L’application de l’état d’urgence en France a provoqué de nombreuses violations des droits de l’homme, relève un rapport d’Amnesty international. L’ONG appelle le parlementaire à voter contre sa prolongation.

L’état d’urgence « a bouleversé des centaines de vies », dénonce jeudi Amnesty International France, qui demande aux parlementaires de ne pas prolonger les mesures prises après les attentats du 13 novembre.

La demande de prolongation sera débattue au Parlement la semaine prochaine, le 9 février au Sénat, puis le 16 à l’Assemblée.

L’état d’urgence, décrété dans la foulée des attentats parisiens, renforce les pouvoirs de la police et permet les assignations à résidence et perquisitions administratives de jour comme de nuit, ou l’interdiction de rassemblements.

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En deux mois, plus de 3.000 perquisitions ont été conduites, 400 personnes interpellées et 400 assignées à résidence, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.

Pour Amnesty, ces « mesures d’urgence brutales, notamment des perquisitions de nuit et des arrêtés d’assignation à résidence, bafouent les droits de centaines d’hommes, de femmes et d’enfants, qui en ressortent traumatisés et stigmatisés ».

Usage excessif de la force

Dans le cadre d’un rapport publié jeudi, l’ONG s’est entretenue avec 60 personnes dont « la majorité a déclaré que des mesures très sévères avaient été appliquées, avec très peu, voire aucune explication à la clé, et parfois un usage excessif de la force ».

Certaines ont confié à l’ONG « que la stigmatisation liée aux perquisitions leur avait fait perdre leur travail ».

« Des pouvoirs exécutifs étendus, assortis de très peu de contrôles sur leur application, ont causé toute une série de violations des droits humains » en France, déplore dans le rapport de John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

Témoignage d’un assigné à résidence

Or, ces mesures « n’ont récolté que très peu de résultats concrets, ce qui pose la question de (leur) proportionnalité », relève l’ONG.

Amnesty rapporte que, selon les autorités, « les 3.242 descentes effectuées au cours des mois précédents n’ont donné lieu qu’à quatre enquêtes préliminaires pour des infractions liées au terrorisme et à 21 enquêtes pour le motif d’apologie du terrorisme, aux contours flous ».

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« Ces mesures d’urgence sont souvent mises en oeuvre de manière arbitraire et discriminatoire », a résumé Marco Perolini, chercheur à Amnesty International, lors de la présentation du rapport. Dans la bouche des personnes touchées par ces mesures, la même interrogation : « on ne comprend pas ce que veut dire islamiste radical », et des réponses des fonctionnaires de police comme « votre pratique religieuse est au-dessus de la norme ».

L’ONG Human Rights Watch, présente à la conférence de presse, a elle aussi dénoncé les « cibles » choisies : « Ces mesures ont touché en grande majorité des musulmans, et ce, dans un contexte d’explosion des actes anti-musulmans en France », estime Izza Leghtas.

Grandit alors le « sentiment d’une grande injustice, d’être des citoyens de seconde zone », poursuit-elle, alors que « dans cette lutte contre le terrorisme, il pourrait y avoir des alliés ».

Non-prolongation

« En l’absence de garanties satisfaisantes », Amnesty International demande aux autorités françaises de renoncer à la prolongation de l’état d’urgence.

« Une constitution, ça ne se modifie pas dans l’émotion et dans la précipitation », avertit Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France.

Alors que le gouvernement veut prolonger ce régime d’exception pour trois mois après le 26 février et inscrire ce dispositif dans la Constitution, l’état d’urgence et son application soulèvent de nombreuses critiques, des associations de défense des droits de l’Homme au Défenseur des droits, en passant par l’ONU et le Conseil de l’Europe.

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