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La «GUD connection» tient les finances de Marine Le Pen

05 Avr

Voici ce que nous publions sur notre blog le 17 octobre 2013, la découverte des trafics financiers du Front National n’en est pas une, pas plus que ses liens avec l’extrême-droite du GUD. Frederic Chatillon proche également de Thierry Meyssan, de SOral et Dieudonné. Affaire d’idéologie, certes mais surtout de gros sous. (note de Danielle Bleitrach)

18OCT

Posté le octobre 17, 2013 par larmurerie — Aucun commentaire ↓

Par Marine Turchi et Mathilde Mathieu, Médiapart, 17/10/13

Marine Le Pen a confié à la galaxie des anciens du GUD, groupuscule étudiant d’extrême droite radicale, de nombreux postes financiers, leur conférant la haute main sur la trésorerie du parti. Au centre de cette nébuleuse : Frédéric Chatillon, dont la société a perçu 1,6 million d’euros pendant la campagne présidentielle, d’après des documents consultés par Mediapart.

Le Front national n’est pas « d’extrême droite ». C’est le nouveau combat sémantique de sa présidente, qui menace d’« actions en justice » ceux qui continueraient à accoler ce qualificatif à sa personne et à son parti. Pourtant, depuis son arrivée à la tête du Front national, Marine Le Pen a confié au cercle des anciens du GUD (Groupe union défense) de nombreux postes et missions financières, leur conférant la haute main sur la trésorerie du parti, d’après des documents inédits consultés par Mediapart.

Au centre de cette nébuleuse, le sulfureux Frédéric Chatillon, chef emblématique du GUD dans les années 1990. Cette organisation étudiante d’extrême droite radicale s’est fait connaître par ses actions musclées, racontées par Chatillon et ses acolytes dans Les Rats maudits. Nationaliste révolutionnaire, adepte des arts martiaux, il sera aussi directeur de la librairie révisionniste Ogmios.

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Frédéric Chatillon lorsqu’il était chef du GUD, à partir de 1991.Frédéric Chatillon lorsqu’il était chef du GUD, à partir de 1991.© Les Rats Maudits

Vingt ans plus tard, la communauté des gudards forme un clan qui mêle amitié, réseaux politiques et business. Ses membres possèdent de nombreuses sociétés où les actionnariats se croisent et où les uns font travailler les autres. Quand ils ne travaillent pas pour le Front national, ou plutôt pour Marine Le Pen, qui a promu dans l’ombre toute cette « génération Chatillon » (lire aussi notre enquête « FN et ultras: les preuves d’une amitié »).

Car parmi les prestataires de la campagne présidentielle 2012 de Marine Le Pen, on retrouve Frédéric Chatillon et sa société de communication Riwal. La présidente du FN l’a connu à l’université d’Assas. Ils se considèrent tous deux comme de « vieux potes de faculté », affirme Chatillon. Questionnée sur France Inter pendant la campagne, Marine Le Pen l’avait présenté non pas comme un « ami » – ce qu’elle avait fait dansLe Monde –, mais comme « un de (ses) prestataires de service ». Au FN, on explique que « M. Chatillon est un fournisseur ».

Un « fournisseur » qui joue tout de même les conseillers officieux et les passerelles politiques. C’est lui qui organise les tournées en Italie de Marine Le Pen (exemple en octobre 2011), grâce à ses réseaux néofascistes – « mes anciens alter ego », dit-il. C’est lui encore qui approche l’ancien pasquaïen Bernard Marionnaud, PDG du groupe de parfumerie, pour mener la liste « Rassemblement bleu marine » à Clamart, aux municipales de 2014.

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Frédéric Chatillon accompagnant Marine Le Pen lors de son voyage en Italie, le 22 octobre 2011.Frédéric Chatillon accompagnant Marine Le Pen lors de son voyage en Italie, le 22 octobre 2011.© Capture d’écran d’un documentaire de Canal Plus.

Frédéric Chatillon est surtout devenu le prestataire phare de la campagne frontiste de 2012. D’après le compte présidentiel de Marine Le Pen, que Mediapart a consulté, l’entreprise de l’ancien leader du GUD a facturé 1,66 million d’euros de prestations à la campagne (presque un cinquième des dépenses déclarées par la candidate, prises en charge par l’Etat à hauteur de 8 millions). L’année dernière, il affirmait à Mediapart n’avoir engrangé que « quelques centaines de milliers d’euros ».
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Frédéric Chatillon prend des photos lors de la tournée de Marine Le Pen en Italie, en octobre 2011.Frédéric Chatillon prend des photos lors de la tournée de Marine Le Pen en Italie, en octobre 2011.© Capture d’écran Canal Plus

Il a en réalité conquis le monopole de la communication de la présidente du FN : impression des affiches et documents de propagande électorale (960 680 euros), campagne Internet et applications pour smartphones (258 204 euros), retransmission sur Internet des réunions de Marine Le Pen (69 607 euros), envoi de SMS et emailing pour mobiliser les sympathisants (11 182 euros), impression et routage de mailings sur la candidate (167 001 euros), frais et diffusion pour les échanges avec les blogueurs par Facebook et Twitter (11 601 euros), fournitures pour le local de campagne (6 757 euros), travaux d’agencement dans le local (32 500 euros), etc.

Riwal : aménagement bureaux
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Des sommes qui ne choquent pas Wallerand de Saint-Just, le trésorier du FN : « Cela me paraît normal et correspond à des prestations réelles. » « Il a beaucoup d’activités au FN, reconnaît-il. Il voit régulièrement Marine Le Pen, ils ont de bonnes relations, des relations anciennes. Nous avons confiance en lui, en son travail. »

Le micro-parti de Le Pen totalement aux mains de la galaxie GUD

Outre Riwal, une toute jeune société de la nébuleuse Chatillon a travaillé pour la campagne de Marine Le Pen : Unanime, créée en 2011 et domiciliée à la même adresse que deux sociétés d’Axel Loustau, autre proche de l’ancien chef du GUD. Unanime a réalisé la maquette et l’impression de journaux du FN, pour plus de 152 000 euros.
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Unanime

Ses actionnaires ? Deux figures de la galaxie Chatillon, Sighild Blanc (salariée et actionnaire de Riwal) et Thibault Nicolet. Ils apparaissent tous deux dans le magazineCigale (la première en a été la directrice de publication, le second y figure dans une interview-promo). Ce détail est loin d’être anodin : ce mensuel gratuit sur « l’art de vivre à la parisienne », distribué dans les boulangeries, est au cœur de la « GUD connection ». Réalisé par l’équipe de Riwal, il est édité par la société Taliesin, dont les actionnaires fondateurs ne sont autres que Frédéric Chatillon, son bras droit Jildaz Mahé O’Chinal, et Philippe Péninque, conseiller officieux de Marine Le Pen.

Parmi les prestataires de la campagne présidentielle de Le Pen, un autre nom retient l’attention : celui de Minh Tran Long. L’intéressé confirme à Mediapart avoir assuré« une prestation de régie technique », sans vouloir en dire davantage. Après avoir milité dans les années 1970-80 à la Fane (Fédération d’action nationale et européenne), un groupuscule néonazi, puis s’être engagé sept ans dans la Légion étrangère, Minh Tran Long a lancé sa société d’événementiel, Crossroads. Il apparaît lui aussi dans le magazine Cigale, où il signe une chronique sur les applis iphone et où une page est dédiée à sa société.

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Minh Tran Long (à droite) et les dirigeants de sa société Crossroads, au Qatar Prix de l’Arc de Triomphe, en octobre 2008.Minh Tran Long (à droite) et les dirigeants de sa société Crossroads, au Qatar Prix de l’Arc de Triomphe, en octobre 2008.© Crossroads

Au-delà de la campagne 2012, Frédéric Chatillon et ses proches ont également la haute main sur Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, créé fin 2010. Lors des cantonales de 2011, c’est d’ailleurs Riwal qui a fabriqué les kits de campagne proposés par le micro-parti aux candidats FN, facturés minimum 2 500 euros chacun.

À la tête de cette association de financement, on trouve Florence Lagarde, une autre vieille amie de Marine Le Pen, elle aussi rencontrée sur les bancs de la faculté d’Assas. Florence Lagarde militait alors au Rassemblement des étudiants parisiens (REP) qui a succédé au GUD après son auto-dissolution. Elle écrit – elle aussi – dans le magazine Cigale.

Florence Lagarde est surtout la compagne du bras droit de Frédéric Chatillon, Jildaz Mahé O’Chinal, qui a coprésidé le GUD avec lui. Pilier de Riwal, il est lui aussi présent lors des tournées de Marine Le Pen en Italie.

Quant au poste de trésorier de son micro-parti, Marine Le Pen l’a successivement confié à deux très proches de Frédéric Chatillon, eux aussi anciens du GUD. Il y a d’abord euOlivier Duguet, expert-comptable et homme de main de Chatillon. Les deux hommes sont notamment associés dans la société Dreamwell, filiale publicitaire de Riwal (lire notre enquête).

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Olivier Duguet (à gauche) et Frédéric Chatillon (à droite) lors du même rassemblement.Olivier Duguet (à gauche) et Frédéric Chatillon (à droite) lors du même rassemblement.© Capture d’écran d’un documentaire de Canal Plus.

Olivier Duguet affirme avoir pris les fonctions de trésorier « à la demande d’une amie de longue date, Madame Florence Lagarde » et assure qu’il n’est « pas adhérent du Front national ni proche de Mme Marine Le Pen ». « Ma mission concernait les élections cantonales de 2011 et a pris fin en mars 2012 (comme il était convenu) après la clôture des comptes de l’association Jeanne et de leur transmission à la commission de financement des partis politiques », explique-t-il.

Le trésorier du micro-parti de Le Pen interpellé dans les manifestations anti-mariage pour tous

Le 15 mars 2012, c’est un autre ami de l’ancien leader du GUD qui lui a succédé : Axel Loustau, actionnaire de Riwal et patron de la société privée Vendôme sécurité. Loustau n’est pas étranger au FN : il fut candidat frontiste aux législatives de 1997 dans les Hauts-de-Seine, et le parti fait appel à sa société pour assurer une partie de sa sécurité(comme l’organisation du défilé du 1er-Mai ou de certains meetings de Marine Le Pen pendant la campagne).
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Axel Loustau (cercle bleu) avec le GUD, le 13 mai 2012, place de la Concorde, à Paris.Axel Loustau (cercle bleu) avec le GUD, le 13 mai 2012, place de la Concorde, à Paris.© Reflexes
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Axel Loustau lors de son interpellation, en avril 2013.Axel Loustau lors de son interpellation, en avril 2013.

Coutumier des provocations et menaces, il a participé aux débordements en marge des rassemblements contre le mariage pour tous (lire notre article etvoir les images ici). Il a été interpelléle 23 avril lors d’affrontements avec la police.

Pour contrôler les comptes de Jeanne, Marine Le Pen a fait appel à Benoît Rigolot, un expert-comptable évoluant dans les milieux catholiques traditionalistes. Rigolot apparaît lui aussi dans la nébuleuse de sociétés gravitant autour de Chatillon : il a créé, en 2009, avec Olivier Duguet, une société d’experts-comptables, « Équité ».

Visiblement embarrassé, il concède avoir rencontré Frédéric Chatillon, mais « très peu », et nie toute « relation suivie » avec lui et Olivier Duguet. Il explique avoir été sollicité «par une relation professionnelle». «On est venu me chercher, j’ai accepté, je n’ai pas d’exclusive. On a fait appel à moi sur des partis divers et variés.» Des partis essentiellement situés à l’extrême droite : il a notamment présenté les comptes de campagne de la liste de Dieudonné et Alain Soral aux européennes de 2009.

Chatillon, Loustau, Duguet. La présence de ce trio très actif dans les coulisses financières du Front national ne semble pas gêner Wallerand de Saint-Just, le trésorier officiel du parti, lui-même ancien du GUD. « Eh ben voilà, les copains ! » rétorque-t-il.C’est comme ça qu’on travaille, avec des amis. Comme Philippe Péninque l’a dit, “nous avons été des parias, donc nous nous sommes entraidés”. »

Philippe Péninque, un autre ancien gudard présent lui depuis de nombreuses années dans le premier cercle des Le Pen. Cet ancien avocat, spécialiste des montages fiscaux, n’a pas de fonction officielle au sein de l’organigramme frontiste, mais il est un conseiller très écouté des Le Pen. Comme l’ont raconté les auteurs du Système Le Pen(Denoël, 2011), c’est lui qui a géré la restructuration financière du Front national après 2007, année zéro pour le parti. Lui aussi qui entraînait Jean-Marie Le Pen avant ses émissions télé. Le fondateur du FN l’a d’ailleurs récompensé en lui remettant en 2011 la Flamme d’honneur du parti.

Péninque est tout aussi proche de Marine Le Pen, sa « grande amie », dit-il au Monde. Il a par exemple organisé sa visite à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) en 2007. L’affaire Cahuzac l’a sorti de son habituelle invisibilité, lorsque Le Monde a révélé qu’il avait ouvert en 1992 le compte suisse de l’ancien ministre socialiste.

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Philippe Péninque (cheveux blancs) écoutant le discours de Marine Le Pen, lors du défilé du 1er-Mai du FN, en 2013.Philippe Péninque (cheveux blancs) écoutant le discours de Marine Le Pen, lors du défilé du 1er-Mai du FN, en 2013.© Mediapart

L’ancien avocat ne renie rien de ses années GUD. Il « (s’)honore d’avoir été au Groupe union défense », expliquait-il en avril à Canal Plus, en affirmant qu’ils seront considérés « quand l’histoire va (leur) rendre raison, comme des héros et des résistants ». Il ne cache pas que parmi les anciens du GUD, « on se connaît tous » et que certains travaillent pour le FN : « Nous avons été victime d’un ostracisme. Nous avons essayé de travailler entre nous. Oui, autour de Marine, il y a des gens qui n’ont pas trop mal réussi dans la vie, qui sont insérés socialement, et qui combattent le système de l’intérieur. »

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F. Chatillon avec Steeve Briois (secrétaire général du FN) et Nicolas Bay (secrétaire général adjoint du FN), en novembre 2011.F. Chatillon avec Steeve Briois (secrétaire général du FN) et Nicolas Bay (secrétaire général adjoint du FN), en novembre 2011.© Capture d’écran LCP.

Pour les prochaines élections, la nébuleuse de Chatillon sera à nouveau sollicitée, d’après Wallerand de Saint-Just : « Pour les municipales, Frédéric Chatillon va faire un travail considérable. Je suis content de savoir qu’il existe. Comme on ne peut plus emprunter aux banques, on est content de compter sur lui. Il va bien falloir trouver de l’argent ailleurs. »

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Publié par le avril 5, 2016 dans Uncategorized

 

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