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Des photos rares d’un ghetto en Pologne, sous l’objectif du photographe de Hitler par Alain Granat

23 Oct

Lundi 22 octobre 2012

Des photos rares d’un ghetto en Pologne, sous l’objectif du photographe de Hitler

Pourquoi Hugo Jaeger, célèbre photographe allemand dans les années 30, nazi de la première heure et l’un des rares photographes admis dans le cercle restreint des intimes d’Hitler pour immortaliser le Führer, a-t-il réalisé ces photos exceptionnelles de juifs du ghetto polonais de Kutno ?

Exceptionnelles, ces photos le sont à plus d’un titre. D’abord en raison de la personnalité du photographe, familier d’Hitler, envoyé en Pologne sous l’uniforme comme correspondant de guerre pour fixer des images de propagande telles qu’on en a vu des centaines. Ensuite parce que Jaeger est l’un des rares photographes allemand à utiliser alors la nouvelle technologie des films couleurs produits par Kodak, ainsi qu’un procédé permettant de visionner ces photos en 3D.

Ces clichés, une vingtaine, ont été pris entre la fin de l’année 1939 et 1940, dans le ghetto de Kutno, une ville se trouvant à une centaine de kilomètres de Varsovie, peu après l’invasion de la Pologne par les nazis. Le ghetto, qui comptait 8000 juifs, sera liquidé en 1942 et ses rares survivants déportés dans les camps d’extermination.

A contrario de la plupart des photos prises par les nazis dans les ghettos et connues jusqu’ici, visant à montrer les juifs comme des sous-hommes, des images de domination, de soldats aryens humiliant ces habitants, les photos prises par Hugo Jaeger font preuve d’empathie. De curiosité aussi, peut-être de fascination, du moins ne témoignent nulle hostilité, sinon de la misère et des privations régnant dans le ghetto.

Elles appartiennent au magazine Life, qui les a présentées à l’occasion du 72è anniversaire de l’établissement du ghetto de Varsovie. Leur histoire est également étonnante. Hugo Jaeger, craignant d’être arrêté par les alliés en 1945 en possession de plus de 2000 clichés d’Hitler, enterra ses négatifs dans des récipients en métal qu’il cacha aux abords de Munich. Il les retira de ses cachettes au fil des années qui suivirent la fin de la guerre, plaça les négatifs dans un coffre en Suisse en 1955, et les vendit à Life dix ans plus tard.

Il est bien sûr impossible de dire avec certitude dans quelles conditions ces photos ont été réalisées, visiblement pas sous la contrainte, et à l’exception d’une seule, sans présence de soldats. Qu’il l’ait voulu ou non, Hugo Jaeger a réalisé des portraits d’hommes, de femmes et d’enfants juifs promis à la destruction, dans toute leur humanité. Un témoignage unique et stupéfiant, d’autant plus fort que certaines de ces photos, tels ces portraits de jeunes femmes bouleversantes de beauté, semblent avoir été pris hier, et non voilà 72 ans dans un ghetto de Pologne, antichambre des camps de la mort.

Alain Granat

Photos © Time Life Pictures/Getty Images, merci à Clara Lainé Malinow

 
 

13 réponses à “Des photos rares d’un ghetto en Pologne, sous l’objectif du photographe de Hitler par Alain Granat

  1. HavaForEver

    octobre 23, 2012 at 12:51

    Des moments rares et bouleversants qui nous rappellent que ces gens auraient aimé vivre, que nous aurions tellement voulu les savoir vivants quelque part…
    Ces visages souriants au plein cœur de la misère nous laissent perplexes, il nous déchirent le cœur et nous transpercent d’une émotion étonnamment douce. L’objectif de l’ennemi a su capter la dignité de chacun de ces hommes à dépasser la condition dégradante dans laquelle ils étaient condamnés…
    La couleur de ces clichés, très rare pour les témoignages que nous avons de cette époque, contraste avec le dénuement du décor d’une part, mais surtout avec la réalité qu’elle traduit. Ces photos semblent comme nous être parvenus d’un espace-temps encore non localisé dans les détours de cette très sombre période de l’Histoire.

    Merci pour ces pièces rares qui ravivent de manière si particulière la mémoire de ces personnes dont la perte n’est commensurable qu’aux profondeurs abyssales de l’océan de souffrances dans lesquelles ils furent noyés.

     
  2. programme prise de masse

    octobre 24, 2012 at 4:22

    Les photos sont vraiment très belles… on a du mal à imaginer de si grands sourires dans des conditions de vies (de détentions) si inhumaines.

     
  3. histoireetsociete

    octobre 24, 2012 at 6:41

    ce qui me touche encore plus c’est le fait que tous ces gens ont été exécutés et pour les rares qui ont survécu expédiés dans des camps d’extermination. Aussi le fait qu’ils ressemblent aux roms… pour une part ma propre famille provient de cette histoire étrange de sourire radieux et de meurtres…

     
  4. baloesteros rose

    octobre 24, 2012 at 7:02

    Photos extremement emouvantes et impressionnantes par leur realisme. Surtout quant on connait la suite des evenements!

     
  5. theyellowmarshmallow

    octobre 24, 2012 at 7:51

    Photos magnifiques, merci pour cet article.

     
  6. tony

    octobre 24, 2012 at 11:16

    Mon Dieu !!!!Quel emotion savoir que la plupart de ces gens ces sourires ne sont plus parmis nous,,,merci pour le partage des photos et de l’article

     
  7. the office of whisper

    octobre 24, 2012 at 9:33

    les photo sont d’une qualités incroyable. Une période à ne pas oublier. Sachant que certains états du moyen orient comme l’Iran ne reconnaissent pas la Shoah. Plus jamais sa!

     
  8. Ossart

    octobre 25, 2012 at 6:49

    Oui le photos sont belles mais on ne voit que des gens qui sourient….C’est etrange. Pas une photo qui montre la vraie realité de ces humiliants ghettos. Photographe de Hitler vous dites? Comme un petit air de propagande.
    Quant à ceux qui sourient sur les photos, on ne peut être qu’admiratifs et touchés!

     
  9. porras anne marie

    octobre 25, 2012 at 4:34

    Etonnant de voir ces visages tendres, doux rayonnants lorsque l’on connait le fond de l’histoire…..Comment est ce possible d’avoir de tels clichés ?

     
  10. DANO françoise

    octobre 28, 2012 at 10:18

    Merci de faire revivre un instant parmi nous ces fantômes partis en fumée dans les crématoires nazis . Que leur présence éphémère et rayonnante s’inscrive à jamais dans nos mémoires et celles des générations futures .

     
  11. stain23

    novembre 1, 2012 at 3:05

    Ce sont des photos très touchantes, et pleines d’émotions…

     

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