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A la tête du PCF, une volonté politique qu’il faut saluer

18 Déc

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Donnez-moi un levier et un point d’appui et je soulèverai le monde…

Rien n’a changé pour moi depuis le congrès, cela s’est même aggravé(1). Et pourtant, malgré cette situation au demeurant navrante, je suis heureuse et je me sens pleine d’espoir, non seulement parce que la France est secouée par un mouvement mais parce qu’il y a à la tête de mon parti une volonté politique qui s’est manifestée de bonne façon à propos de la liste communiste aux Européennes, de son contenu, des principes qui doivent nous guider.

Ce n’est pas rien croyez-le que d’avoir une direction apte à comprendre la réalité sur laquelle le parti intervient. J’ai rédigé il y a quelques jours pour le parti communiste de la fédération de Russie, une analyse sommaire sur le « virage à gauche » de notre parti que je voudrais résumer ici pour illustrer ce que je désigne comme « volonté politique ».

Certains camarades font de notre politique à l’égard de l’Europe, y compris la sortie de l’euro, le test essentiel du renouveau du parti, de son indépendance à l’égard de la social démocratie donc de la lutte anti-capitaliste. Ils notent qu’il n’y a pas de souveraineté populaire sans souveraineté nationale et donnent l’exemple de la Grèce. C’est très important, mais il y a une autre dimension qui est encore plus importante pour moi ou tout le moins complémentaire de la remise en cause du carcan européen : c’est que le parti retrouve le rôle de parti révolutionnaire, parti de la classe ouvrière en sortant de la soumission à la social-démocratie. Comme le soulignait Marx dans son adresse au comité central de la ligue d’Allemagne après l’échec de 1848, plus la classe ouvrière est faible plus elle doit se garder de se confondre avec la petite bourgeoisie qui l’invite à une telle confusion. La question européenne ne doit jamais être posée seule mais dans ce contexte du rôle de la classe ouvrière et du socialisme, si l’une est un levier l’autre est le point d’appui. La volonté politique de la direction de notre parti s’est manifestée en tenant compte dans le concret de ces deux nécessités.

En expliquant à nos camarades russes ce qui s’était passé, j’ai noté une triple influence sur l’évolution de notre parti: premièrement la chute de l’Union soviétique et la crise idéologique que cela a entraîné, les interprétations du socialisme « réel » suivant celle de la social-démocratie et tendant donc à considérer tout socialisme comme une dictature, un échec politique, économique. C’était déjà le cas après la Révolution française, celle-ci au retour des rois était présentée comme un double échec, économique avec les assignats et politique avec la terreur et la guillotine. Cette caricature s’accompagnait d’un désaveu de l’intervention populaire, et d’un enrichissement sans limite des « élites » dans le sillage des conquêtes napoléoniennes. La chute de l’URSS a donné lieu aussi à de telles interprétations sans que le parti communiste mène le débat idéologique qui s’imposait, on peut considérer qu’il lui importait de survivre, le choix a été de « s’adapter », mais à quoi, l’adaptation avec le Congrès de Martigues a été de nous couper du monde du travail…

Le parti communiste français a survécu, de plus en plus groupusculaire, de plus en plus en train de renier son passé et se donnant pour avenir réel l’alignement sur la social démocratie et l’imaginaire d’une visée communiste complètement idéalisée. Mais il a survécu alors que tant d’autres disparaissaient.sans référence à cette volonté des communistes français d’avoir un parti communiste, qui s’est traduite  par le refus du changement de nom, il est impossible de comprendre ce qui s’est passé à notre 38e Congrès. Cette obstination est à mettre en relation avec la combativité de la classe ouvrière française, des travailleurs, même si dans les deux cas éclate le défaut de perspective précise. Ce que Marx nous reprochait déjà en disant que le pays de la lutte des classes était une « nation d’émeutiers ». Il y a en France un inconscient révolutionnaire et le parti communiste qui n’a que trop renoncé à son rôle d’avant-garde n’y est pas étranger. Dans untemps des cahioers de doléance, le manifeste a été un cri, un cahier des doléances. Est-ce que pouvait naître une volonté politique ou ne s’agissait-il que d’une « révolution de palais » comme l’affirmaient certains?

Deuxièmement, la volonté de survie a été limitée à la préservation des élus qui là aussi nous a soumis à la social-démocratie, en privilégiant les alliances de sommet alors que nous perdions pied à la base. Tout en réduisant notre patrimoine de jour en jour, cette politique nous a confondu avec cette social-démocratie. Celle-ci, le PS, a adopté la même politique néo-libérale que la droite et elle a connu comme dans toute l’Europe un désaveu massif dans laquelle toute la gauche a été entrainée. L’illustration ultime de cette dérive étant notre choix de Mélenchon pour les présidentielles et ce par deux fois, l’effacement du parti. Jean-Luc Mélenchon étant à la fois celui qui a repris à son compte la volonté anti-communiste de Mitterrand de détruire le parti et a également tenté de donner à la social-démocratie un souffle radical d’une petite bourgeoisie en crise.

Mais aussi troisièmement les modifications de la classe ouvrière, des secteurs entiers de bastions ouvriers se sont effondrés et la classe ouvrière « défaite » s’est dispersée à la fois dans un petit artisanat urbain, dans des zones de chômage et d’exclusion des grandes cités et aussi dans des zones rurales à la fois à cause de la cherté de l’habitat urbain, et d’une petite industrialisation comme l’agro-alimentaire. L’adaptation du congrès de Martigues a consisté à voir dans ces mutations la fin de la classe ouvrière et donc à accélérer notre rupture avec elle. Dans les cités, mais surtout dans les zones rurales, sous-équipées en centres publics de santé, d’éducation le transport, son coût est un enjeu que renforce le démantèlement de la SNCF.

Le tout dans le contexte de l’étau européen qui impose au pays des politiques au profit du grand capital et de la guerre et la montée d’un nationalisme d’extrême-droite qui n’est qu’un leurre.

On ne comprend rien aux gilets jaunes si on ne considère pas tous ces éléments à la fois: la crise du parti de la classe ouvrière, avec une contre-révolution mondiale, le désaveu de la gauche dans laquelle ce parti a été pris et la trahison de la social-démocratie, la suspicion à l’égard de la politique. La classe ouvrière a une base objective et celle-ci a connu de profondes transformations, mais elle a aussi une base subjective liée à ses organisations, le politique l’invente, lui donne une unité, c’est ce qu’a réalisé le parti de Maurice Thorez en France que Marx reconnaissait comme le pays de la lutte des classes. Le parti de Maurice Thorez est sorti du groupuscule avec 50.000 adhérents par une volonté politique, en faire le grand parti de masse et de classe correspondant à l’état de la lutte des classes en France et dans le monde.

La volonté politique de la direction du PCF, son pragmatisme, va dans ce sens-là et il faut saluer, aider à son développement. Mesurer que le mouvement de revendication populaire dans lequel elle s’inscrit n’est pas né d’aujourd’hui. Le mouvement qui secoue la France a ses racines, lointaines, puisque la France est le seul pays avec la Corée du Sud et le Mexique a avoir mené dès 1995 une lutte de masse contre la révolution néo-libérale, qu’en 2016, un grand mouvement contre le code du travail a fait monter les forces. Paradoxalement – grâce à l’utilisation du repoussoir Le Pen –  a été élu comme président celui dont la politique néo-libérale, l’alignement sur les intérêts financiers, sur l’Europe de ce capital, est le représentant caricatural. Avec son élection les conditions de l’explosion sont réunies et se pose plus que jamais la question de la perspective politique…

Fabien Roussel a donc raison de noter le fait que les gilets jaunes ne sont que l’aspect le plus spectaculaire (parce que s’inscrivant en miroir du mouvement ni droite, ni gauche de Macron), d’un mouvement qui vient de loin, qui secoue le monde entier et dans lequel la classe ouvrière française une fois de plus donne aux peuples le vertige. Il faut penser l’événment dans le temps plus long de l’histoire qui demeure celle de la lutte des classes.

Quand cet étrange attelage de Ian Brossat, l’intellectuel lié à la mairie de paris et le député venu des terres du nord, celle de Maurice Thorez est allé à la rencontre des gilets jaunes sur des bases de classe, ce fut l’aspect symbolique de cette volonté d’unification de la classe ouvrière, de marquer son autonomie par rapport à la bourgeoisie, sous toutes ses formes. Quand le parti a collé aux revendications, a appelé à l’unité autour d’elle, cette volonté politique a grandi malgré ceux qui n’ont pas encore compris. Mais cela viendra. Peut-être pas de mon vivant et du leur, mais ça viendra…

Danielle Bleitrach

(1) Rien n’a changé apparemment du moins en ce qui me concerne. Je suis toujours dans la fédération la plus rétro de France, celle des Bouches du Rhône, celle dont on visse si bien les boulons qu’elle est la seule a avoir envoyé au CN une délégation homogène en appui de Pierre Laurent et des refondateurs. Niant totalement de ce fait 38% des votes avec la complicité de vieux de la vieille qui ont accepté de représenter ces 38% en ré-écrivant le manifeste, supprimant le bilan, et éliminant ceux qui gênent. Ça plombe l’ambiance…

J’ai toujours devant moi dans les secteurs où j’aurais pu apporter une aide un mur, celui des responsables qui sont tous de l’ancienne équipe et continueront logiquement à me censurer, et à m’interdire toute participation comme depuis 20 ans… Qu’il s’agisse de la culture, de la formation, de l’idéologie, de la direction de l’Humanité, tout garantit envers moi et mes pareils la même politique, le pire étant le verrouillage sur le secteur international pour empêcher sinon le contact avec d’autres partis communistes, à tout le moins que les militants communistes en aient le moindre écho. Sur ce dernier point, ce blog continuera à jouer son rôle.

Et même en regardant mon département et son côté rétro, je sais ce que veulent les militants, ce qui fait que d’après moi la majorité a voté pour ce renouvellement, je sais  que dans toute la France comme à Lyon ici, nous utilisions notre réel avantage, celui d’être le parti le plus présent partout, dont les forces organisées, affaiblies certes, mais qui demeurent sans commune mesure avec celles d’autres partis agissent et de ce point de vue ma fédération est une des meilleures et je compte sur les communistes de ce département paradoxal pour faire grandir la volonté politique nouvelle.

 
 

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