cet article de nos camarades du PTB exprime un enthousiasme pour Bernie Sanders « gauche authentique ». Ce qui me semble le plus juste dans leur analyse est l’idée que le candidat ne sera rien sans un mouvement et sans des forces organisées y compris syndicales. Le parti démocrate dont il est le candidat ne représente en rien cette force qui demande à naître et c’est la principale leçon que nous devrions en tirer partout dans le monde où l’on assiste à des mouvements radicalisés, « que faire? aurait dit Lénine alors que nous avons laissé détruire les partis dont les temps nouveaux ont un urgent besoin ?

En raison d’un problème informatique, le caucus démocrate dans l’état américain de l’Iowa s’est terminé en fiasco. Les résultats ne sont pas encore totalement connus. Mais il est désormais clair que Bernie Sanders est un des favoris. Une fois de plus, il secoue profondément le monde politique américain. Les jeunes et les travailleurs soutiennent en masse les propositions de gauche authentique de Sanders. Un succès qui est étroitement lié à la renaissance de la lutte des classes et des idées de gauche aux États-Unis.
Taxer les grosses fortunes, car des milliardaires ne devraient même pas pouvoir exister. Donner à tous les citoyens l’accès à l’assurance-maladie publique MediCare, et pas seulement aux personnes âges et aux personnes handicapées. Créer un fonds public d’investissement de 16 300 milliards de dollars pour des travaux d’infrastructure afin de sauver le climat et créer 20 millions d’emplois. Ce ne sont là que quelques-unes des propositions audacieuses à la base du succès de Bernie Sanders. En 2016, de nombreux Américains entendaient celles-ci pour la première fois. C’était l’époque où, après une longue carrière de parlementaire indépendant, Sanders s’est subitement porté candidat aux primaires démocrates (l’élection interne qui permet de désigner le candidat du parti aux élections présidentielles). À la surprise générale, il a terminé à la deuxième place, derrière Hillary Clinton.
Depuis 2017, Bernie Sanders est l’homme politique le plus populaire des États-Unis. Une prestation remarquable pour quelqu’un qui se définit comme un « socialiste démocrate », dans un pays où les idées de la gauche authentique sont marginalisées depuis des décennies. Et à un moment où les États-Unis ont probablement le président le plus à droite de leur histoire : le milliardaire Donald Trump.
Renaissance des syndicats et de l’action sociale
La situation des travailleurs américains est loin d’être rose. Depuis l’arrivée au pouvoir en 1980 du président Ronald Reagan, un des pères fondateurs du néolibéralisme, les syndicats ont encaissé des coups très durs et l’inégalité a énormément augmenté. Le 1 % le plus riche gagne aujourd’hui neuf fois plus que 90 % de la population. D’un côté, les États-Unis sont le pays qui compte le plus de milliardaires au monde. De l’autre, c’est le pays où il y a le plus de working poor, de travailleurs qui, malgré leur emploi, vivent dans la pauvreté. Un travailleur américain sur quatre gagne moins que le seuil fédéral de pauvreté. Plus de la moitié de la population a de grandes difficultés pour payer ses soins médicaux. La situation est encore plus difficile pour les femmes et les migrants, qui constituent environ un sixième de la population de travailleurs. L’actuel président Trump (au pouvoir depuis 2017) poursuit intensément la politique néolibérale de Reagan, mais il mène en même temps une politique nationaliste du « diviser pour régner ». En normalisant le racisme et le sexisme, il veut empêcher les travailleurs de s’unir contre la classe des milliardaires. Cela ne semble toutefois pas lui réussir.
Ces dernières années ont vu une forte résurgence des grèves et des actions syndicales. En 2017, le nombre de travailleurs qui se sont affiliés à un syndicat a augmenté pour la première fois en quarante ans. Trois quarts des nouveaux membres étaient âgés de moins de 35 ans. En 2018, près d’un demi-million d’Américains ont arrêté le travail pour faire grève, soit le nombre le plus élevé depuis les années 1980. Des grèves et actions sont à nouveau organisées à l’échelle nationale. Ainsi, près de cinquante mille travailleurs de 50 différentes usines de General Motors font grève ensemble depuis septembre 2019. C’est la grève la plus importante et la plus longue dans le secteur automobile depuis des décennies.
Un autre exemple est le mouvement populaire « Fight For $15 », une plateforme d’action nationale qui lutte pour un salaire minimum fédéral de 15 dollars de l’heure. Le salaire minimum actuel de 7,25 dollars de l’heure n’a pas changé depuis 2009, malgré l’augmentation du coût de la vie. En 2012, une centaine d’employés de restaurants fast-food s’étaient croisé les bras pour cette raison. Cela a été le début de grèves de plus en plus importantes et de manifestations qui ont également débouché sur des victoires. En 2014, Seattle a été la première grande ville à instaurer le salaire minimum de 15 dollars. Les États de Californie et de New York ont annoncé qu’ils allaient progressivement augmenter leur salaire minimum à 15 dollars. Au sein de la multinationale Amazon, des actions ont débouché sur un accord pour que plus personne ne soit payé au-dessous de 15 dollars de l’heure.
La jeunesse la plus à gauche depuis les années 1930
Bernie Sanders dit vouloir unir la classe des travailleurs contre la classe des milliardaires. Telle est l’essence de son programme et de sa stratégie politique. Ses propositions partent des problèmes rencontrés par les travailleurs. Mais son programme ne se limite pas à des propositions économiques. Sanders sait qu’il est impossible de faire payer les milliardaires sans dépasser les oppositions au sein de la population des travailleurs. C’est pourquoi la lutte contre le racisme, le sexisme, l’antisémitisme et l’homophobie occupe une place centrale dans son programme. Le premier thème que l’on voit sur son site internet est un plaidoyer pour une politique humaine en matière de migration. Sanders ne plie donc pas devant le discours dominant sur la migration tenu par la droite (extrême), comme le font par exemple les sociaux-démocrates danois.
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que Bernie Sanders gagne en popularité. Pendant toute sa vie, il a été un ardent défenseur des syndicats et a été pendant des années le seul parlementaire à défendre de manière conséquente les intérêts des travailleurs. Pas étonnant qu’il peut déjà compter sur le soutien d’une dizaine de syndicats régionaux et de quatre syndicats nationaux, dont le American Postal Workers Union qui compte 200 000 membres. Un soutien exprimé très tôt dans la course présidentielle; en général, ce n’est que plus tard que les syndicats indiquent qui ils soutiennent.

Outre les travailleurs, un autre groupe est encore plus massivement derrière Sanders : les jeunes. Pas étonnant lorsqu’on connaît les propositions radicales de Sanders en faveur du climat et pour effacer définitivement les dettes contractées pour pouvoir étudier. Mais aussi les idées socialistes sont elles-mêmes de plus en plus populaires auprès des Américains de moins de trente ans. Selon le journaliste Christophe Deroubaix, les États-Unis ont la jeune génération la plus à gauche depuis les années 1930. Cela se remarque aussi à l’immense popularité d’autres personnalités de gauche comme Alexandria Ocasio-Cortez, la plus jeune femme jamais élue au Congrès américain, qui a émergé dans la foulée de la précédente campagne présidentielle de Sanders.
« Il ne s’agit pas de moi, il s’agit de nous ! »
La campagne électorale de Bernie Sanders s’annonce très prometteuse, bien qu’il faille s’attendre à ce que l’establishment du Parti démocrate torpille encore sa candidature comme en 2016. Pourtant, les sondages indiquent que Sanders pourrait gagner avec une avance confortable sur Donald Trump. Plusieurs raisons l’expliquent. D’abord, Sanders réussit à toucher la partie des 100 millions d’électeurs qui ne vont en général jamais voter. Il s’agit en grande partie des working poor, les travailleurs pauvres que défend Sanders. Quand on sait qu’en 2016, Trump a remporté au total 63 millions de voix et Hillary Clinton 65 millions, on comprend directement pourquoi ces « électeurs passifs » peuvent faire la différence. Ensuite, Sanders pourrait peut-être bien regagner une partie des électeurs qui ont voté pour Trump en 2016. Trump et Sanders sont tous deux vus comme des figures anti-establishment, ce qui n’est bien sûr pas mérité pour le milliardaire-président. La campagne anti-establishment menée par Sanders pourrait bien être fatale à l’actuel président. D’après la revue spécialisée Politico, Sanders causerait des soucis à l’équipe du président Trump. Une partie de ses conseillers voit dans Sanders l’adversaire idéal pour que tous les électeurs conservateurs se rassemblent derrière Trump. Mais une autre partie craint au contraire que Sanders ne rafle les électeurs blue collar (cols bleus, terme qui désigne les ouvriers aux USA) dans la Rust Belt, la « ceinture de la rouille » qu’est la région industrielle du nord-est des États-Unis.
Le fait que Sanders ose réellement s’opposer à l’establishment est son plus grand atout. Mais cela le rend bien sûr insupportable à ces mêmes élites, qui vont tout faire pour l’empêcher d’accéder à la Maison blanche. C’est pourquoi Sanders utilise sa campagne pour construire un mouvement. Quand, dans les meetings, ses partisans scandent « Bernie ! Bernie ! », il répond : « Il ne s’agit pas de moi, il s’agit de nous ! La vérité, c’est qu’ils ont tellement de pouvoir, tellement d’argent, que personne, y compris le meilleur président du monde, ne peut les contrôler seul. La seule manière dont nous pouvons transformer les États-Unis est que des millions de gens se lèvent et résistent ensemble. »
Bernie Sanders doit probablement être le premier candidat à la présidence qui dans ses vidéos n’appelle pas uniquement à voter pour lui, mais à s’organiser, à s’affilier à un syndicat, à rejoindre la « révolution politique ». Et ça marche. Il y a un an (février 2019), plus d’un million de gens s’étaient déjà inscrits pour être bénévole dans sa campagne. Et plus de 5 millions d’Américains ont déjà versé une contribution financière, ce qui fait que Sanders a aujourd’hui déjà plus d’argent pour sa campagne que ses rivaux.
Sanders n’est que trop conscient que l’establishment fera tout pour l’empêcher de devenir président. Et quand bien même il réussirait à accéder à la Maison blanche, cela ne changerait rien, dit-il dans chaque discours, afin de souligner que ce n’est qu’en développant un mouvement de masse combatif que les travailleurs peuvent remporter des victoires. Ensemble, depuis la base, malgré toutes les différences. Les 99 % contre le 1 %. La campagne de Bernie Sanders ne porte pas que sur la personne qui deviendra le prochain président : il s’agit du retour de la lutte des classes au centre de la politique américaine. Et, dans ce sens-là, il a déjà gagné.
daniel arias
février 6, 2020 at 10:33
Le vent commencerait-il à tourner pour les capitalistes ?
Bernie Sanders, mouvement social historique en France gilets jaunes et lutte pour nos pensions, victoires du KPRF en Russie, résistance en Irak, au Mali, au Soudan, grève monstre en Inde 250 millions de grévistes, regain de l’intérêt pour le marxisme léninisme, lutte contre les liquidateurs dans les organisations communistes.
Même la droite Britannique nationalise les chemins de fers du nord de l’Angleterre démontrant l’inefficacité et la nocivité du capitalisme, hausse du salaire minimum en Grande Bretagne de 6%.
Le RN en France est obligé de faire des constats de gauche pour séduire les classes populaires.
La disqualification du capitalisme est totale.
Il reste a proposer un programme audacieux et révolutionnaire.
Pour cela il faut multiplier les voix qui expriment des projets pour un avenir socialiste réel.
andres bryant
février 6, 2020 at 11:34
Il faut être particulièrement audacieux pour oser parler de « gauche authentique » s’agissant et du Parti « démocrate » et de Sanders, et c’est assez déroutant de voir que ça vient du PTB (chose qui de nouveau montre un glissement déliquescent de ce parti).
Rappels en vrac : Sanders soutient les contre-révolutionnaires vénézuéliens, Sanders a fait et refera le panégyrique du pro-fasciste pro-impérialiste virulent Mc-Cain (le BHL yanquee), Sanders a soutenu la folle psychopathe Clinton en 2016 et s’était démis pour elle la fois précédente. Et inutile de rappeler ce que représente le Parti « démocrate »,un danger aussi grand pour la planète que leur rival « Républicain »