
Cette amorce de bilan tient à l’observation du fonctionnement du PCF par rapport à divers événements que sont les bons résultats de la CGT aux élections, la participation du parti communiste au diverses manifestations qui ont eu lieu à Marseille autant que les débuts de la mise en mouvement du parti. Nous sommes dans une période où la lutte des classes s’intensifie et où l’urgence d’un parti en phase avec le monde du travail, un parti révolutionnaire c’est-à-dire qui vise à la fin de la domination d’une classe qui a fait son temps, est nécessaire. Un parti qui s’appuie sur le rôle révolutionnaire de ceux qui sont exploités et qui ont toujours représenté le mouvement de l’histoire, un parti qui en marque l’autonomie y compris par rapport à la petite bourgeoisie dont le discours tend à devenir de plus en plus hargneux à défaut d’être révolutionnaire. Dans une telle période que se passe-t-il dans ce haut lieu de la lutte des classes que sont les bouches du rhône et cette ville prolétarienne qu’est Marseille?
Je mets ces quelques remarques sous le haut parrainage de Karl Marx qui considérait que nous étions une nation d’émeutiers, incapables de mesurer les conséquences politiques et idéologiques d’une situation mais qui nous donnait en exemple aux Allemands à cause du refus du prolétariat français de se mettre sous la direction de la bourgeoisie, petite ou grande. Nous avons les défauts de nos qualités et les capacités de rébellion de notre peuple sont grandes, notre égalitarisme irréductible. Le mouvement français dit des « gilets jaunes » mais qui ne se limite pas à ce mouvement et qui secoue notre pays depuis pas mal de temps est très suivi en Europe et partout dans le monde. Le renouveau du PCF est également apprécié.
D’abord qu’il soit affirmé hautement que je me réjouis des changements qu’a apporté le Congrès aux orientations du PCF, comme je me réjouis des interventions -entre autres- de Fabien Roussel et de Ian Brossat dans les médias, enfin des gens qui ont l’air convaincus de ce qu’ils disent et qui recentrent le discours du parti sur l’essentiel, loin de la politique politicienne. Voilà des gens fiers d’être communistes et qui le revendiquent au lieu de périodiquement nous inviter à changer de nom. Je partage également le souci qu’a eu cette nouvelle direction de ne pas diviser le parti. Comme bien sûr je partage leur volonté de non effacement du parti, de leur capacité à marquer l’autonomie pour mieux inviter tous ceux qui le veulent à frapper ensemble contre les adversaires du monde du travail.
Qu’en est-il pour Marseille, même si le congrès y a été mené dans des mœurs de spadassins visant à donner la majorité à Pierre Laurent et aux refondateurs et à nier de fait tout espace de direction aux militants du manifeste, le parti dans sa masse a cru au discours sur l’unité et se conduit aujourd’hui comme tel. Disons qu’à la base, les communistes se sont mis à distribuer des tracts et qu’ils apprécient à la fois que le parti n’ait pas été divisé et la combativité de la nouvelle direction nationale. Le légitimisme marseillais crée des conditions favorables et le dévouement des militants existe. Les tracts qui sont distribués sont bons qu’il s’agisse des propositions du candidat Ian Brossat ou de ceux sur le pouvoir d’achat. Il n’y a aucune autre force qui bénéficie de cette capacité obstinée d’être présents partout et quel que soit son état de faiblesse le PCF demeure sans équivalent en capacité militante. Tout cela n’a fait que renforcer ma conviction que si l’on veut éviter une situation à l’italienne, il n’y a pas d’autre issue que d’œuvrer dans le sens de la transformation du parti avec tous les militants.
Mais car il y a un mais, je pense que nous avons hérité de la préparation du Congrès de situation inégales suivant les départements. Dans les bouches du Rhône, nous avons une combativité prolétarienne et du monde du travail indéniable et une direction fédérale qui est incapable de profiter de toutes ces opportunités, c’est du moins mon diagnostic. Elle va perdre beaucoup de temps alors qu’il y a urgence dans la survie, il y a un certain ébranlement lié à ce potentiel mais il manque de prendre la mesure politique de l’urgence, en particulier celle de renouer avec le monde du travail, l’entreprise mais aussi ce qui s’est désagrégé avec la transformation du port et d’autres centres industriels. Il est bon que les communistes soient là, prêts à distribuer des tracts, voire à coller des affiches, mais il faudrait un véritable effort pour qu’ils s’approprient une stratégie, y participent, tous les communistes cela signifie que l’action et le débat se poursuive avec la conscience du but recherché. Nous en sommes loin.
Je redis que quand je parle de la direction locale du PCF je parle de la fédération des Bouches du Rhône, et en particulier de Marseille et pas de la direction nationale que je soutiens pleinement.
D’abord cette direction fédérale est incapable de mesurer l’état réel du parti et le fait que les communistes ont littéralement disparu des références de l’immense majorité du prolétariat tel qu’il existe aujourd’hui à Marseille et dans notre département. Le communisme est une idée que la plupart des moins de 20 ans ne peuvent pas connaître sauf s’ils ont des grands-parents communistes. Ce n’est pas plus mal parce que ceux qui se souviennent de leurs cours d’histoire en gardent l’idée que nazisme et communisme c’est la même chose.
Nous avons eu depuis Robert Hue des gens qui loin de combattre ces idées les ont entretenues y compris chez les militants, ont adopté au plan international des visions social-démocrates et qui ont renié successivement Cuba, l’ex-URSS et maintenant la Chine, identifiés à l’impérialisme, celui-ci n’a cessé d’être excusé au nom de la lutte nécessaire contre des dictatures. Au plan intérieur, non seulement le marxisme a été abandonné au profit de vagues références sociologiques mal maîtrisées, mais tout a été fait pour que depuis plus de 15 ans nous nous effacions derrière des sociaux-démocrates. Ces idées sont majoritaires au niveau de la direction fédérale, la responsable à la formation est à la pointe de ces inepties.
Il est clair que nous n’allons pas mener les combats qui sont les nôtres dans l’immédiat en tentant de refaire le terrain, mais pourtant il y a urgence à le refaire chez les communistes eux-mêmes, comme d’ailleurs si l’on considère la question de l’Europe, et de l’attitude des communistes.
Comme ma fédération n’a qu’une obsession l’électoralisme, ce qui ne l’a pas empêché d’ailleurs de perdre position après position, la soumission à toutes ces « idées » y a été plus forte qu’ailleurs. Tandis que la combativité réelle du monde du travail était partiellement récupérée par l’anarchosyndicalisme. Tout une partie de la classe ouvrière s’auto-exploitant ou vivant chez de petits artisans a été abandonnée à son sort, et c’est elle que l’on retrouve chez les gilets jaunes.
On reste enfermé entre soi dans un milieu vieillissant ou on se réjouit d’enfin avoir touché la jeunesse quand on rencontre celle qui vit du socio-culturel dans les quartiers du cours julien. Etudiants, animateurs en voie de suspension de subventions, tous ces gens sont dynamiques et on peut se réjouir que le PCF les rencontre, mais ils ne mordent pas plus sur le prolétariat même s’ils en partagent le faible niveau de ressources. C’est le public de nuit debout. Il ne faut pas négliger le rôle de caisse de résonance qu’il peut y avoir face au crime impuni de ces pauvres gens enfouis sous les décombres de l’habitat insalubre. Le système municipal, clientéliste et corrompu est en train de s’effondrer et le maire Gaudin devient le bouc émissaire d’un système qui espère perdurer. La question du logement, l’habitat insalubre est une des plus sensibles et pourtant là encore on peine à y rallier toutes les principales victimes. Comment là encore avancer, tenir compte de cette forme spontanée qui a surgi, des atouts existants pour bousculer le clientélisme marseillais, l’apparente inertie de ce monde en souffrance.
Le paradoxe qui veut qu’un maire de droite et son clientélisme soit élu avec 15% des inscrits, est-il réellement mis en cause? Comme au plan national, les notables expliquent à Macron qu’il a eu tort de les négliger pour faire appliquer ses réformes et donc que le capital a encore besoin d’eux, est-ce que le PCF est en situation de dénoncer ce compromis que la droite est toujours disposée à passer pour que la révolte passée rien ne change ? Il faut un parti communiste capable de bousculer le système d’offrir d’autres perspectives.
Ce que je constate donc c’est que cette fédération du PCF en particulier à Marseille demeure dans les ornières de l’ancienne stratégie et va poursuivre dans l’effacement à la fois idéologique et sur le terrain, se contentant d’un rapprochement avec le milieu des animateurs et socio-culturels plus proches d’ailleurs de Ruffin et de ses coups de gueule, que des rassemblement prolétariens tentés dans les Hauts de France. Non pour renoncer à combattre avec eux mais pour élargir le combat.
J’ose affirmer que c’est cette fédération, les Marseillais surtout, qui a mené le congrès pour aboutir aux pires résultats dans l’immobilisme, puisque c’est la seule à avoir envoyé uniquement des représentants de l’ancienne équipe et des refondateurs au CN, alors que le manifeste avait 38% des exprimés (malgré le bourrage d’urnes)… Sous prétexte de « préserver l’unité du parti et refuser les tendances » (alors qu’ils s’étaient constitués en tendance contre le manifeste), ces tricheurs ont accompli ce qui ne s’est accompli dans aucune autre fédération, même pas la Seine saint Denis, il n’y a pas un seul représentant du manifeste des bouches du Rhône au CN, ce sont tous des bons petits soldats de l’ancienne stratégie. Il ne faudrait d’ailleurs pas que la référence à l’ancien secrétaire masque la réalité de ce qui est entretenu, à savoir l’adhésion de fait à un certain nombre d’idées: la dénonciation de fait de tous les communismes confondus avec le totalitarisme, le refuge dans un communisme idéal n’ayant existé nulle part ce qui économise sous la vague visée communiste toute mesure concrète du socialisme réel et nous aligne derrière la social démocratie, voire un retour au congrès de Tours, le tout avec l’idée que la classe ouvrière n’existe plus. C’est cette idéologie là qui est à l’oeuvre non seulement dans les membres du CN des Bouches du rhône, mais dans la direction. Et il ne s’agit en aucun cas de laisser naître une réflexion qui la contredise… L’activisme militant, la formation, tout doit entretenir des idées pourtant battues au Congrès, mais pas suffisamment débattues. Recréer une relation avec le monde du travail, l’entreprise, le prolétariat devrait être au centre de cette démarche.
Pourtant il existe encore des liens avec le monde du travail, les gens de la fonction publique mais ce sont chez des retraités qui voient encore leurs anciens collègues, comme il y a dans la JC une exigence de marxisme, une connaissance réelle de l’histoire et du communisme vivant, mais je vois mal comment cette fédération va y répondre telle qu’elle est.
De même au Comité départemental, n’y sont présents à de rares exceptions près que de fait que ceux qui acceptent l’union sacrée autour des suppôts de l’ancienne stratégie et les refondateurs. La formation des militants est confiée à l’une d’entre eux. Donc je parle d’une situation particulière, celle d’un département ouvrier, combatif, avec d’excellents résultats de la CGT et dont le parti est dirigé, animé, dans sa quasi totalité par ceux qui viennent de l’ancienne stratégie et selon moi continuent à être incapables de mener autre chose.
Cela n’est pas inspiré par le ressentiment mais par le regret de la perte de temps alors que nous en avons peu pour reconquérir une population qui a besoin de nous mais dont les jeunes ont perdu jusqu’à la mémoire de notre existence.
Autant je partage la prudence de l’actuelle direction nationale, le refus de diviser autant je suis pessimiste sur ce que cette nécessité entretient, la force d’inertie qui est encouragée et le découragement de tous ceux qui aspirent à la mise en oeuvre du Manifeste tel qu’il a été soutenu dans la préparation du congrès. Pour faire simple disons que la principale question à savoir la nécessité d’un parti révolutionnaire qui était derrière celle du refus de l’effacement a peu de chance d’être murie, pensée… Il faudrait une prise de conscience de cette nécessité d’un parti révolutionnaire dont nous sommes loin.
Je suis convaincue que cette fédération telle qu’elle est du moins à Marseille est incapable d’être en capacité d’utiliser le renouveau du parti et le mouvement qui se déploie sous nos yeux.
Personnellement j’ai renoncé à aller expliquer cela à ma cellule, à ma section, la préparation du congrès m’ayant montré le peu d’audience et de compréhension que je peux attendre de gens qui n’ont cessé d’affirmer des contre-vérités sur le simple plan de la connaissance de la société française pour maintenir en place des gens qui pourtant n’avaient cessé de faire la preuve de leur nocivité. Je n’ai plus la force de guerroyer telle une don quichotte octogénaire. Je crains que nous soyons quelques uns à être découragés.
On me dira que ce sera pour le prochain congrès, c’est possible mais je n’ai pas l’âge, ni la patience de supporter cette force d’inertie alors je vais continuer à agir parallèlement dans ce que j’estime être le bon sens… sans perdre plus de temps et d’énergie que la situation ne l’exige. Si des forces se lèvent dans le sens du renouvellement du congrès je m’y associerai dans la mesure de mes moyens, mais prétendre autre chose dans le cadre des structures existantes est vain. Il faudrait des adhésions massives pour transformer la situation et pour recréer un parti qui correspondrait aux exigences de l’heure alors que celui-ci ne pense qu’aux municipales.
deux propositions constructives : un pour la prochaine manif les communistes se mêlent aux gilets jaunes dés le début, et le député des Bouches du rhone vient comme d’autres se méler à eux… Enfin la formation des militants s’ouvre à des gens qui ont autre chose à raconter que la messe des refondateurs … sans exlure, ouvrir à d’autres ce qui n’est pas dans les moeurs de la fédération…
Je suis par ailleurs plus que jamais convaincue qu’il n’y a pas d’autres voies que celle d’une reconquête du parti communiste et plus que jamais hostile aux égarements groupusculaires, ne serait-ce que parce que j’ai vu la plupart d’entre eux vicieusement opposés à tous mes efforts durant cette préparation du congrès et pesant de tous leurs poids de fait pour renforcer à la fois l’ancienne direction et Jean Luc Mélenchon comme unique issue à laquelle s’associerait leurs militants.
Danielle Bleitrach