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Rappels élementaires sur la relation entre révolution et religion dans la théorie et pratique marxiste

23 Jan

L’esprit de contradiction… ou la négation de la négation?

Tout part sans doute de mon esprit de contradiction, par exemple quand je lis Shlomo Sand dans l’Humanité appelé à la rescousse, faute de mieux contre Finkielkraut et Zemmour, je me demande en quoi il est compétent sur le sujet, en dehors du fait qu’ils sont juifs tous les trois et probablement opposés sur la question israélienne? Encore qu’avec Zemmour ce ne soit pas assuré. Il est anti-arabe à la manière de certains pieds-noirs, l’Algérie suffit inutile d’aller se perdre au Moyen Orient. Quant à Finkielkraut sur le sujet israélien c’est plutôt un libéral pour la reconnaissance d’un Etat palestinien, mais il a une vision élitiste et réactionnaires de l’identité française qui se double d’une tendance masochiste à se sentir persécuté hors de propos. Non! Zemmour et  Finkielkraut sont réactionnaires dans leur conception de l’identité française et ses racine élitistes et ses racines chrétiennes. Par ailleurs, il font partie de cette masse d’intellectuels ralliés de fait au capitalisme, mais qui récupèrent néanmoins à leur manière certaines luttes des communistes pour mieux les dévoyer. Faire appel à Shlomo Sand dans ces domaines qu’Est-ce que cela signifie en clair? Vu que leur seul point de convergence est d’être juif, sur quoi porte réellement leur débat?  Un peu comme quand une émission de télé prétend opposer Finkielkraut à Cohn Bendit. Ce sont les mêmes sur le fond, avec des visions de surface antagonistes entre permissivité et réaction dans les mœurs. Que l’Humanité nous balance cet « historien » idéologue anarchisant et social démocrate, qui a pillé le grand Maxime Rodinson, prouve à quel point les communistes ont abandonné leur base idéologique. N’est-on pas à la recherche du « bon « juif à opposer aux mauvais juifs, le bon juif irait se définissant non par ses prises de position par rapport à la lutte des classes en France, mais par sa position à l’égard d’Israël,ce qui est une conception digne du CRIF. En ce qui concerne les errances réactionnaires sur l’identité française de FinKielkraut et Zemmour, il vaudrait mieux leur opposer un marxiste au moins de la part de l’Humanité, sans s’encombrer de leur appartenance religieuse. Mais trop difficile quand on devient soi-même des sociaux démocrates avec une clientèle ethnicisée, et quand on a l’esprit embrumé par une certaine conception de la religion entre laïcards et appui à tous les fondamentalismes. Il me paraît donc utile de rappeler que c’est une mauvaise méthode que de partir de l’appartenance religieuse.

Je sais bien que certains finissent par estimer que tous les juifs français sont « sionistes » -comme d’autres estiment que tous les arabes ou musulmans sont des adeptes de daech-, et que l’on doit tous les traiter suivant leur position vraie ou supposée à l’égard d’Israël, jusqu’à ce que, comme dans toute guerre de fait à une religion, on les fasse tomber là où on les pousse.  Comme Zemmour frappe de suspicion tous les musulmans, en multipliant probablement les radicalisations des esprits faibles, humiliés d’un tel traitement. Cela est parfaitement contraire à ce que j’ai appris toute ma vie en tant que militante communiste. Honnêtement je préférais les anciens principes. Combattez ce qui doit être combattu et ne mélangez pas les genre SVP pour chercher encore et toujours à alimenter des guerres de religion désormais vidées de leur contenu spirituel.

Donc je propose de rappeler quelques principes de base sur les communistes et les religions.

Voici donc quelques réflexions que j’ai illustré par des citations empruntées à un texte intitulé « les révolutionnaires et la religion ». Dans les temps actuels, ces quelques rappels quasi scolaires des positions des théoriciens de marxisme, surtout dans la mesure où ils ont eu aussi une pratique révolutionnaire, me paraissent importants à rappeler, sans pour autant à en faire des textes d’un quelconque livre sacré et en travaillant d’une manière dialectique sur leur rapport aux réalités d’aujourd’hui où effectivement le fait religieux ou plutôt identitaire paraît donner lieu à toutes les mystifications. Je rappelle pour mémoire seulement ce que ma génération connaissait mais dont j’ai l’impression que les bases les plus élémentaires sont aujourd’hui oubliées.

« La base philosophique du marxisme, ainsi que l’ont maintes fois proclamé Marx et Engels, est le matérialisme dialectique…, matéria­lisme incontestablement athée, résolument hostile à toute religion… « La religion est l’opium du peuple » (Karl Marx, Contribu­tion à la critique de la philosophie du droit de Hegel. Introduction). Cette sentence de Marx constitue la pierre angulaire de toute la conception marxiste en matière de reli­gion mais il faut voir que le marxisme a des sources qui permettent de donner toute sa richesse au matérialisme qui n’a rien de vulgaire, proche de celui de certains courants français. Et surtout parce que la lutte des classes est au centre du mouvement de l’histoire, le marxisme considère toujours les religions et les églises, les organisations religieuses de toute sorte existant actuelle­ment, comme des organes de la réaction bourgeoise servant à défendre l’exploita­tion et à intoxiquer la classe ouvrière.

Pourtant les choses ne sont pas aussi simples. Quand on cite Marx et l’opium du peuple, on oublie l’ensemble du propos, le fait que la religion est à la fois une dangereuse mystification permettant de fuir la réalité de la conscience de l’exploitation et comme « le soupir de la créature opprimée » ; c’est-à-dire un cri étouffé contre l’oppression. Lénine était encore plus prudent en matière de répression religieuse.

Engels ne manqua pas de condamner les tentatives de ceux qui, désireux de se montrer « plus à gauche » ou « plus révolutionnaires » que la social-démocratie, voulaient introduire dans le programme du parti ouvrier une proclamation explicite d’athéisme, ce qui signifiait une déclaration de guerre à la religion. Lénine s’appuie sur Engels qui condamna la guerre à la religion menée par les blanquistes comme étant « le meilleur moyen de raviver l’intérêt pour la religion et de rendre plus difficile son dépé­rissement effectif : « Engels impute aux blanquistes de ne pas comprendre que seule la lutte de classe des masses ouvrières, amenant les plus larges couches du prolé­tariat à pratiquer à , fond l’action sociale, consciente et révolutionnaire, peut libérer en fait les masses opprimées du joug de la religion, et que proclamer la guerre à la religion comme tâche politique du parti ouvrier, n’est que de la phraséologie anar­chisante » (id.).

Le même avertissement a été lancé par Engels dans l’anti-Dühring, en relation avec la guerre que Bismarck faisait à la religion : « Par cette lutte, Bismarck n’a fait que raffermir le cléricalisme militant des catholiques ; il n’a fait que nuire à la cause de la véritable culture, en mettant au premier plan les divisions religieuses, au lieu des divisions politiques, il a fait dévier l’attention de certaines couches de la classe ouvrière et de la démocratie, des tâches essentielles que comporte la lutte de classe révolutionnaire, vers l’anti-cléricalisme le plus superficiel et le plus bourgeoisement mensonger. En accusant Dühring, qui vou­lait se montrer ultra-révolutionnaire, de vouloir reprendre sous une autre forme cette même bêtise de Bismarck, Engels exigeait que le parti ouvrier travaillât patiemment à l’oeuvre d’organisation et d’éducation du prolétariat, qui aboutit au dépérissement de la religion, au lieu de se jeter dans les aventures d’une guerre politique contre la religion (..) Engels (..) a souligné à dessein (..) que la social-démocratie considère la religion comme une affaire privée en face de l’Etat, mais non envers elle­ même, non envers le marxisme, non envers le parti ouvrier. » (id.)

Cette distinction entre le refus de la guerre à la religion au niveau de la nation et de l’Etat, mais au travail d’éducation à une vision scientifique dans le parti est une des bases communes à la plupart des théoriciens marxistes, mais elle va être confrontée donc à toutes les difficultés que le socialisme réel aura avec la relation parti, masse, appareil d’Etat. Il y a là-dessus aussi beaucoup de réflexions à connaitre et à poursuivre.

On le voit, l’attitude des théoriciens du marxisme à l’égard de la religion fut complexe et colla aux contradictions réelles de leur lutte pour rassembler les masses dans la prise du pouvoir autant que dans le rassemblement de la classe ouvrière, et y compris ultérieurement les exploités du tiers monde (Fidel Castro) et ne pas se perdre dans des antagonismes stériles. Ce sont donc des positions qui demeurent de principe mais il y a en germe effectivement des questions qui relèvent de la manière dont se confondent Etat et Parti ou encore du rôle de l’avant garde communiste et des masses d’une nation.

Pourtant par expérience je sais à quel point avoir été imprégnée de ces positions théoriques et de leur mise en pratique dans les luttes du parti communiste français m’a aidée et m’aide encore aujourd’hui à percevoir différemment tous les problèmes que l’on tente d’ériger entre les travailleurs en utilisant des identités comme la religion mais aussi la nation elle-même, dont je suis pourtant convaincue qu’elle constitue un point d’appui important des luttes des travailleurs contre l’impérialisme et leur propre exploiteurs. Le plus difficile est de partir dans cette dialectique de la réalité des conditions actuelles de la lutte des classes et pas de l’idéologie. Je suis assez d’accords avec l’idée que l’on ne sort pas de l’idéologie par l’idéologie, même si celle-ci joue un rôle important dans la représentation que les êtres humains, individus ou groupes se font des dites conditions historiques.

Il faut encore voir que le premier commentaire de Lénine sur la religion qui ait été traduit, est une défense passionnée de la liberté religieuse. Il s’agit d’un texte écrit en 1903, adressé aux paysans pauvres de Russie, qui déclare que les marxistes « exigent que chacun ait le plein droit de professer la religion qu’il souhaite ». Lénine dénonçait comme particulièrement « honteuses » les lois en vigueur en Russie et dans l’Empire ottoman (« les scandaleuses persécutions policières contre la religion ») ainsi que les discriminations en faveur de certaines reli­gions (respectivement l’Eglise orthodoxe et l’Islam). Pour lui toutes ces lois sont aussi injustes, arbitraires et scandaleuses que possible, chacun devant être parfaitement libre, pas seulement de professer la religion qu’il souhaite, mais aussi de la propager ou d’en changer.

Les idées de Lénine sur de nombreux aspects de la politique révolutionnaire évoluèrent avec le temps et les tâches concrètes, mais pas en ce qui concerne cette question. Il y a d’ailleurs peut-être dans cette non évolution un problème. C’est ce dont témoigne sa première déclaration importante « Socialisme et religion » – un texte de 1905 – qui reste très proche, dans le fond, de ses derniers écrits sur ce sujet.

« Socialisme et religion » définit le cadre indispensable de la démarche des bolcheviks envers la religion. Cet article résume, dans un style accessible, les conclusions déjà atteintes par Marx et Engels sur le sujet : la religion, dit Lénine, est « une sorte d’alcool spirituel qui encourage les ouvriers à subir leur exploitation dans l’espoir d’être récompensés dans la vie éternelle. Mais à ceux qui vivent du travail des autres, la religion apprend à pratiquer ici-bas la charité, ce qui permet de justifier à bon compte toute leur existence en tant qu’ex­ploiteurs et de leur vendre un billet à tarif réduit pour la béatitude dans l’au-delà. » Quand on en est comme aujourd’hui à un stade ou l’impérialisme sous ses formes néo-coloniales mais aussi consuméristes et avec cette forme idéologique nouvelle que peut représenter internet, on s’aperçoit que l’illusion de la récompense de la vie éternelle peut à ce point s’assortir de nihilisme voir de fascisation, il est évident qu’il faut enrichir l’analyse même et surtout si les principes demeurent plus que jamais valables.

Pour Lénine, dans le cadre de la dictature du prolétariat, la religion était une affaire privée. Il affirmait que les communistes vou­laient un Etat absolument indépendant de toute affiliation religieuse et ne contribuant par aucune aide matérielle aux dépenses des organisations religieuses. En même temps, toute discrimination envers les religions devait être bannie, et tout citoyen devait « être libre de professer n’importe quelle religion » ou d’ailleurs, « aucune religion du tout ».

En revanche, concernant le parti marxiste, la religion ne fut jamais considérée comme une affaire privée : « Notre parti est une association d’éléments animés d’une conscience de classe, à l’avant-garde du combat pour l’émancipation du prolétariat. Une telle association ne peut et ne doit être indifférente à ce que les croyances religieuses signifient comme ignorance, obscurantisme et perte de conscience de classe. Nous exigeons la complète séparation de l’Eglise et de l’Etat, pour être capables de combattre le brouillard religieux par des armes purement et simplement idéologiques, au moyen de notre presse et de nos interventions. Mais pour nous, le combat idéologique n’est pas une affaire privée, c’est l’affaire de tout le parti, l’affaire de tout le prolétariat.

Chacun conviendra que par rapport à l’état des partis communistes en particulier en France, la distinction paraît ne plus fonctionner et les communistes sont entraînés dans tous les opportunismes autant QUE LES SECTARISMES ». Tout cela se fait aux dépends de l’oubli de l’essentiel, à savoir l’unité du prolétariat contre les exploiteurs.

Lénine ajoutait qu’on ne pourrait pas venir à bout de la religion uniquement par une propagande creuse et abstraite : « Il faudrait être un bourgeois à l’esprit étroit pour oublier que le joug de la religion … n’est que le produit et le reflet du joug économi­que qui pèse sur la société. Toutes les bro­chures et tous les discours ne pourront éclairer le prolétariat s’il n’est pas éclairé par son propre combat contre les forces obscures du capitalisme. L’unité dans ce combat réellement révolutionnaire de la classe opprimée pour la création d’un paradis sur terre, est plus importante pour nous que l’unité de l’opinion des prolétai­res sur un paradis dans les cieux.  »

Les communistes, écrivait Lénine, sont opposés de façon intransigeante à toute tentative d’attiser « les différences secondai­res » sur les questions religieuses, ce qui pourrait être utilisé par les réactionnaires pour diviser le prolétariat. Après tout, la source véritable du « charlatanisme reli­gieux  » est l’esclavage économique. :

Au titre des questions de notre temps, il faut incontestablement repenser le rôle de l’impérialisme et des luttes des peuples pour la défense de leur souveraineté dans le fait colonial, puis néo-colonial aujourd’hui. Là encore il y a des positions de principe et la lutte anti-coloniale en est un incontournable, mais il y a aussi la tentation de remettre au centre du combat non pas l’impérialisme mais des luttes raciales et des stéréotypes historiques qu’il faut à chaque instant démonter.  Nous avons besoin d’un véritable travail théorique et politique avec des priorités de lutte sur lesquelles nous rassembler en évitant les leurres.

Danielle Bleitrach

 

 
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Publié par le janvier 23, 2016 dans Uncategorized

 

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