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Iouri Iourtchenko : la rébellion d’un poète

25 Août

Le 19 août dernier, Iouri Iourtchenko, 59 ans, poète, dramaturge et citoyen français, a été fait prisonnier par les forces ukrainiennes avec sept autres personnes dans le Donbass, à proximité du village d’Ilovaïsk. Arrivé comme volontaire, arrêté comme journaliste, son sort est aujourd’hui entre les mains de Kiev. Portrait.

Iouri Iourtchenko

Personne ne lui avait demandé, lui-même n’y avait jamais songé. Son départ pour le Donbass, Iouri Iourtchenko l’a décidé sur un coup de tête, ou plutôt sous le coup de l’émotion. Né en Ukraine en avril 1955 dans une prison d’Odessa, élevé en Russie, accueilli en France, Iouri Iourtchenko reconnaît lui-même qu’il « n’aurait jamais cru devoir prendre une telle décision ». « La Russie et l’Ukraine, pour moi, c’est la même chose. Il m’est impossible de dire combien je suis ukrainien et combien je suis russe », confiait-il peu de temps après son arrivée dans l’Est ukrainien, fin juin, dans une interview vidéo à Ikorpus, média affilié à la république populaire de Donetsk (RPD), tournée à Slaviansk le 29 juin.

La guerre médiatique fratricide qui a suivi le mouvement Maïdan a pourtant décidé le poète. « J’ai compris que se battre sur Facebook ne suffisait plus. Je devais y aller. Je me devais d’aider comme je le pouvais : ce sont ma terre, les miens », déclare-t-il, ému, devant la caméra. À l’origine de ce déclic : la tragédie d’Odessa et l’histoire de la mort au combat d’un père de famille moscovite qui avait tout quitté pour rejoindre les insurgés du Donbass. « Il disait ne plus pouvoir supporter la situation et se cacher derrière ses enfants et sa femme », ajoute Iourtchenko, avant d’expliquer son engagement dans quelques vers écrits sur place.

« Pourquoi vais-je combattre
Pour ne pas me mentir
Pour ne pas tout concéder :
C’est ici chez toi, là où on a plus besoin de toi qu’à la guerre
Ils trouveront quelqu’un d’autre, qui se mettra en rang,
Qui acceptera le combat.
Pour cette façon de vivre, il convient de se faire trancher la tête »

Arrivé à Donetsk aux alentours du 11 juin afin de « briser le blocus occidental sur l’information  », Iouri Iourtchenko a d’abord aidé la rébellion en traduisant en français les « nouvelles du front », pour les publier sur différents médias en ligne. Puis il est parti pour Slaviansk, bastion des pro-russes jusqu’avant la retraite des insurgés. « J’ai toujours senti que ma place était à Slaviansk. Et aussi étrange que cela puisse paraître, je n’ai jamais ressenti une telle quiétude qu’en étant ici et maintenant », avoue Iouri dans l’entretien vidéo. Le poète, désormais correspondant du ministère de la défense de la RPD, s’est alors donné pour mission de montrer la face cachée du conflit. Bombardements contre les populations civiles, portraits d’insurgés… : Iouri n’hésitait pas à aller au cœur de la zone de combat. Un engagement qui lui a valu d’être arrêté, le 19 août, par le bataillon Donbass des forces ukrainiennes, qui l’accusent de lien avec les insurgés, dans la ville d’Ilovaïsk, où il effectuait un reportage sur les bombardements.

Qualifié d’ « âme perdue » et de « poète du terrorisme de la république de Donetsk » par le conseiller du ministre ukrainien de l’intérieur Anton Gerachtchenko, Iouri Iourtchenko serait remis à la justice ukrainienne dès la reprise définitive d’Ilovaïsk par les troupes de Kiev.

Iouri Iourtchenko est arrivé en France en 1992 « par curiosité et non pour des raisons politiques » aime-t-il à répéter. Marié à l’actrice française Dany Kogan (vidéo ci-dessous), il possède la double nationalité française et russe. Dramaturge, acteur et poète, il a présidé l’association théâtrale Les Saisons Russes et remporté plusieurs concours internationaux. Diplômé de l’École doctorale de la Sorbonne pour son travail sur « Les sources du théâtre russe poétique », il poursuit ses recherches à l’Université Paris X sur « Le théâtre russe poétique du début du XXe siècle ».

Ses poèmes et ses pièces de théâtre sont traduits en français, en italien, en néerlandais, en bulgare et en allemand. Il a publié sept ouvrages : des poèmes, des traductions du géorgien et des pièces de théâtre.

Ses huit pièces de théâtre sont jouées dans les théâtres musicaux et dramatiques de Russie, d’Ukraine, d’Allemagne et de France.

En français, il a notamment joué les rôles de Trigorine dans La mouette de Tchekhov au théâtre Théâtrographe d’Avignon, de Staline dans un spectacle tiré du roman Vie et destin de V. Grossman au théâtre Le petit Hébertot à Paris, et de Faust dans Faust et Elena à Avignon.

 
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Publié par le août 25, 2014 dans Uncategorized

 

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