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Archives de Catégorie: femmes

Soudan : abolition de la loi sur le châtiment des femmes pour conduite indécente

C’est avec une grande joie que l’on accueille cette nouvelle, mais ici encore s’il est bien noté que les femmes soudanaises sont à l’origine de cette loi grâce à leur combat dans le mouvement révolutionnaire qui secoue le Soudan, ce qui est masqué est le rôle historique joué dans ce domaine comme dans tous ceux pour la liberté, l’égalité, la démocratie, par le grand parti communiste du Soudan. Est-ce un hasard si en Afrique comme sur tous les autres continents l’influence marxiste et communiste désigne les fractures d’un consensus social basé sur l’autoritarisme, les dominations religieuses, pour mieux piller et exploiter les peuples (note de danielle Bleitrach)

Le gouvernement d’Abdallah Hamdok a annulé une loi controversée ayant sévèrement restreint les droits des femmes pendant les 30 ans du régime du président déchu Omar el-Béchir.

Une soudanaise scandant \"liberté, paix et justice !\" lors de la Journée internationale pour l\'élimination de la violence contre les femmes, à Khartoum le 25 novembre 2019. 
Une soudanaise scandant « liberté, paix et justice ! » lors de la Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes, à Khartoum le 25 novembre 2019.  (ASHRAF SHAZLY / AFP)

Des milliers de femmes ont été fouettées, condamnées à des amendes et même emprisonnées pendant le règne d’Omar el-Béchir en vertu de la loi sur l’ordre public pour « actes indécents et immoraux ».

« Le Conseil des ministres a convenu lors d’une réunion extraordinaire le 26 novembre 2019 d’annuler la loi sur l’ordre public dans toutes les provinces », a rapporté l’agence officielle Suna.

La décision du cabinet doit encore être ratifiée par le Conseil souverain au pouvoir.

Des milliers de Soudanaises condamnées pour « tenue indécente »

Sous Omar el-Béchir, arrivé au pouvoir en 1989 via un coup d’Etat soutenu par les islamistes, le Soudan a appliqué une version très rigoriste de la charia, la loi islamique, et limité considérablement le rôle des femmes dans le pays pendant des décennies.

Des milliers de Soudanaises ont été condamnées à de lourdes amendes et flagellées, pour « tenue indécente » ou consommation d’alcool, selon des membres de la société civile. M. Béchir a été destitué par l’armée le 11 avril 2019, après des mois de contestation de son régime.

Les femmes étaient à l’avant-garde de ces manifestations qui ont ensuite ciblé les militaires lui ayant succédé.

Les militants affirment que la loi sur l’ordre public a été utilisée comme une arme, les forces de sécurité arrêtant régulièrement des femmes, même pour avoir assisté à des fêtes privées ou porté des pantalons.

Le nouveau gouvernement soudanais dirigé par le Premier ministre Abdallah Hamdok a promis qu’il défendrait les droits des femmes.

L’abolition de la loi, « une vraie victoire pour les femmes »

« Le gouvernement a tenu ses promesses. C’est une vraie victoire pour nous, pour le mouvement féministe au Soudan et pour les droits des femmes », a déclaré Tahani Abbas, éminente militante soudanaise des droits des femmes, en réaction à l’annulation de cette loi controversée.

« Beaucoup de femmes ont été fouettées et humiliées à cause de cette loi honteuse. Avec cette décision, le Soudan s’oriente maintenant vers une nouvelle vie dans laquelle les femmes peuvent jouir de la dignité », a-t-elle ajouté.

En revanche, un haut responsable du Parti du Congrès national de l’ex-président déchu a affirmé que le problème résidait dans l’application de la loi par des individus plutôt que dans la loi elle-même.

« Certains policiers se servaient de cette loi pour harceler les femmes », a déclaré Mohamed Al-Amin, qui est également l’un des avocats de la défense de M. Béchir, jugé pour corruption.

La veille  de l’abolition de la loi, des centaines de Soudanaises avaient manifesté à Khartoum à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes, premier rassemblement de ce genre au Soudan depuis des décennies.

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Mexique: l’artiste et activiste féministe Isabel Cabanillas est assassinée à Ciudad Juárez

voilà le  féminicide sur la planète, parce qu’il y a des femmes qui se battent pour leurs droits comme pour ceux de l’humanité et dont nos médias ignorent jusqu’à l’existence, occupés comme ils le sont à surveiller si les gouvernements de gauche respectent bien leurs droits de l’homme à eux, ceux qui aident l’impérialisme à s’implanter. Il n’y a pratiquement aucun médias en France qui ne soit pas en proie à cette tare et qui daigne voir la réalité de l’horreur qu’est le monde tel qu’ils le rêvent. ..Des centaines de femmes torturées, violées qui ont servi de jouet à la classe dirigeante ont été retrouvées mortes dans cette terrible cité,celles qui luttent pour leur vie et pour celle des peuples indigènes ou la défense de l’environnement sont retrouvées mortes avec l’assentiment des Etats-Unis et de leurs valets.qui s’appuient sur des criminels pour tenir les peuples.  (note et traduction de danielle Bleitrach)

La membre du groupe des filles de la mère Maquilera, dédiée à l’art, au militantisme et à la défense des droits des femmes, était portée disparue depuis vendredi, lorsque ses proches ont porté plainte.

Dimanche matin, des proches, des amis, des militants et des voisins de Cabanillas de la Torre ont manifesté sur l’esplanade du monument à Benito Juarez pour exiger que les autorités arrêtent les responsables du crime et arrêtent le féminicide.

Isabel Cabanillas, 26 ans, qui était également créatrice de vêtements, est la quatrième femme tuée à Ciudad Juarez ce mois-ci et la sixième de l’État.

Vendredi, ses proches ont signalé sa disparition devant l’unité des personnes absentes du bureau du procureur général dans la zone nord.

Samedi vers 2 h 45, le personnel de l’unité des homicides pour femmes pour des raisons de genre a reçu un appel d’un opérateur radio au sujet de la découverte du corps d’une femme dans le centre-ville.

Le corps de la peintre et activiste a été retrouvé à côté de son vélo sur un trottoir au croisement des rues Inocente Ochoa et Francisco I. Madero; Il portait plusieurs coups de feu. La femme avait une veste bleue avec des décors noir, un chemisier et des collants noirs et des baskets blanches.

Le bureau du procureur spécial pour les femmes de Chihuahua a déclaré que la mort de la jeune femme était  due à la lacération du bulbe vertébral par un projectile d’arme à feu dans le crâne .

Des dizaines de membres de groupes féministes, des proches de femmes disparues et des proches de la victime se sont rassemblés sur l’esplanade du monument à Benito Juárez pour demander justice et rendre hommage à Cabanillas de la Torre.

Tous portaient des bannières avec des messages comme  Isabel Cabanillas, votre mort sera vengée ,  nous ne sommes pas de la chair à  canon ,  s’ils touchent une de nous répondons à tous!  et pas  une de plus! , ainsi que des photographies de l’activiste, peintre et designer, qui laisse dans le deuil un fils.

Où sont-elles? Nous voulons qu’elles reviennent. Il n’y a aucune raison de se taire ou d’oublier. Ce n’est pas un chiffre de plus; C’est ma sœur Isabel qui n’est plus avec moi , proclamait une autre pancarte..

Ils ont accusé le maire Armando Cabada d’avoir rompu sa promesse d’améliorer l’éclairage public à Ciudad Juarez, ce qui a contribué à l’augmentation des fémicides au cours des quatre dernières années.

Un homme avec un haut-parleur s’est exclamé: «Sa vie lui a été enlevée. Isabel Cabanillas était avec tous les groupes, avec tous les citoyens réunis; Elle l’ a exprimé dans  son art. Par conséquent, les militants, les pères et les mères qui ont une fille disparue ou assassinée sont totalement indignés.

Nous ne savons pas quoi faire pour arrêter cela, pour que les enquêteurs trouvent les criminels .

Cinquante éléments du SSP ont été envoyés pour  protéger l’intégrité des personnes rassemblées et, surtout, pour que la manifestation ne devienne pas incontrôlable , ont rapporté des policiers.

Les militants ont critiqué qu’au lieu de protéger les citoyens, principalement les femmes, les agents soient utilisés pour intimider les manifestants.

Dans le profil Facebook de l’organisation Filles de sa mère Maquilera, il est écrit:  Notre combat est pour vous, soeur, pour vous et pour les milliers de personnes que ce système féminicide assassine quotidiennement .

Lydia Graco, membre du groupe et administrateur du groupe, a déclaré  Je te pleure, Isa. Je te dois tellement, je te dois tout. Vous avez combattu le fémicide, le trafic, les disparitions. Vous avez toujours soutenu les causes. Vous nous avez demandé de vous informer sur la façon de soutenir, que faire. Vous nous avez étreints et nous avez embrassés. Tu étais si pure, tu étais si pleine de vie. Je ne t’ai pas protégée, nous ne t’avons pas protégée. Je ne cesserai jamais d’exiger la justice et de crier votre nom. J’ai perdu une fille. Je n’ai laissé que colère et souffrance. 

Dans la ville de Chihuahua, une femme non identifiée a été tuée alors qu’elle conduisait dans un véhicule à l’entrée du lotissement Senda Real. L’autorité a localisé plusieurs balles  de neuf millimètres.

https://jornada.com.mx/2020/01/20/estados/024n1est

 

R. Luxemburg : Grève de masse, parti et syndicat

Rosa Luxemburg

rosa luxembourg et clara zetkin.

le 15 janvier nous allons célébrer l’assassinat de Rosa Luxembourg, il est intéressant dans le contexte actuel de voir comment elle pose à la lumière de la Révolution russe la question de la grève. (note de Danielle Bleitrach)

Presque tous les écrits et les déclarations du socialisme international traitant de la question de la grève générale datent de l’époque antérieure à la révolution russe, où fut expérimenté pour la première fois dans l’histoire, sur une large échelle, ce moyen de lutte. Cela explique pourquoi ces écrits ont pour la plupart vieilli. Ils s’inspirent d’une conception identique à celle d’Engels, qui, en 1873, critiquant Bakounine et sa manie de fabriquer artificiellement la révolution en Espagne, écrivait :

« La grève générale est, dans le programme de Bakounine, le levier qui sert à déclencher la révolution sociale. Un beau matin tous les ouvriers de toutes les entreprises d’un pays ou même du monde entier abandonnent le travail, obligeant ainsi, en quatre semaines tout au plus, les classes possédantes soit à capituler, soit à attaquer les ouvriers, si bien que ceux-ci auraient le droit de se défendre, et par la même occasion d’abattre la vieille société tout entière. Cette suggestion est bien loin d’être une nouveauté : des socialistes français et à leur suite des socialistes belges, ont, depuis 1848, souvent enfourché ce cheval de bataille qui, à l’origine, est de race anglaise. Au cours du développement rapide et vigoureux du chartisme parmi les ouvriers anglais, à la suite de la crise de 1837, on prêchait dès 1839, le « saint mois », la suspension du travail à l’échelle de la nation [1], et cette idée avait trouvé un tel écho que les ouvriers du nord de l’Angleterre tentèrent en juillet 1842 de la mettre en pratique. Le Congrès des Alliancistes à Genève, le 1° septembre 1873, mit également à l’ordre du jour la grève générale. Simplement tout le monde admettait qu’il fallait pour la faire que la classe ouvrière soit entièrement organisée et qu’elle ait des fonds de réserve. C’est là précisément que le bât blesse. D’une part les gouvernements, surtout si on les encourage par l’abstention politique, ne laisseront jamais arriver à ce stade ni l’organisation ni la trésorerie des ouvriers; et d’autre part les événements politiques et les interventions des classes dominantes amèneront l’affranchissement des travailleurs bien avant que le prolétariat ne parvienne à se donner cette organisation idéale et ce fonds de réserve gigantesque. Par ailleurs, s’il les possédait, il n’aurait pas besoin du détour de la grève générale pour parvenir à son but [2]”.

C’est sur une telle argumentation que se fonda dans les années suivantes l’attitude de la social-démocratie internationale à l’égard de la grève de masse. Elle est dirigée contre la théorie anarchiste de la grève générale qui oppose la grève générale, facteur de déclenchement de la révolution sociale, à la lutte politique quotidienne de la classe ouvrière. Elle tient tout entière dans ce dilemme simple : ou bien le prolétariat dans son ensemble ne possède pas encore d’organisation ni de fonds considérables – et alors il ne peut réaliser la grève générale – ou bien il est déjà assez puissamment organisé – et alors il n’a pas besoin de la grève générale. Cette argumentation est, à vrai dire, si simple et si inattaquable à première vue, que pendant un quart de siècle elle a rendu d’immenses services au mouvement ouvrier moderne, soit pour combattre au nom de la logique les chimères anarchistes, soit pour aider à porter l’idée de la lutte politique dans les couches les plus profondes de la classe ouvrière. Les progrès immenses du mouvement ouvrier dans tous les pays modernes au cours des vingt-cinq dernières années vérifient de la manière la plus éclatante la tactique de la lutte politique préconisée par Marx et Engels, par opposition au bakouninisme : la social-démocratie allemande dans sa puissance actuelle, sa situation à l’avant-garde de tout mouvement ouvrier international est, pour une très grosse part, le produit direct de l’application conséquente et rigoureuse de cette tactique.

Aujourd’hui la révolution russe a soumis cette argumentation à une révision fondamentale; elle a, pour la première fois, dans l’histoire des luttes de classe, permis une réalisation grandiose de l’idée de la grève de masse et même – nous l’expliquerons plus en détail – de la grève générale, inaugurant ainsi une époque nouvelle dans l’évolution du mouvement ouvrier.

Il ne faut certes pas conclure que Marx et Engels ont soutenu à tort la tactique de la lutte politique ou que leur critique de l’anarchisme est fausse. Tout au contraire, ce sont les mêmes raisonnements, les mêmes méthodes dont s’inspire la tactique de Marx et d’Engels et qui fondent encore aujourd’hui la pratique de la social-démocratie allemande, et qui dans la révolution russe ont produit de nouveaux éléments et de nouvelles conditions de la lutte de classe.

La révolution russe, cette même révolution qui constitue la première expérience historique de la grève générale, non seulement ne réhabilite pas l’anarchisme, mais encore aboutit à une liquidation historique de l’anarchisme. On pourrait penser que le règne exclusif du parlementarisme sur une aussi longue période expliquait peut-être l’existence végétative à laquelle l’essor puissant de la social-démocratie allemande condamnait cette tendance. On pouvait certes supposer que le mouvement orienté tout entier vers « l’offensive » et « l’action directe » que la « tendance révolutionnaire » au sens le plus brutal de levée de fourches était simplement mis en sommeil par le train-train de la routine parlementaire, prêt à se réveiller dès le retour d’une période de lutte ouverte, dans une révolution de rue, et à déployer alors sa force interne.

La Russie surtout semblait particulièrement faite pour servir de champ d’expériences aux exploits de l’anarchisme. Un pays où le prolétariat n’avait absolument aucun droit politique et ne possédait qu’une organisation extrêmement faible, un mélange sans cohérence de populations aux intérêts très divers se traversant et s’entrecroisant; le faible niveau de culture où végétait la grande masse de la population, la brutalité la plus extrême employée par le régime régnant, tout cela devait concourir à donner à l’anarchisme une puissance soudaine même si elle devait être éphémère. En fin de compte, la Russie n’était-elle pas historiquement le berceau de l’anarchisme ? Pourtant la patrie de Bakounine devait devenir le tombeau de sa doctrine. Non seulement en Russie ce ne sont pas les anarchistes qui se sont trouvés ou se trouvent à la tête du mouvement de grèves de masse, non seulement la direction politique de l’action révolutionnaire ainsi que la grève de masse sont entièrement aux mains des organisations social-démocrates, dénoncées avec acharnement par les anarchistes comme « un parti bourgeois » – ou aux mains d’organisations plus ou moins influencées par la social-démocratie ou proches d’elle comme le parti terroriste des « Socialistes Révolutionnaires [3] », mais l’anarchisme est absolument inexistant dans la révolution russe comme tendance politique sérieuse. On note seulement à Bialystok, petite ville de Lituanie où la situation est particulièrement difficile, où les ouvriers ont les origines nationales les plus diverses, où la petite industrie est très éparpillée, où le niveau du prolétariat est très bas, parmi les six ou sept groupements révolutionnaires différents une poignée d’« anarchistes » ou soi-disant tels qui entretiennent de toutes leurs forces la confusion et le désarroi de la classe ouvrière. On peut aussi observer à Moscou et peut-être dans deux ou trois villes une poignée de gens de cette espèce. Mais à part ces quelques groupes « révolutionnaires », quel est le rôle propre joué par l’anarchisme dans la révolution russe ? Il est devenu l’enseigne de voleurs et de pillards vulgaires; c’est sous la raison sociale de « l’anarcho-communisme » qu’ont été commis une grande partie de ces innombrables vols et brigandages chez des particuliers qui, dans chaque période de dépression, de reflux momentané de la révolution, font rage. L’anarchisme dans la révolution russe n’est pas la théorie du prolétariat militant mais l’enseigne idéologique du Lumpenproletariat contre-révolutionnaire grondant comme une bande de requins dans le sillage du navire de guerre de la révolution. Et c’est ainsi sans doute que finit la carrière historique de l’anarchisme.

D’un autre côté la grève de masse a été pratiquée en Russie non pas dans la perspective d’un passage brusque à la révolution, comme un coup de théâtre qui permettrait de faire l’économie de la lutte politique de la classe ouvrière et en particulier du parlementarisme, mais comme le moyen de créer d’abord pour le prolétariat les conditions de la lutte politique quotidienne et en particulier du parlementarisme. En Russie la population laborieuse et, à la tête de celle-ci, le prolétariat mènent la lutte révolutionnaire en se servant des grèves de masse comme de l’arme la plus efficace en vue très précisément de conquérir ces mêmes droits et conditions politiques dont, les premiers, Marx et Engels ont démontré la nécessité et l’importance dans la lutte pour l’émancipation de la classe ouvrière, et dont ils se sont fait les champions au sein de l’Internationale, les opposant à l’anarchisme. Ainsi la dialectique de l’histoire, le fondement de roc sur lequel s’appuie toute la doctrine du socialisme marxiste, a eu ce résultat que l’anarchisme auquel l’idée de la grève de masse était indissolublement liée, est entré en contradiction avec la pratique de la grève de masse elle-même; en revanche la grève de masse, combattue naguère comme contraire à l’action politique du prolétariat, apparaît aujourd’hui comme l’arme la plus puissante de la lutte politique pour la conquête des droits politiques. S’il est vrai que la révolution russe oblige à réviser fondamentalement l’ancien point de vue marxiste à l’égard de la grève de masse, pourtant seuls le marxisme, ses méthodes et ses points de vue généraux remportent à cet égard la victoire sous une nouvelle forme. « La femme aimée du Maure ne peut mourir que de la main du Maure [4] ».


Notes

[1] Voir Engels, La situation des classes laborieuses en Angleterre.

[2] Frédéric Engels : Die Bakunisten an der Arbeit, dans le recueil d’articles intitulé : internationales aus dem Volksstaat, page 20.

[3] Le parti social-révolutionnaire, créé en 1900 par Tchernov. Héritier du socialisme traditionnel russe, il préconisait la collectivisation du sol dans le cadre du moi. Il employait volontiers des méthodes terroristes (assassinat de trois ministres de l’Intérieur et du grand-duc Serge en 1905).

[4] Allusion à l’Othello de Shakespeare.


Archives R. LuxemburgArchives Internet des marxistes

 

Tristesse et douleur dans la culture colombienne ce Noël

Tristesse et douleur dans la culture colombienne ce Noël, car l’outil paramilitaire de l’état colombien, fonctionnel aux intérêts de la bourgeoisie pour garder le peuple soumis par l’extermination des dirigeants sociaux, a tué une autre leader social et culturelle :  Lucy Villareal, assassinée après avoir coordonné l’exposition « Femmes, sud et vie ».

La lâche action d’un bandit criminel destinée à faire taire toute personne qui construit un  tissu social, imbriquant culture et Résistance populaire, toute personne qui remet en question le pillage capitaliste de la Colombie, cette fois-ci a pris la vie de Lucy Villareal, qui faisait partie du groupe culturel indoamericanto en pasto, et elle était mère de deux filles mineures. La leader social et culturelle a été assassinée à llorente  » après avoir fondé un atelier pour les enfants et la coordination de l’exposition  » Femmes, sud et vie  » qui met en valeur les leaders et les défenseurs de dd. Oh mon Dieu. Ce 23 décembre « .  » une profonde tristesse saisit la danse. Hasta siempre Lucy « , crient les artistes de la région.

Suivez, effrayant, l’extermination que perpètrent avec leurs armes les militaires et paramilitaires de l’état colombien pour réprimer l’organisation sociale et faciliter le pillage capitaliste de la Colombie.

Les paramilitaires sont un outil d’extermination uni à l’ armée : leur travail d’extermination s’exerce contre toute organisation, contre toute personne qui s’oppose au pillage que réalisent  des multinationales et latifundio, qui dévastent des régions entières, empoisonnent des rivières et déplacent des communautés. L’outil paramilitaire agit, alors disparaît ou est tuée toute personne qui construit du tissu social et  de la résistance face à la destruction de l’environnement, de la culture et de la vie des peuples de Colombie. C’est ainsi que progresse l’accumulation capitaliste d’une poignée de milliardaires, l’accumulation capitaliste des multinationales et de la bourgeoisie : détruire totalement des villages. La classe exploitante s’enrichit sur la base de l’exploitation des travailleurs et du pillage de la nature, sur base d’écocide et de génocide. L’outil paramilitaire et militaire sert le gigantesque pillage de Colombie : C’est pour ça qu’ils nous tuent.

Appeler les choses par son nom : en Colombie ce qu’il y a c’est un état génocidaire, c’est la dictature du capital, pas de « État de droit » ni les fables avec lesquelles ils prétendent nous endormir pendant qu’ils nous exterminent.

Pour Lucy et pour tant et tant d’êtres humains dont ils nous amputent pour freiner l’émancipation de tout un peuple, pour nous taire, pour nous soumettre au royaume du pillage absolu… ne nous  taisons pas.

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On remercie la diffusion pour rompre le silence sur le génocide que souffre le peuple colombien aux mains d’un état agenouillé au capitalisme transnational, qui perpétra l’extermination pour faciliter le pillage.
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L’image contient peut-être : une personne ou plus, gros plan et texte
 

Affaire Sarah Halimi : Le sens d’une décision judiciaire – Par Régis de Castelnau

Source : Vu du droit, Régis de Castelnau, 20-12-2019


L’émotion provoquée par la décision de la chambre d’instruction de la cour de Paris dans l’affaire Sarah Halimi est parfaitement justifiée, et je la ressens aussi. Comment ne pas être bouleversé par cette tragédie insupportable qui concentre tant de maux de l’époque. Voilà une personne qui après une vie de rectitude et de dévouement aux autres a été massacrée dans des conditions abominables et qu’on le veuille ou non, au nom d’une religion qui aggrave jusqu’au meurtre, la folie d’esprits déjà dérangés. Sarah Halimi fut médecin puis directrice de crèche, elle a été battue, torturée puis défenestrée par quelqu’un qu’il n’est pas possible de qualifier autrement que d’épave humaine. Bon à rien, Kobili Traoré n’a jamais travaillé, dispose d’un casier judiciaire garni de vingt condamnations, et consomme jusqu’à 30 joints de cannabis par jour ! Il a tué Sarah Halimi évidemment parce qu’elle était juive et il l’a fait en récitant des sourates du Coran et en invoquant son Dieu. Il s’agit là incontestablement d’un crime islamiste et antisémite.

La chambre d’instruction de la Cour de Paris vient de rendre une décision par laquelle Kobili Traoré a été déclaré pénalement irresponsable et ne pourra donc pas faire l’objet d’un procès en Cour d’assises. Décision extrêmement douloureuse évidemment pour ses proches, mais aussi pour tous ceux que l’islamisme et l’antisémitisme musulman révulsent. Et l’on assiste depuis à un déferlement de commentaires indignés et rageurs contre une décision qui apparaît incompréhensible.

Malheureusement, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler notamment sur cette affaire, une fois de plus on attend de la justice ce qui ne relève pas de sa mission et on fait dire à la décision judiciaire ce qu’elle ne dit pas. D’abord la montée de l’islam politique et ses conséquences criminelles, et le développement d’un antisémitisme spécifiquement musulman sont des questions directement politiques qui doivent être traitées dans le cadre politique. Ensuite l’état de démence au moment de la réalisation du crime aboutit à l’irresponsabilité pénale de l’auteur qui par conséquent ne peut pas être jugé. L’application de ce principe qui existe depuis la Rome antique n’est pas une quelconque absolution, mais repose sur le fait qu’il n’est pas possible dans ces conditions de conduire une procédure équitable pour prononcer une décision de justice légitime. En revanche la question du traitement de l’aliéné et de sa dangerosité incombe à l’État qui doit l’empêcher de nuire par l’internement et les traitements.

Alors, on fait quand même à la justice un procès d’intention, celui d’avoir voulu exonérer l’accusé de l’accusation d’avoir commis un crime islamiste et antisémite. Ce qui est d’ailleurs tellement compréhensible dans une affaire à ce point insupportable et par conséquent passionnelle. De façon schématique et caricaturale je vais en présenter un résumé en reprenant un tweet qui m’est tombé sous les yeux : « connaissez-vous la jurisprudence Kobili Traoré ? C’est celle qui vous permet de tuer une personne âgée sans risquer un procès, à trois conditions :

•            que vous ayez consommé du cannabis

•            que vous soyez musulman

•            que la victime soit juive »

Eh bien non ! À mon sens il n’y a pas et il n’y aura pas de jurisprudence « Sarah Halimi » ou « Kobili Traoré » . Et en aucun cas l’arrêt de la chambre d’instruction n’a dit que la consommation de cannabis était une circonstance atténuante. Cette présentation est fausse, et ceux qui le sachant, continuent à le prétendre sont de mauvaise foi. La difficulté de ce dossier réside dans le fait que « l’abolition du discernement » au moment de la commission du crime a été provoquée par une énorme surconsommation de cannabis sur un sujet psychiquement vulnérable.

Sur le plan juridique revenons une fois de plus sur la façon dont se pose le problème. C’est l’article 122–1 du Code pénal, succédant au célébrissime article 64 promulgué en 1810, qui traite de la question et des conditions dans lesquelles un accusé peut être déclaré irresponsable. Parlant d’abolition du discernement l’alinéa premier de cet article nous dit « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Le deuxième alinéa quant à lui traite de l’atténuation de la responsabilité et par conséquent de la peine en cas d’altération du discernement. C’est le choix de l’altération qu’a fait en conscience le premier expert choisi par le juge d’instruction, le Docteur Zagury. En application du premier alinéa de l’article 81 du Code de procédure pénale, le juge d’instruction a ordonné une nouvelle expertise réalisée cette fois-ci par un collège de trois experts, qui ont tranché en faveur de « l’abolition du discernement ». Face à ces avis divergents, une troisième expertise a été ordonnée et confiée à un collège de trois autres experts qui ont eux aussi choisi cette même « abolition du discernement ». Nous avons donc eu l’avis de six experts psychiatres assermentés, contre celui du seul Docteur Zagury.

Le profane que je suis ne peut pas dire si Kobili Traoré avait son discernement aboli ou seulement altéré au moment où il accomplissait son immonde forfait. Et personnellement j’aurais préféré qu’il soit jugé. Les magistrats quant à eux doivent se faire une opinion à partir des conclusions des experts psychiatres choisis pour leur compétence. Ils l’ont fait en conscience, et il serait particulièrement malsain de prétendre que c’était pour absoudre un musulman ayant tué une juive. Il se trouve qu’un des six experts qui a conclu à l’abolition est un ami proche de confession juive, et proférer à son égard cette accusation serait à la fois infect et rocambolesque.

Alors on va dire, répéter encore et encore que la Justice n’était saisie que d’une seule question à l’occasion de cette décision rendue le 19 décembre : au regard de la loi française Kobili Traore avait-il discernement aboli au sens de l’article 122–1 du Code pénal au moment où il a commis son ignoble forfait ?  Alors, on peut évidemment comprendre et partager cette frustration, cette colère, ce sentiment d’impuissance face au caractère mortifère de cette montée de l’antisémitisme musulman et de l’islamisme criminel. Mais dans ce cas, ce n’est pas à la justice d’en traiter la globalité de ce problème, c’est une question politique qui doit être traitée politiquement. S’il faut fermer les mosquées intégristes comme celle que fréquentait Traoré, s’il faut expulser les imams qui professent une vision mortifère de leur religion, s’il faut cesser de tolérer les dérives de délinquants d’habitude qui affichent des casiers judiciaires longs comme des jours sans pain, s’il faut amender, modifier, voire supprimer l’article 122–1 du Code pénal, alors il faut s’adresser à ceux dont c’est la responsabilité. C’est-à-dire les responsables de l’État, qui sont aussi ceux qui devront veiller à ce que Traoré dont la dangerosité est incontestable, ne soit pas remis en circulation.

Et non pas insulter une justice qui cette fois-ci a fait son devoir en conscience.

Source : Vu du droit, Régis de Castelnau, 20-12-2019

 
 

Gérard Noiriel : «La grève de Noël fait partie des traditions de luttes lorsque l’urgence l’impose»

C’est effectivement la France entière qui se mobilise en faveur des grévistes, le soutien est moral et la propagande du pouvoir ne mord pas, mais il faut entrer dans une phase de soutien actif et songer à verser aux caisses de solidarité.
Par chèque :
à l’ordre de « Solidarité CGT Mobilisation » adressé à :
 
« Confédération Générale du Travail Service Comptabilité »
263 rue de Paris
93100 Montreui
Par Simon Blin — 
Les mineurs de Trieux, en 1963.
Les mineurs de Trieux, en 1963. G. Bloncourt. Rue des Archives

L’historien donne son regard sur la mobilisation et explique ce qu’a changé le salariat dans le déroulé des mouvements sociaux.

Pour l’auteur d’une Histoire populaire de la France (Agone), l’inscription de la grève dans le temps implique de nouvelles solidarités.

Quel regard portez-vous sur la mobilisation en cours ?

Dans toutes les grandes luttes sociales, on voit surgir un conflit symbolique entre des porte-parole qui s’opposent chacun au nom du peuple. Lorsque la cause défendue par les gens qui sont dans la lutte paraît légitime aux yeux de l’opinion, comme c’était le cas avec les gilets jaunes et comme c’est encore le cas dans le mouvement actuel contre le projet gouvernemental sur les retraites, les dominants doivent faire flèche de tout bois pour discréditer ceux qui sont dans la lutte. Les gilets jaunes étaient dénoncés comme des casseurs, des antisémites, des racistes. Aujourd’hui, les salariés en grève sont présentés comme des privilégiés qui rendent la vie impossible au peuple travailleur, allant jusqu’à le menacer de gâcher son Noël. Les partisans de ce projet de loi, comme leurs adversaires, affirment défendre les intérêts du peuple français ; les uns et les autres disent qu’ils combattent les privilèges et qu’ils luttent pour l’égalité. Fait nouveau, la cause des femmes fait partie aujourd’hui de cette panoplie d’arguments légitimes. Mais, bien évidemment, les définitions que chaque camp donne de ces causes communes sont radicalement opposées. C’est la diversité des soutiens dont pourront bénéficier les grévistes qui leur permettra de populariser leur conception de l’égalité et de la justice dans l’opinion publique. Prenons l’exemple des femmes. Alors que le gouvernement affirme qu’elles seront les «grandes gagnantes» de la réforme, les grévistes assurent le contraire. Dans cette configuration, la mobilisation féministe contre ce projet de loi peut jouer un rôle majeur dans l’élargissement de la contestation.

La prolongation du mouvement social serait-elle inédite ?

A la fin du XIXe siècle, les grèves pouvaient durer jusqu’à un an grâce à l’autonomie dont disposaient encore les ouvriers. Dans la grande industrie, beaucoup d’entre eux étaient encore proches de la terre. Souvent, ils profitaient de la grève pour aller donner un coup de main aux paysans. En retour, la communauté villageoise était solidaire. C’est la grande époque des «soupes communistes», une forme de solidarité qui était efficace quand les ouvriers n’étaient pas totalement pris dans les filets du salariat. L’un des grands problèmes que rencontrent aujourd’hui les syndicats tient au fait que les salariés ne peuvent pas se permettre des grèves très longues car la plupart d’entre eux sont enchaînés au crédit. Pour éviter le retour d’une grève aussi longue et aussi massive que celle de Mai 68, la classe dominante a multiplié les initiatives favorisant l’accès au crédit et à la propriété. Mais la dialectique de la lutte des classes fait que de nouvelles formes de domination engendrent de nouvelles formes de résistance. L’un des côtés positifs d’Internet et des réseaux sociaux, c’est que ces nouveaux moyens de communication ont permis le développement des caisses de grève, qu’on pourrait appeler des «soupes communistes à distance», pour montrer la continuité de ces formes historiques de solidarité.

A l’approche des fêtes de Noël, l’idée de suspendre ou non la mobilisation, comme lui enjoint l’exécutif, hante les assemblées de grévistes…

Le mouvement ouvrier ne s’est jamais engagé de gaieté de cœur dans la grève au moment de Noël, une fête de famille particulièrement prisée dans les classes populaires. Néanmoins, la grève de Noël fait aussi partie des traditions de luttes lorsque l’urgence du combat de classe l’impose. L’un des exemples les plus fameux est celui des mineurs de fer de Trieux (Meurthe-et-Moselle). Le 14 octobre 1963, ils apprennent que leur patron a envisagé de licencier la moitié de l’effectif. Ils décident alors d’occuper le fond de la mine pour s’opposer à ce projet. Ils y resteront pendant soixante-dix-neuf jours, jusqu’au 31 décembre. Ce mouvement va marquer les esprits et susciter un vaste élan de solidarité. Les grévistes occuperont leurs «vacances» de Noël à créer collectivement le Chant de la corporation, que la chorale des ouvriers de Trieux enregistrera sous forme de disque microsillon pour ancrer leur lutte collective dans les mémoires.

Macron espère calmer la mobilisation en «améliorant» le projet. C’est une nouvelle épreuve sociale d’ampleur pour l’exécutif…

Je suis stupéfait par la volte-face du président Macron. Lors de sa campagne présidentielle, il a tout fait pour se présenter comme le futur président-philosophe, un grand libéral (au sens humaniste du terme) proche des intellectuels et des milieux culturels. Mais aujourd’hui, le disciple de Ricœur est devenu le Thatcher français. Il y a d’abord eu un changement de cap radical sur l’immigration. Et aujourd’hui, le discours universaliste qui légitimait son projet sur les retraites à points est battu en brèche au profit des policiers qui pourront conserver leur régime spécial. A l’inverse, les enseignants, ceux dont on aurait pu penser qu’ils lui étaient les plus proches, sont les grands perdants de la réforme. La trace qu’il risque de laisser dans notre histoire, c’est d’avoir imposé un régime qui privilégie les forces répressives au détriment des forces du savoir et de la culture.

 

DÉCOUVRIR DORA MAAR

Numéro d’automne 2019

Le livre de Brigitte Benkemoun  Je suis le carnet de Dora Maar  adopte une nouvelle approche de l’art de la biographie. Pour le  Quarterly , Benkemoun raconte sa découverte d’un mystérieux carnet d’adresses Hermès, la découverte ultérieure de sa géniale ancienne propriétaire, et sa quête pour en savoir plus sur la vie, les amis et l’art de Dora Maar.Terrible portrait d’une femme devenue folle de souffrance et de solitude mais qui croyait en son génie.Celle qui paraît être l’initiatrice  au communisme, termine comme Céline en encore plus détruite par sa haine, mais cette paranoïa antisémite ne résume pas le personnage qui est d’abord une artiste. Tout au long de ce récit passionnant je n’ai cessé d’avoir devant les yeux le portrait d’elle par Picasso avec cette larme. ‘ danielle Bleitrach)

Dora Maar, Double portrait avec chapeau, v. 1936-1937, épreuve à la gélatine argentique, avec montage à la main sur négatif, 11 ¾ × 9 ⅜ pouces (29,8 × 23,8 cm), Cleveland Museum of Art, Don de David Raymond © Dora Maar / Artists Rights Society (ARS), New York / ADAGP, Paris. Image: avec la permission du Cleveland Museum of Art

Dora Maar, Double portrait avec chapeau , v. 1936-1937, épreuve à la gélatine argentique, avec montage à la main sur négatif, 11 ¾ × 9 ⅜ pouces (29,8 × 23,8 cm), Cleveland Museum of Art, Don de David Raymond © Dora Maar / Artists Rights Society (ARS), New York / ADAGP, Paris. Image: avec la permission du Cleveland Museum of Art

Brigitte Benkemoun

Brigitte Benkemoun est une écrivaine et journaliste française qui vit entre Paris et Arles. Journaliste qui a longtemps été directrice d’émissions de télévision politique, elle se consacre désormais à l’écriture, d’autant plus qu’elle a acheté par hasard sur eBay un carnet d’adresses incroyable. Je suis le carnet de Dora Maar est son troisième livre.

Avant l’objet retrouvé, il y a eu l’objet perdu: un petit agenda Hermès que mon mari avait depuis des années. Un miracle qu’il l’ait gardé si longtemps; il passe son temps à perdre des choses.  la réponse polie mais définitive du vendeur lorsqu’il a voulu acheter à nouveau le même agenda avait laissé peu d’espoir : « Ils ne fabriquent plus ce cuir. » Un autre homme aurait été satisfait d’un cuir différent – crocodile pleine fleur, strié, crocodile . . . mais mon mari n’abandonne jamais: il a trouvé son bonheur sur eBay sous  le titre «maroquinerie vintage».

Il est arrivé par la poste, bien emballé dans du papier bulle. Même taille, même cuir, un peu plus rouge, un peu plus vieux. Bien sûr, je l’ai ouvert; un petit carnet d’adresses était encore glissé dans une poche intérieure. Je l’ai feuilleté distraitement avant de remarquer un nom: Cocteau. Puis en dessous, Chagall. . . Puis Éluard, Giacometti, Ponge, Poulenc, de Staël. Un retour frénétique à la première page: Aragon, Breton, Brassaï, Braque, Balthus. Vingt petites pages répertorient les plus grands artistes européens de l’après-guerre par ordre alphabétique. Tout à la fin, un calendrier m’a donné une date: 1951.

Évidemment, je voulais savoir: qui avait écrit ces noms  à l’encre brune? Qui aurait pu être l’ami de tous ces génies? Un génie lui-même, sûrement. J’ai perdu plusieurs semaines à essayer de trouver le vendeur. Après une dizaine d’e-mails de va-et-vient avec un commissaire-priseur du sud-ouest de la France, j’ai réalisé que je devais trouver la réponse seule, en soumettant le livre à une sorte d’interrogatoire.

Comme un enquêteur face à un témoin clé, j’ai commencé par des observations attentives du livre, puis j’ai compilé les informations qu’il était prêt à me donner avec un ancien annuaire téléphonique que j’ai trouvé dans une brocante. Le livre m’a parlé de peintres, poètes, galeristes, mécènes et psychanalyste. J’ai trouvé un coiffeur, un salon de beauté, un fourreur, un vendeur de toile. Les choses commençaient à se focaliser: je soupçonnais une femme, une peintre, selon l’analyse lacanienne, et ayant des liens étroits avec les plus célèbres des surréalistes.

C’est pourtant un illustre inconnu, Achille de Ménerbes, qui a fini par trahir le propriétaire du livre. J’ai passé un temps fou à faire des recherches en ligne, mais tout ce dont j’avais vraiment besoin, c’était d’une loupe: elle n’avait pas écrit «Achille de», mais « Architecte » – « Architecte de Ménerbes » (architecte Ménerbes). Elle avait donc une maison dans ce petit village du sud de la France et elle avait besoin d’un architecte pour superviser la construction. La page Wikipédia sur Ménerbes note que seulement deux peintres y ont vécu. Le propriétaire du carnet d’adresses n’était pas Nicolas de Staël, car il y figurait. C’était donc Dora Maar! Tout se rassemblaitt, tout avait un sens, même l’absence de son amant Pablo Picasso, qui l’avait quittée en 1945. Le carnet d’adresses que j’avais acheté par accident était celui de Maar.

À l’époque, je ne connaissais que les bases de l’histoire de Maar: les portraits de «femme qui pleure» de Picasso, bien sûr, et les photographies qu’elle a prises de l’artiste, sur la plage ou en peignant Guernica. Bénissez Google! J’en ai appris plus sur elle en vingt minutes que sur vingt ans: «Dora Maar, la grande photographe et peintre française, partenaire de Picasso.» «Une figure influente du XXe siècle.» «Ami d’André Breton et des surréalistes». «L’amant et la muse de Pablo Picasso, un rôle qui a éclipsé son travail dans son ensemble.» «Picasso l’a quittée en 1945 pour la jeune Françoise Gilot.» Et ainsi de suite. Morceaux de vie, éclats de souffrance: institutionnalisation, traitements par électrochocs, folie, psychanalyse, Dieu, isolement. J’ai également lu le récit du galeriste parisien Marcel Fleiss sur ses relations avec Maar, écrit il y a quelques années – c’est Fleiss qui avait organisé la dernière exposition de son vivant, en 1990. Il a répondu immédiatement au courriel que j’ai envoyé à sa galerie : «Venez me voir à la FIAC», le salon d’art annuel de Paris.

Il a fallu moins de cinq minutes à Fleiss pour authentifier l’écriture de Maar. Il m’a également tout de suite transmis ses souvenirs d’elle, une vieille femme lorsqu’il l’a rencontrée, recluse dans un appartement parisien négligé, acariâtre et méfiante. Il n’oublierait jamais la copie de Mein Kampf dans sa bibliothèque, et ce terrible moment où, avant d’accepter de lui vendre des photographies, elle lui a demandé de jurer qu’il n’était pas juif. 1 Mais qui pouvait résister à l’appel de ces noms: Breton, Louis Aragon, Jean Cocteau, Jacques Lacan, et surtout le fantôme de Picasso. Et donc je me suis retrouvée entraînée dans ce bataillon de femmes qui, depuis des années, s’intéressent passionnément à Maar: biographes, écrivaines, historiennes de l’art, galeristes, etc.

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Carnet d’adresses de Dora Maar. Photo: Roxane Lagache

Mon chemin serait différent: outre le fait que je ne l’avais pas choisie, j’avais le carnet d’adresses miraculeux comme guide. Je poserais les mêmes questions de chaque nom: que fait cette personne dans ce livre? Que faisait cette personne dans sa vie? J’ai hésité avant de décider par où commencer, oscillant entre le hasard et l’ordre alphabétique, et j’ai finalement opté pour un ordre chronologique vague: «Lamba, 7 Square du Rhône». Jacqueline Lamba est partout décrite comme la plus vieille amie de Maar. Ils se sont rencontrés en tant qu’étudiants jeunes et ambitieux à l’Union centrale des arts décoratifs, très attachés aux causes de gauche. Leur charme était incroyablement efficace: l’un épousa Breton, le chef des surréalistes; l’autre est devenu le partenaire du plus grand peintre du siècle. Mais alors que Maar, après que Picasso l’a quittée, s’est consacrée à Dieu et est devenue conservatrice,

Je réfléchissais aux étonnantes trajectoires de ces deux femmes du XXe siècle quand un mail de Fleiss mit brutalement fin à mes pérégrinations: «J’ai dîné avec Aube, la fille de Jacqueline Breton. Sa mère n’a jamais vécu à l’adresse indiquée dans le livre. »Encore une fois, bénissez Google! C’était la sœur de Jacqueline, un professeur de piano obscur appelé Huguette, qui avait vécu là-bas. Heureusement, avant sa mort, Huguette Lamba a parlé à une historienne de l’art, que j’ai pu retrouver, du lien entre elle et Dora. En septembre 1940, après la capitulation de la France en Allemagne et l’occupation de la moitié du pays, les Bretons, s’étant réfugiés dans le Sud, obtiennent enfin un visa pour les États-Unis. Du bateau qui leur a permis de fuir la France, Jacqueline a écrit une dernière lettre à Maar, implorant son amie de s’occuper d’Huguette, qui était enceinte et seule dans Paris occupé par les nazis. Maar venait d’apprendre qu’elle était infertile, ce que Picasso lui reprochait sans relâche. Grâce à Huguette, elle connaîtrait désormais une sorte de grossesse par procuration, et lorsque l’enfant est né, elle a naturellement demandé à être sa marraine. Malheureusement, la petite fille n’a vécu que cinq mois, et c’est à ce moment que Maar s’est intéressé à la religion, d’abord au bouddhisme, puis au catholicisme. Pour étoffer l’histoire, j’ai demandé le nom de l’enfant d’Huguette. Ma confidente a hésité, puis a chuchoté «Brigitte». J’ai confirmé avec les archives publiques: la fille avait bien le même nom que moi. Je suis trop rationnel pour voir cela comme autre chose qu’une coïncidence, mais c’était troublant. Oserais-je dire à mon confident que la lettre de Jacqueline a été postée de Ghazaouet (alors appelée Nemours), Algérie? Ghazaouet est une petite ville de pêcheurs à la frontière marocaine, personne ne le sait, mais j’y ai vécu pendant les trois premières années de ma vie.

D’autres coïncidences surréalistes rythmeraient et faciliteraient mon enquête. Une amie, par exemple, s’est souvenue qu’elle connaissait une historienne de l’art travaillant avec un important biographe de Picasso à New York: «Je peux vous mettre en contact si vous le souhaitez.» Et c’est ainsi que, grâce à Delphine Huisinga, j’ai rencontré John Richardson . Je le vois encore, planant sur le petit carnet d’adresses, le portant à ses yeux fatigués et y trouvant des amis: Marie-Laure de Noailles, Balthus, Óscar Domínguez, et surtout Douglas Cooper, le grand collectionneur et expert en cubisme qui était autrefois son partenaire. Richardson est mort avant que je puisse retourner à New York pour le revoir, mais l’une des dernières choses qu’il m’a dites n’a cessé de me hanter: «Vous ne comprendrez jamais Dora Maar si vous ne vous souvenez pas qu’elle était masochiste . « Je n’ai rien trouvé à ce sujet dans les archives de Lacan,

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Man Ray, Ady Fidelin, Mary Cuttoli, Man Ray, Paul Cuttoli, Pablo Picasso et Dora Maar au domicile de Cuttolis, Antibes, 1937 © Man Ray Trust / Artists Rights Society (ARS), New York / ADAGP, Paris, 2019

En suivant le livre mot pour mot, j’ai également rencontré une vingtaine d’héritiers de divers artistes: à Ménerbes, le fils de Nicolas de Staël; dans la campagne anglaise, le fils de Roland Penrose et Lee Miller; à Paris, la fille de Breton, la fille du poète Francis Ponge, la nièce du peintre André Marchand; et d’autres. J’ai consulté des historiens, des directeurs de musées, des marchands d’art, des experts et des passionnés. Mais je n’ai jamais imaginé que je parlerais directement à l’un des amis de Maar nommé dans le livre; après soixante-huit ans, j’en étais sûr, ils seraient tous décédés. Quand je suis venu voir le cinéaste belge Étienne Périer, j’ai constaté qu’aucune date de décès ne lui était apparue, où que ce soit en ligne. Et pour cause: à quatre-vingt-sept ans, il était bel et bien vivant dans le sud de la France, et il a même répondu au téléphone. Périer se souvient bien de Maar, l’avoir rencontrée à Saint-Tropez en 1950 par l’intermédiaire d’un ami sculpteur. Il n’avait pas encore vingt ans, alors qu’elle avait la quarantaine; il a eu l’impression de quelqu’un de charismatique, sombre, capricieux et égocentrique. Personne n’était autorisé à poser des questions sur Picasso, mais elle parlait parfois de lui: sans vraiment parler de lui, elle avait réussi à se plaindre de lui, insinuant que le génie la laissait vivre dans la misère.

Quelques noms sont restés un mystère pour moi: Katell, Camille, Madeleine, probablement griffonnés pour être lus uniquement par l’écrivain. J’ai également renoncé à des relations qui semblaient trop éloignées: Aragon, Ponge, le compositeur Francis Poulenc, par exemple. D’autres personnages plus inattendus ont émergé: un graphologue, le poète André du Bouchet, le peintre Marchand. Aujourd’hui, Marchand est oublié, mais dans les années 40, il était souvent considéré comme l’un des héritiers les plus brillants de Picasso – et pendant cinquante ans, il a vécu à Arles, cette petite ville provençale où j’ai moi-même grandi. Il était facile de retrouver quelques-uns des vieux amis de Marchand. Ils m’ont dit qu’un jour après une corrida, il s’était presque bagarré avec Picasso, au sujet d’une femme – Marchand a prétendu que Picasso lui avait volé Gilot. Cette version de l’histoire ne correspond pas tout à fait à la version officielle,Magazine Life  , de 1947.

Quelques jours avant de remettre mon texte, j’ai finalement reçu la permission de consulter les archives privées de Maar – huit boîtes de livres, courrier, photographies, et plus, stockées dans le sous-sol d’un généalogiste. Les lettres de Picasso ne peuvent pas être consultées, mais toutes les autres le peuvent, y compris les notables d’un moine bénédictin qui, après Lacan, est devenu son conseiller spirituel et l’a poussée vers une forme de christianisme pratiquement fondamentaliste. Dans une de ces boîtes, je l’ai également trouvée Mein Kampf, avec une carte postale d’Hitler devant la Tour Eiffel cachée comme un signet. Mais après deux ans de recherche, j’ai fini par décider de ne pas réduire le grand artiste Maar aux obsessions d’une femme folle d’années d’isolement, de souffrance et d’amertume. Elle était sûre que son talent de photographe et de peintre serait reconnu à titre posthume. Ce jour est peut-être venu.

1Pour plus d’informations à ce sujet, voir Marcel Fleiss, «De  Guernica  à  Mein Kampf », La règle du jeu , 22 février 2013, https://laregledujeu.org/2013/02/22/12471/dora-maar-de- guernica-a-mein-kampf / .

 

Inde: une jeune femme victime de viol brûlée vive sur le chemin du tribunal

Un jour je vous parlerai longuement non seulement de l’horreur de ce qui se passe en Inde mais surtout du combat des femmes indiennes, avec à leur tête les militantes communistes (Note et traduction de Danielle Bleitrach)

mediaL’attaque contre la femme victime de viol et brûlé vive intervient alors que de nombreuses manifestations ont lieu depuis le viol et le meurtre d’une jeune vétérinaire à Hyderabad.AFP Photos/SAM PANTHAKY

Plusieurs hommes ont tenté de brûler vive une jeune femme de 23 ans dans le district d’Unnao, en Uttar Pradesh. Victime d’un viol, elle se rendait au tribunal.

Avec notre correspondante en Inde, Carole Dieterich

Après avoir été violée, cette Indienne de 23 ans espérait sans doute obtenir justice. Mais au petit matin sur le chemin du tribunal, alors qu’elle marche aux abords de son village de l’Uttar Pradesh, cinq hommes l’aspergent d’essence pour la brûler vive.

La jeune femme devra ensuite parcourir près d’un kilomètre criant à l’aide, avant qu’un homme ne l’aperçoive et appelle les secours. Elle se trouve actuellement dans un état critique. Parmi ses agresseurs, elle parvient à reconnaître les deux hommes qu’elle accuse de l’avoir violée.

Les quatre suspects abattus

Au mois de mars 2019, elle avait eu le courage de porter plainte contre eux. Pour la police, les accusés ont donc cherché à se venger en mettant le feu à cette jeune femme. L’un d’eux venait tout juste d’être libéré sous caution.

►À lire aussi : En Inde, des paysannes privées d’utérus pour être plus productives

Cette terrible agression intervient alors que le pays est encore sous le choc après le meurtre et le viol, la semaine dernière, d’une vétérinaire de 27 ans, à Hyderabad dans le sud du pays. Dans la nuit de jeudi à vendredi, on a appris que les quatre suspects avaient été abattus par la police en tentant de s’enfuir lors de la reconstitution du crime.

De nombreuses manifestations avaient été organisées à travers tout le pays réclamant plus de justice et plus de sécurité pour les femmes. Selon les statistiques officielles, plus de 33 000 viols ont été recensés dans le pays en 2017. Des chiffres bien en deçà de la réalité.

 
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Publié par le décembre 10, 2019 dans Asie, femmes, POLITIQUE

 

En Turquie Erdogan ne s’y est pas trompé, cet hymne est une insulte au président et l’infraction publique est contre la nation turque, l’Etat, le Parlement, le gouvernement et les organes judiciaires ».

 

Bolivie : Pourquoi certains intellectuels indigénistes et certaines féministes ont-ils nié le coup d’État? Par Ollantay Itzamná

Ce texte d’un journaliste de Télésur est fondamental et pas seulement pour l’Amérique latine, nous avons en France les mêmes intellectuels, les mêmes « féministes » y compris à l’intérieur du PCF. Il faut absolument lire la manière dont ces « intellectuels » boliviens ont appuyé le coup d’Etat, fait de Morales un fraudeur et un « violeur » pour mieux soutenir l’impérialisme et le massacre de femmes indiennes, tout cela par vanité, par faux progressisme et vrai adhésion à la CIA… A LIRE ABSOLUMENT  (note et traduction de Danielle Bleitrach).
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Résumé latino-américain, 6 décembre 2019

Qu’est-ce qui a poussé ces peuples autochtones et ces féministes à nier ce que le monde considère désormais comme un coup d’État? Ne connaissaient-ils pas le concept de base de ce qu’est un coup d’État? Pourquoi ont-ils assumé le discours de fraude électorale, erreur que même l’OEA elle-même n’est pas en mesure de démontrer techniquement?

Une partie de la stratégie du coup d’État en Bolivie [1] consistait à montrer au pays et au monde que la démission forcée d’Evo Morales était un acte démocratique de «succession constitutionnelle». Pour cela, il avait été préalablement convenu avec les médias d’information du capital, les médias étatiques et / ou communautaires ont été fermés, puis rouverts après avoir été occupés. Il fallait expulser les médias étrangers … Et enfermer dans la « cage des médias » les  Boliviens.

Mais, grâce à la solidarité et à la communication internationale, il a été possible de rendre compte de ce qui s’est passé en Bolivie et de le définir comme un coup d’État. Même Bernie Sanders, ancien candidat à la présidentielle américaine, a conclut qu’il y a eu un coup d’État en Bolivie [2].

Étonnamment, dans cet épisode où il s’agissait de rendre compte  sur ce qui s’est passé en Bolivie, des intellectuels indigènes et féministes tels que Silvia Rivera [3], Raquel Gutiérrez [4], Eduardo Gudynas [5], Raúl Zibechi [6], Rita Segato [7]… ou des militants comme Pablo Solón [8], et d’autres, ont convenu que « Evo Morales est tombé à cause de ses propres erreurs. » «Que ce qui s’était passé était une fraude électorale. Pas un coup d’État. ”

Qu’est-ce qui a poussé ces indigénistes et ces féministes à nier ce que le monde considère désormais comme un coup d’État? Ne connaissaient-ils pas le concept de base de ce qu’est un coup d’État? Pourquoi ont-ils assumé le discours de fraude électorale, une faute que même l’OEA elle-même n’est pas en mesure de démontrer techniquement?

Comment expliquez-vous votre «flatterie» aux peuples autochtones soumis, et pourquoi est-ce que vous repoussez les peuples en voie d’émancipation?

Ces intellectuels, ces faiseurs d’opinion et ces militants qui se considèrent comme des « progressistes », construisaient et diffusaient depuis quelque temps un portrait du « dictateur Evo Morales, corrompu, trafiquant de drogue … », dans différents contextes internationaux et nationaux.

De cette façon, ils ont œuvré pour la construction des conditions subjectives du coup d’État dans la classe moyenne traditionnelle devenue le soutien du coup d’État (avec la police et l’armée). Ils ont installé la fixation et la haine contre les «Indiens au pouvoir», chez leurs étudiants universitaires, leurs collègues, les ONG et les citoyens progressistes qui ont lu leurs critiques destructrices de «l’homme indien et du tyran», selon eux. Pourquoi ont-ils agi ainsi ?

Ils ont pratiqué l’Individualisme méthodologique : Ces intellectuels, en raison de leurs catégories de compréhension / explication de la réalité, ont réduit le processus de changement bolivien à la personne d’Evo Morales. Ils ont regardé Morales si attentivement qu’ils ont supposé que le processus de changement bolivien était limité à  un leader « ignorant ». Morales n’était-il pas le produit d’un processus social massif? N’a-t-il pas été approuvé aux urnes en tant que dirigeant?

Ils n’ont jamais envisagé les éventuelles conséquences sociales de « la répudiation des Indiens » qu’ils semaient contre le « dictateur ». Morales est tombé, ce qui s’est traduit par le massacre de plus de 30 autochtones et le butin d’État est désormais distribué.

Ils ont pratiqué la vengeance intellectuelle :  Face aux critiques permanentes de certains de ces intellectuels, García Linera, vice-président de la Bolivie, loin d’engager le débat, a écrit un livre dans lequel il les disqualifie en les traitant d ‘«enfants» et ne les prend jamais en compte. Depuis lors, les critiques du gouvernement Morales sont devenues une vengeance presque viscérale. Ils se moquaient non seulement du manque de diplôme universitaire de Linera, mais même des métaphores qu’il employait.

Tant que Silvia Rivero, Pablo Solón, Raúl Prada …, occupaient des postes / chargés de l’État plurinational, le gouvernement indigène était l’archétype idéal. Mais, une fois renvoyés de leur emploi, ils sont devenus des apologistes qui ont nui au processus de changement induit par les mouvements indigènes et paysans.

Ils ont pratiqué le Racisme intellectuel : L’indigéniste ou la féministe professionnelle flattent généralement l’indigène ou la femme tant qu’ils sont soumis. Mais lorsque  l’indigène commence à marcher sur ses propres pieds et à penser de sa propre tête, l’indigène devient encombrant. Et encore plus, si les femmes ou les peuples autochtones n’ont plus besoin de leurs conseils théoriques pour poursuivre leurs processus.

Ces intellectuels ne s’intéressent qu’aux indigènes comme objet de charité intellectuelle. Dans la mesure où l’indigène ou la femme deviennent des sujets avec leurs propres idées, ils les discréditent  au nom de leur science académique.

Ils ont des positions contre l’Etat. En lisant et en croyant trop John Holloway, ces intellectuels indigènes / environnementalistes ont supposé que l’État était un appareil obsolète du passé. Ils croient qu’ils sont déjà dans l’ère post-étatique.

Leur  slogan est: l’État n’a pas d’importance. Seule la communauté compte. D’où le rêve idyllique du «communautarisme apolitique». Par conséquent, qu’importe qu’il y ait ou non un coup d’État. L’ingérence nord-américaine importe beaucoup moins. Ce qui importe, c’est la structure communautaire harmonieuse qu’ils imaginent.

Ils ont une posture  impérialiste. Toni Negri a dit que l’ère de l’expansion territoriale des empires était du passé parce que le pouvoir, maintenant, était centré sur la connaissance, pas sur le contrôle territorial comme auparavant. «La connaissance n’a pas de territoire. Il n’y a donc pas d’Empire envahissant les territoires ou favorisant les coups d’État ». Leur foi dans cette élucubration mentale les amène à ne pas voir l’interventionnisme américain en Amérique latine.

Environnementalisme de la mode. Pour ces penseurs, le respect de la Terre Mère consiste à ne pas toucher, à ne pas extraire, les biens de la Terre. Peut-être croient-ils que ce qu’ils consomment est produit ou extrait du supermarché.

Cette logique de conservatisme idyllique les amène à déchirer leurs vêtements face à la mort d’animaux en Amazonie, mais à garder un silence complice face au massacre sans cœur des peuples indigènes et des paysans insoumis dans la ville d’El Alto ou Cochabamba.

Peut-être parce que l’environnementalisme est plus rentable sur le marché financier de la coopération internationale que l’idée de la défense du «bon Indien».

Il n’y a pas d’insumiso indien sans culpabilité. Ces intellectuels ont décidé de dire que « Evo Morales a quitté le pouvoir à cause de ses erreurs ». Morales aurait été coupable de sa défenestration.

Même les féministes, loin de protester contre le coup d’État, ont répété les mots d’ordre  : « autoritaire, dictatorial, corrompu … » qu’aurait été Evo Morales. « Elle le méritait et était coupable de son viol pour avoir été trop voyante « , diraient les machistes en parlant d’une femme violée. C’est quelque chose de cette ordre-là qu’ont dit certaines féministes du coup d’État en Bolivie.

Ce qui est triste, c’est que le monde apprend progressivement qu’il n’a jamais été techniquement prouvé qu’il y avait une fraude électorale présumée du 20 octobre en Bolivie. Ce qui existe, après le coup d’État et les massacres indigènes, c’est un processus accéléré d’occupation des entreprises publiques par des agents des sociétés privées de coup d’État, persécution / criminalisation ouverte des dirigeants des mouvements sociaux, réoccupation de la Bolivie par les ambassades américaine et israélienne, et harcèlement / expulsion de toute solidarité avec les secteurs subalternes du pays.