», alors l’ex-athlète nie la pauvreté de l’île. Ce qu’il nous dit également c’est la manière dont Trump a choisi d’étrangler Cuba plus qu’aucun président ne l’a fait jusqu’ici. Il me semble que nous devrions en tirer deux conséquences, ne pas nous contenter de liker ce texte mais renforcer la solidarité et les protestations à l’ambassade et aussi, si l’on peut aller directement leur porter notre solidarité en tant qu’amis et touristes. Le nombre des touristes français a baissé l’an dernier mais il est vrai que là aussi la politique de Macron qui étrangle les Français, pèse sur les plus pauvres mais aussi les couches moyennes a ses effets (note et traduction de Danielle Bleitrach).

DDC
Madrid 
Javier Sotomayor
Javier Sotomayor THE NATION 

Le recordman mondial et détenteur du record depuis 1988 Javier Sotomayor a nié que Cuba était « pauvre » et a blâmé l’embargo et le président américain, Donald Trump, pour les « difficultés » de l’économie de l’île, dans une interview publiée ce samedi par le journal Espagnol La Vanguardia. 

« Ne me dites pas que Cuba est pauvre », a répondu Sergio Heredia à Barcelone. « Nous ne sommes pas pauvres. À Cuba, il n’y a pas d’analphabètes, pas d’enfants sans couverture médicale. Pas d’enfants, pas d’adultes. Et il n’y a pas de personnes souffrant de malnutrition. Dans les sports, les sciences et l’éducation, nous sommes parmi les meilleurs au monde », a-t-il ajouté.

Après l’insistance de son intervieweur, l’ex-athlète cubain a également déclaré: « Nous souffrons économiquement de limitations. Nos dirigeants ont changé, mais la politique reste la même. Avec Obama, elle a avancé. Avec Trump, nous avons reculé par deux fois. Trump est le président américain le plus dur avec nous que tout ce que nous avons vécu  »

Selon Sotomayor, l’embargo imposé par les États-Unis à Cuba affecte non seulement l’île mais aussi « qui veut avoir des affaires » avec le gouvernement. « Il y a des banques qui ne peuvent pas entrer. Des hôtels qui suspendent leur participation. D’autres qui ferment. En raison du blocus, certains de nos athlètes n’ont pas encore reçu les prix internationaux gagnés », a-t-il déclaré.

En outre, lors de l’interview, le recordman cubain a rappelé « les années Obama », dans lesquelles « une grande amélioration du tourisme a été notée ».

« Beaucoup d’Américains sont venus. Nous sommes devenus à la mode. Les hôtels n’étaient pas suffisants pour approvisionner et les maisons privées non plus », a-t-il déclaré avant de confesser au journaliste qu’il avait profité de ce moment pour ouvrir une entreprise, le Sports Bar 245, qui a fini par fermer.

En 1993, Javier Sotomayor a atteint 2,45 mètres et établi le record du monde du saut en hauteur qu’aucun autre athlète n’a réussi à battre jusqu’à aujourd’hui. Cependant, l’ex-athlète était devenu détenteur du record du monde cinq ans plus tôt, en 1988, lorsqu’il avait sauté 2,43 mètres.

Le Cubain a également été couronné champion olympique à Barcelone en 1992 et a été six fois roi du monde.

 

New yorker :BERNIE SANDERS, LE LEADER DEMOCRATE

The new yorker comme d’autres journaux proches des démocrates sont en train de s’interroger sur la profonde transformation de la base des démocrates, is ne veulent plus de miliardaires, plus de bons gestionnaires du capitalisme avec un piment de sociétal, loin de leur faire peur le socialisme les attire. Bernie Sanders représente cela.  Faut-il oser en tous les cas là aussi la lutte des classe tente de dépasser l’institutionnalisation de l’alternance démocratique à la mode du capitalisme… Ce qui est impressionnant ce n’est pas le programme, c’est le bouleversement ici comme ailleurs (note et traduction de Danielle Bleitrach)

Bernie Sanders.
La campagne de l’outsider de Bernie Sanders commence à ressembler à une campagne gagnante. Photographie de Tom Brenner / NYT / Redux

Bernie Sanders , à soixante-dix-huit ans, à trois mois d’une crise cardiaque, a survécu à la nuit, pour devenir le co-leader de la nomination démocrate à la présidence des États-Unis. Il est toujours maigre et déterminé; à mes yeux, la courbure de son dos s’est approfondie. Lors d’une tournée dans l’Iowa le week-end dernier, il portait un costume avec une chemise à col ouvert, et ses cheveux étaient du côté docile de son épi Il n’y a pas beaucoup de blagues dans les discours de Sanders en ce moment, ni dans les histoires, ni dans les gens. Il s’est adressé à des milliers de personnes dans l’Iowa et n’a pas répondu à une seule question.

Plus les sondages de Sanders sont favorables, plus il semble grave, voire austère. « Nos infrastructures, nos routes, nos ponts, nos systèmes frontaliers, les usines de traitement des eaux usées s’effondrent », a-t-il déclaré morose à Ames. Ses perspectives d’envol  étaient suffisantes pour exciter sa foule; Sanders lui-même pourrait se dégonfler sur un ton plus familier. Les Américains doivent endurer «l’embarras international» de ne pas garantir les soins de santé. Vouliez-vous «parler de vulgarité?» Considérez les dirigeants pharmaceutiques, «une bande d’escrocs». ​​Sans passion, il a poursuivi sur  le changement climatique. «Ils ont sous-estimé les types d’incendies de forêt et de feux de forêt que nous sommes en train de subir. Vous êtes tous conscients que l’Australie, un beau pays, est en train de brûler. »Le travailleur américain moyen« n’a pas obtenu  un nickel de plus »qu’il  y a cinquante ans, a-t-il déclaré: et «vous avez trois personnes au sommet possédant plus de richesse que la moitié inférieure de la société américaine. T’as pigé? Trois personnes,face à cent soixante millions de personnes. »Pourquoi, vous vous êtes demandé, une personne s’investirait-elle dans un endroit aussi malade? La réponse, portée par ses jeunes foules et substituts: pour nos enfants.

Il est courant de décrire la scission actuelle au sein du Parti démocrate comme opposant sa gauche à son centre. Une autre façon de le dire est que le Parti est divisé entre son avenir probable et sa réalité actuelle. Un sondage Emerson de l’Iowa cette semaine a révélé que quarante-quatre pour cent des démocrates de moins de cinquante ans soutiennent Sanders; dix pour cent préfèrent Elizabeth Warren , et aucun autre candidat n’a atteint les deux chiffres. On pourrait penser qu’une coalition croissante de cette taille serait attrayante pour d’autres démocrates, mais Sanders a été approuvé par un seul de ses collègues du Sénat, Patrick Leahy, du Vermont, et par sept députés. Vendredi, il avait le soutien d’un seul législateur de l’État de l’Iowa, tandis qu’Amy Klobucharavait été approuvé par dix-huit. « Personne ne l’aime », dit Hillary Clinton, de Sanders, dans un nouveau documentaire qui vient d’être montré à Sundance, ce qui semble vrai dans un certain sens, mais hors de propos. Ses électeurs ne ressemblent plus tellement à des étrangers au Parti. Ils commencent à ressembler à la future base. L’ancien secrétaire au Trésor, Larry Summers, a parlé d’une analyse que lui et certains associés ont menée, qui a révélé que les propositions de Sanders ajouteraient 60 billions de dollars dans de nouveaux programmes de dépenses, environ vingt pour cent du PIB, soit plus de cinquante fois les nouvelles dépenses proposées. par Klobuchar, dix fois celle proposée par Joe Biden, et près du double de celui proposé par Warren. Selon Summers, le programme de Sanders représente près de trois fois la taille du New Deal. Sanders pourrait chicaner avec les chiffres, mais le vaste écart entre l’ampleur de ses propres programmes et ceux de ses rivaux suggère quelque chose pour expliquer pourquoi ses partisans ont été si durs pour les autres démocrates afin qu’ils se retirent. « Dans tout autre pays, je ne serais pas dans le même parti que Joe Biden  » a déclaré  Alexandrie Ocasio-Cortez , substitut le plus important de Sanders, au New York Times , le magazine le mois dernier. L’enjeu de la campagne principale de Sanders est de savoir si la transformation des démocrates a déjà commencé.

Samedi dernier, à l’Ames City Auditorium, Sanders, voyageant avec Ocasio-Cortez et le réalisateur de documentaires Michael Moore, a attiré une foule de plus de mille personnes, ce qui signifie que deux cents d’entre eux ont dû regarder le rassemblement depuis une salle de sport à l’arrière. Moore est sorti pour s’adresser à eux. « Vous êtes comme moi, c’est la foule la plus folle! », A déclaré Moore. «Nous n’imaginions pas deux heures plus tôt quoi que ce soitde ce genre !» Mais, quelle que soit la campagne Sanders, ce n’est pas pour les slackers. Sanders savait dès le début de la course qu’il était susceptible de lever plus d’argent que n’importe lequel de ses rivaux, et il en a – plus de quatre-vingt-seize millions de dollars jusqu’à présent, selon la campagne. Son directeur de campagne, Faiz Shakir, est un ancien joueur de baseball de Harvard qui s’est entraîné au bureau du Sénat de Harry Reid. Son rôle dans l’opération Sanders ressemble à celui que Rahm Emanuel a joué dans le jeune Barack Obama: le personnage d’une campagne idéaliste qui comprend quelque chose sur le pouvoir. La campagne de Sanders a un slogan pointu: «Pas moi. Nous. »- et l’image de marque qui continue de pivoter, habilement, pour correspondre aux nouvelles. En Iowa, le week-end dernier, les bénévoles portaient les derniers boutons, qui répondent aux questions sur l’éligibilité de Sanders. Ils lisent «Bernie Beats Trump». La plate-forme de Sanders n’est pas moins radicale qu’en 2016, et la mentalité combative  de ses partisans est intacte. Vendredi soir, Rashida Tlaib, l’un des substituts les plus francs de Sanders, a fait les gros titres pour avoir sifflé une mention de Hillary Clinton lors d’un événement de campagne. (Tlaib s’est excusé plus tard.) Mais le mouvement de Sanders, avec toutes ses émotions hérissées, commence également à ressembler à un gagnant. A tous les niveaux, il existe une tension intéressante, entre impuissance et pouvoir.

Tôt dimanche dernier matin, une centaine de volontaires de campagne attendaient de rencontrer Sanders dans un bureau d’un centre commercial. Alors que les gens se pressaient, avec leur équipement d’hiver toujours en place, j’ai essayé de comprendre ce qui était différent de 2016. L’opération de campagne était beaucoup plus grande et meilleure – tout le monde était d’accord là-dessus. Mais surtout, disaient-ils, c’était la même ferveur. « Honnêtement, je ne pense pas qu’il y ait une différence – je pense que c’est la même chose », m’a dit une femme du nom de Celia Ringstrom. La constance de Sanders, face à l’opportunisme et à l’hypocrisie des républicains et des démocrates, était leur signe de raliment. «Je veux dire, il dit la même chose depuis quarante ans», m’a dit un homme du nom de Mike McElree. Sanders était du bon côté d’une compétition entre «démocratie et barbarie», a déclaré un organisateur au groupe –  tous d’accord.

Tout au long de l’automne, une chose sage à dire à propos de la course était que les démocrates dans la vie réelle n’étaient pas les mêmes que sur Twitter – qu’ils n’étaient pas aussi attachés au socialisme et aux revendications de justice sociale, et pas si loin à gauche . Dans le monde réel, la défendait-on, le Parti était peuplé d’un groupe plus calme – plus âgé, moins éduqué et moins progressiste. Ils voulaient un peu plus d’assurance maladie publique, un système de taxation plus équilibré et un retour à une décence publique dont ils se souvenaient – ils étaient des Biden. Cependant, la semaine précédant les caucus de l’Iowa, la distinction entre le Parti sur Twitter et le monde réel semblait s’effondrer. «Je n’aime tout simplement pas les riches», m’a dit une femme du nom de Sara Brizzi à Ankeny. « Peut-être à cause du fait d’avoir grandi pauvre. » Brizzi, qui était là avec son mari et leur fille de cinq ans, a expliqué qu’elle travaillait pour une compagnie d’assurance maladie et que si Sanders gagnait et que son plan Medicare for All était réalisé, elle perdrait probablement son emploi. En 2016, les experts ont parfois décrit les campagnes Sanders et Trump comme reflétant une politique «symbolique», dans laquelle les positions politiques importaient moins que de résister au statu quo. Mais le mouvement Sanders est profondément matériel: ses adhérents veulent Medicare for All, et un Green New Deal, et des collèges publics sans frais de scolarité, et ils ont imaginé ces programmes suffisamment clairement pour qu’ils se soient demandé si leurs propres emplois pourraient être affectés. Brizzi avait pesé les risques et les avantages, et décidé qu’elle était avec Sanders. les experts ont parfois décrit les campagnes Sanders et Trump comme reflétant une politique «symbolique», dans laquelle les positions politiques importaient moins que de résister au statu quo. Mais le mouvement Sanders est profondément matériel: ses adhérents veulent Medicare for All, et un Green New Deal, et des collèges publics sans frais de scolarité, et ils ont imaginé ces programmes suffisamment clairement pour qu’ils se soient demandé si leurs propres emplois pourraient être affectés. Brizzi avait pesé les risques et les avantages, et décidé qu’elle était avec Sanders. 

Nous sommes loin du début de cette campagne primaire, quand une demi-douzaine de candidats ont rencontré Obama et sont sortis pour essayer de construire un pont plus doux entre les besoins politiques d’aujourd’hui – comme le Parti les voit – et le coalition du futur. La majorité de ces candidats – Cory Booker , Julián Castro , Beto O’Rourke et Kamala Harris – sont maintenant hors course, et deux autres, Pete Buttigieget Warren, ont vu leurs perspectives s’affaiblir. Dans quelques semaines, les démocrates se retrouveront avec un choix simple et brutal entre Biden et Sanders. Dans l’Iowa la semaine dernière, les forces les plus puissantes de la primaire démocrate ne semblaient pas être celles qui se massaient derrière Mike Bloomberg et Biden, mais celles affiliées au bus Sanders qui roulait vers l’ouest à travers l’Iowa – les quatre-vingt-seize millions de dollars et la coalition multiraciale de la jeunesse , qui semblait vouloir ce qu’il offrait, et non, comme il aurait pu le dire, cinquante cents sur le dollar.

Dimanche dernier, à Perry, dans l’Iowa, glacée et épargnée, l’audience de Sanders était entassée dans la mairie, et presque extatique, mais plus les foules sont énergiques, plus Sanders semble devenir concentré et préoccupé – un contrariant émotionnel. Son esprit semblait fixé sur le court laps de temps avant les caucus, et le procès de destitution qui le garderait à Washington, DC Sanders a déclaré: «J’espère revenir – je ne sais pas si je vais en milieu de semaine. Peut-être, peut-être pas. »Un instant plus tard, il sembla décider – probablement pas – et ralentit sa cadence pour un message final. Oui, il s’agissait de gagner l’investiture, a-t-il dit, et oui, il s’agissait de battre Trump. «Mais nous vous demandons encore plus. Nous vous demandons de vous joindre à nous pour transformer ce pays. »Le prochain événement était à Fort Dodge. Au moment où j’avais quitté le bâtiment, le bus de campagne était déjà parti. Sanders avait déclaré quelques minutes plus tôt qu’il avait aimé répondre aux questions d’Iowains tout au long de la campagne. « Aujourd’hui, nous n’allons pas avoir le temps. »

 
 

Les echos : Boris Johnson nationalise les lignes ferroviaires du nord de l’Angleterre

L’Etat va reprendre l’exploitation jusque-là assurée par Arriva, la filiale de Deutsche Bahn. C’est la deuxième nationalisation en deux ans, alors que le gouvernement prépare une remise à plat plus large du système de franchises mis en place au moment de la privatisation du secteur.

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Les trains opérés par Arriva dans le nord de l’Angleterre transportent 108 millions de passagers par an. (AFP)

Publié le 29 janv. 2020 à 19h38Mis à jour le 29 janv. 2020 à 20h01

L’Etat fait son grand retour dans le secteur ferroviaire outre-Manche. Alors que la privatisation du milieu des années 1990 est particulièrement critiquée , le gouvernement de Boris Johnson a annoncé mercredi la renationalisation des lignes ferroviaires du nord de l’Angleterre, que gérait jusque-là la filiale de Deutsche Bahn Arriva, et connues pour une qualité de service que le ministre britannique des Transports Grant Schapps a qualifiée de « cauchemardesque ».

C’est la deuxième nationalisation en deux ans, après celle des lignes de l’est de l’Angleterre à la mi-2018, jusque-là opérées par Virgin Trains East Coast. Et d’autres pourraient suivre, comme la South Western Railways, a prévenu le gouvernement.

La privatisation du secteur, qui a donné lieu à la création de 16 franchises régionales confiées à des opérateurs privés ou non (dont la SNCF), est loin d’avoir donné les résultats escomptés . Retards, annulations, surcoûts et autres inefficiences : beaucoup d’opérateurs peinent à atteindre les revenus auxquels ils se sont engagés pour décrocher leur franchise. Le matériel roulant tarde à être renouvelé, et le réseau ferré appartenant à la société publique National Rail, à être modernisé.

Geste politique fort

Le gouvernement se prépare ainsi à revoir tout le dispositif. L’ex-directeur général de British Airways, Keith Williams, doit bientôt rendre un rapport très attendu, qui devrait préconiser de mettre à bas le système de franchises, sans aller pour autant jusqu’à une complète renationalisation.

L’Etat jouera son rôle d’« opérateur en dernier ressort » sur les lignes du nord en reprenant la main sur leur exploitation au 1er mars, soit 5 ans avant la fin de la concession accordée en 2016 à Arriva. Il a déjà promis d’agrandir 30 gares pour qu’elles puissent accueillir des trains plus grands, de veiller à une meilleure propreté des wagons ou encore de continuer à remplacer le matériel roulant. Invoquant la vétusté des infrastructures et les grèves, mais reconnaissant qu’« un nouveau plan est nécessaire », Arriva a dit « comprendre la décision du gouvernement ».

Il s’agit d’un geste politique fort vis-à-vis des élus et des électeurs des anciens bastions travaillistes du nord de l’Angleterre qui ont largement voté conservateur aux élections législatives de la mi-décembre. Boris Johnson, qui leur a promis d’investir dans les infrastructures, joue sur du velours : les retards sont particulièrement nombreux sur ces lignes desservant des villes comme Manchester, Leeds, Liverpool et Newcastle (seuls 50,6 % des trains ont été à l’heure entre le 10 novembre et le 7 décembre, contre 62,2 % en moyenne au niveau national) et les annulations aussi (7,3 % des trains contre 4,7 %).

Alexandre Counis (Correspondant à Londres)