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Moscou, le gang du chou-fleur et les perdants défilent avec nos médias par Danielle Bleitrach

02 Mar

Quelques réflexions sur un temps historique au bord de l’explosion, comme on dit d’une crise de nerf… Mais quelle perspective politique pour ce moment autodestructeur où la référence à la démocratie n’est plus qu’une manière de revendiquer le droit au pillage?

En Crimée, au printemps dernier, un homme nous a dit : « les communistes ne reviendront plus au pouvoir, il l’ont perdu par leur faute, tant pis pour eux… » Quelques instants après, ce même homme nous disait que les Etats-Unis n’avaient pas la possibilité de vaincre une union entre la Chine et le Russie… Il protestait : la Russie est un pays immense qu’ils ne pourront pas envahir, quant à la Chine, elle a une population énorme et elle est dirigée par un parti communiste. » A peine avait-il prononcé ces paroles que nous avons ri, Marianne lui et moi… il a compris la contradiction dans ses propos et s’est repris : « un vrai parti communiste pas celui qui a perdu l’Union soviétique ». Il reste dans les ex-pays socialistes des vestiges d’une formation politique de haut niveau parfois submergée dans les jeunes générations par une sorte de syncrétisme idéaliste. Attitude de confusion qui fait étrangement songer à des mouvements spontanéistes surgis en Europe, à gauche et à l’extrême-droite…

L’analogie historique en matière de lutte des classes vue par Marx, est à rechercher en 1948, on y retrouve certains traits communs. D’abord cette base de couches moyennes en perte de vitesse, le caractère européen avec la question des nationalités et le désordre ambiant avec des aspects romantiques parfois réactionnaires, le rôle joué par un phénomène antérieur, la Révolution française et la difficulté à penser la situation présente, d’adopter un programme de rupture..

Et encore et toujours la même question, celle posée par Marx dans le manifeste : « quel parti? » et donc en filigrane qu’est-ce que être communiste dans ce contexte historique? Le tout dans une situation où la  concurrence inter-monopoliste financiarisée a atteint un point de rupture comme à la veille des deux précédentes guerres mondiales.

Ce long préambule pour dire que si la Chine propose de nouvelles relations internationales centrées sur le gagnant-gagnant au lieu de l’actuelle concurrence destructrice, nous en sommes loin. Ce qui se passe en Ukraine, à savoir l’assaut des Etats-Unis et de leurs alliés, l’hégémonie issue de la deuxième guerre mondiale, contre le bloc eurasien et plus largement les rapports sud-sud, témoigne au contraire du perdant-perdant généralisé.

Il suffit de voir le dernier épisode de cette grotesque et criminelle stratégie, à savoir l’assassinat d’un homme politique devant les murs du Kremlin. Comme si tel était le contrat, déposer un ancien personnage de l’assaut victorieux de la guerre froide contre l’URSS, au pieds du pouvoir actuel en disant « rien ne nous arrêtera! » Des mœurs de gangsters, la mafia, mais pas seulement celle qui a pris ses quartiers en Russie à coup de privatisations illicites, l’accumulation primitive… Non, la mafia planétaire dans laquelle on se fait la peau, quelque chose comme le trust du chou-fleur décrit par Brecht dans la résistible ascension d’Arturo UI; Souvenez vous c’est la crise à Chicago, le chou-fleur se vend mal. Les dirigeants du trust des choux-fleurs se réunissent pour évoquer les moyens de sortir de la crise. Arturo Ui propose de relancer les affaires par l’usage de la force. Le trust refuse l’offre de Ui et espère un prêt de la ville pour la construction de quais de port, par l’intermédiaire du politicien respecté Hindsborough. Mais celui-ci refuse la demande. Il ne reste plus qu’à se donner au gang, au point de ne plus savoir les limites…

Eh bien il est clair que nous sommes en plein dans la mévente du trust du chou-fleur, avec ses points forts, le pétrole, la drogue, les armes. Le trust du chou-fleur est mondialisé, il agit aussi bien à travers la fondation caritative rassemblée autour de la candidature d’Hilary Clinton que dans les divers clans qui se sont affrontés autour du dépeçage de l’ex-URSS. Certains ont perdu et ils cherchent à se vendre au plus offrant pour continuer l’enrichissement. S’il faut la guerre, allons vers la guerre.

La manifestation qui s’est rassemblée à Moscou hier pour célébrer la dernière victime de ce gang du chou-fleur planétaire était une troupe de has-been. Ils dénonçaient la dictature sous le regard complaisant des caméras occidentales mais c’étaient des perdants comme le défunt… Il avait perdu parce que le gang du chou-fleur russe avait préféré jouer Poutine contre lui qui aurait pu être le dauphin, le maître des ressources naturelles du pays. Il était la proie du démon de midi avec ça ne s’invente pas un mannequin juvénile ukrainien qui a peut-être été un des éléments clés du contrat passé avec ses assassins professionnels. Difficile de faire de ce personnage l’image de la vertu comme l’ont tenté avec obstination nos médias. Possible en Europe où on nous refile du storystelling à la place de toute analyse politique, difficile en Russie où tout cela est connu. Bref Moscou, la ville où se concentre tout ce qui a gagné dans les privatisations, tous les leviers médiatiques aux mains des oligarques et de Poutine, Moscou en crise a fait une manifestation de perdants. Comme celui qu’ils pleuraient. Le gang du chou-fleur avait un nouveau maître que « la famille » s’était donné en choisissant le plus neutre, le plus petit fonctionnaire imaginable et qui les avait tous eu. Pire encore, il a voulu s’opposer à la division programmée de la Russie en tronçons à s’approprier comme un quelconque port d’Odessa… Il a voulu reprendre la parole et le monde russe s’est repris à espérer un autre destin.

Le gang du chou-fleur planétaire, celui des Etats-Unis, mais avec pétro-dollars et fascisme à multiples facettes, flanqué de ses oligarques néo-nazis, des juifs bandéristes ukrainiens, on trouve de tout dans le supermarché du profit, a attaqué son bureau de Moscou, dont le chargé de pouvoir avait des velléités d’indépendance… Ils n’en veulent plus, il est le dos au mur, peut-être Est-ce une chance? L’isoler?  Nemstov en a fait les frais, il ne valait même plus deux kopecks, mais le message était clair « à qui le tour? » Et tout le petit personnel corrompu, journaleux, cadres, gagne-petits de la corruption s’est demandé comment tout cela allait finir tant la partie de perdant-perdant était clairement engagée. Parce que le problème est peut-être là cette alliance entre le gang du chou-fleur et les « élites » des villes mondialisée est en train de connaître ses limites. D’où la référence à 1848, le « enrichissez vous » de la restauration de Guizot est de plus en plus remis en question, la concurrence plus âpre, plus violente… Les partis ne sont plus que des sacs de chats sauvages … Et même si la « réforme », la « démocratie », valeurs qui excusent toutes les crapuleries,  consistent à s’entendre pour toujours plus tondre le prolétaire, le héros déchu de la saga communiste, l’entreprise offre de moins en moins de bénéfices aux « élites » occidentalisées et à leur progéniture. Il arrive que le prolétaire n’ait plus pour bien que sa patrie et ses enfants et qu’il se rebelle comme dans le Donbass, plus loin que ce qu’on l’imaginait…

Les seuls qui dans cette mélasse tiennent un discours différent sont les communistes, et le gang du chou-fleur fera tout pour qu’ils n’accèdent pas au pouvoir. Elle flattera même les mouvements spontanéistes, ceux dont le discours confus plaît à tout le monde parce qu’il ne bouscule rien. Un mode de production n’est pas seulement l’exploitation, la domination d’une poignée, il est aussi la manière dont la classe dominante arrive à maintenir son pouvoir en faisant partager ses « valeurs » par le plus large spectre de la population. Si le gang du chou-fleur trouve des gens pour flatter à la fois les nostalgiques de l’Union soviétique tout en étant foncièrement anti-communiste, des gens qui attribueront à la race ce que le communisme dénonçait comme une dimension de classe, des gens individualistes forcenés qui verront dans toute organisation l’ennemi, ils pourront maintenir leur pouvoir dans les circonstances invraisemblables y compris en faisant réélire un ivrogne qui détruisait son pays comme Yelstine.

La seule question est celle de notre interlocuteur en Crimée : est-ce que les communistes qui ont perdu le pouvoir, j’ajouterais ceux qui comme en France semblent en état de coma dépassé, ont la moindre chance face au gang du chou-fleur même quand il est en train de se déchirer et de porter partout la violence et la misère?

Voilà hier j’ai eu l’impression que nos médias, et beaucoup de nos « élites » locales pleuraient leur propre mort mais le véritable problème reste « Quel parti? »

Danielle Bleitrach

 
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Publié par le mars 2, 2015 dans Uncategorized

 

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