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la lutte de l’ange ou la fin d’une petite rondouillarde qui raconte sa vie…

30 Mar

voici dans mes papiers d’archives ce texte écrit hier et qui pourrait l’être aujourd’hui surtout cette image d’une manifestation où elle défile aux côtés des autres en portant SA pancaerte J’AI MAL PARTOUT, en hommage à geneviève legay  (note de danielle Bleitrach)

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La fin ou la lutte contre l’ange ou Je joue une petite vieille, rondouillarde, qui raconte sa vie »Hier après-midi j’ai assisté à un cours de cinéma à partir du film d’Agnès Varda, les plages, dans lequel elle pretend reconstituer une autobiographie dont l’essentiel ce sont les autres. J’adore certains cours de cinéma et je me réjouis déjà de la retrospective sur le cinéma iranien organisée par la fac avec présence de specialiste de l’iran et cinéastes. Mais pour revenir à Agnès Varda, je me sentais au milieu des étudiants et des jeunes profs un peu dans le rôle titre, autobiographie du cinéaste mais aussi autobiographie de danielle Bleitrach même si elle a dix ans de plus que moi. J’assume. Elle dit adieu à la vie sans le moindre aspect morbide, elle a vécu et bien vécu et pour fêter ses 80 balais elle produit cet autoportait grave et enjoué pour que selon les mots de Montaigne, il soit destiné « à ce que (‘l’)ayant perdue (ce qu’ils auront à faire bientôt) », ses parents et ses amis y puissent la retrouver telle qu’elle fut. »

ITW Agnès Varda – Les Plages d’Agnès – Vidéo 

dailymotion.com10 déc. 2008 – 7 mn
Interview d’Agnès Varda pour la sortie de son film les plages d’Agnès le 17 Décembre 2008. Retrouvez le 

Entre ces miroirs qu’elle dépose sur la plage, ces cadres où elle apparaît dans une construction en abime et ses bouts du monde vers lesquels elle avance à reculons, elle cherche une forme pour dire ce je avec les autres, alors pas de périodicité chronologique mais des lieux, un lieu, les plages.

Cette petite vieille rondouillarde comme elle se présente avance avec et à côté de l’Histoire comme un personnage de Sempé avec sa petite pancarte personnelle dans une manifestation « j’ai mal partout ». Et moi donc, je me souviens l’an passé à Prague sur les traces d’Heydrich le bourreau, j’avais une double sciatique et une molaire carriée, le nerf à vif. j’ai avalé tant de doliprane sur les traces de kafka qu’en rentrant j’ai fait une jaunisse. Il vaut mieux se ballader seule parce que parfois on rêve mieux comme ça. Elle est conviée à des célébrations, à des retrospectives de photographies du TNP: ils sont tous morts dit-elle en répandant roses et bégonias devant les magnifiques portraits de gérard Philippe. Le Prince de Hombourg saisi en plein jour pour restituer la nuit. Moi aussi j’ai été amoureuse de Gérard philippe, il nasillait un peu mais lui et Vilar venaient dans les lycées. ils y croyaient. Lumière, flou au premier plan et Agnès comme moi qui regarde tous ces gens déjà déjà étrangers, elle reprend un plan, un dialogue, monte autrement… Pour dire la mémoire et sa perte qui s’obstine sur un poème, comme « le juste midi » décrit le cimetière marin dans lequel la famille de jean Vilar s’est installée, les ressemblances et la perte de la mémoire, la famille et la maison d’enfance que l’on visite mais où l’important est le collectionneur de trains qui l’occupe aujourd’hui. Miroir, plages, reflets comme son compagnon Demy atteint du sida déjà mort et encore en vie avec une caméra qui s’approche pour filmer la peau qui est tavelée et le regard pas encore éteint. Mais on dit « adieu » avec facétie par politesse avec la légereté des trapézistes s’envolant sur la plage… La plage est ce tableau de Courbet à Palavas que moi aussi j’aime temps (je viens de faire un lapsus tant est devenu temps). Homme libre toujours du chériras la mer… Ce voyage dans le sillage de Chris marker pour photographier la Révolution chinoise, la découverte que les habits des nourrissons chinois sont de toutes les couleurs.

Ou encore la révolution cubaine et une étrange photo de Fidel Castro avec derrière lui deux rochers qui lui font des ailes, elle commente: « Fidel Castro un grand utopiste avec des ailes de pierre« … Serait-ce l’ange de l’histoire de Walter Benjamin ? Vous savez ce tableau de Paul Klee qui représente un ange ailes déployées dans lesquelles souffle l’espérance messianique et qui avance à reculons en tentant de ramasser les vaincus, les dechets, et qui ne peut retenir ces traces ?  Elle même à plusieurs reprises avance à reculons . Agnès Varda glane dans son passé comme dans son bric à brac et dans l’amas de ses films, sa vie reconstituée sur un marché aux puces. Elle est une glâneuse et au passage avec pudeur montre comment dans les villes certains sont encore obligés de glâner, les vaincus de l’histoire. L’Ange de l’histoire :j’aime garder cette image de Fidel Castro et de tous ces gens disparus que fleurit avec espieglerie et gravité une petite vieille dame enjouée qui me raconte ma propre vie.

Pas de célébration mais le désordre des images prenant sens les unes par rapport aux autres,. Didi Duberman et les traces, le musée, l’atlas de Waburg… c’est une écriture cinématopgraphique qui joue entre documentaire et fiction. L’atlas, le musée de Waburg…Comme une écolière apprenant jadis les départements, les chefs lieux en montant des petits morceaux d’une carte de france.  C’est « le côté puzzle » dit-elle qui lui plaît ». Et elle joue aussi avec un métier, la nouvelle camera numérique lui permet de filmer sa propre main comme le cadrage des miroirs le je devenu jeu. Elle fouille dans le stock des films par exemple La Pointe courte tournée à Sète (1954) du temps que le maire était communiste. Elle confronte la fiction de hier aux adultes, le pétit gamin espiègle a aujourd’hui les cheveux blancs. Le jeu mène la caméra, les protagonistes .Ainsi un écran  sur une charette  est poussée par les enfants de celui qui est représenté dans le film. Ils ne l’ont jamais vu bouger puisqu’il est mort alors qu’ils étaient tout petits. Cleo de 5 à 7, autre attente de la mort dont elle surimpressionne l’errance sur sa propre errance en sens contraire. C’est un jeu perpétuel mais un jeu plein de gravité où passent les fantômes aimés, le père de son enfant Antoine Bourseiller est le jeune soldat qui noue une amitié avec Cloé qui craint le diagnostic de cancer, lui c’est le départ en Algérie.

La plage, chez elle, est l’enfance belge, la guerre passée à Sète, la fugue adolescente en Corse mais aussi le couple, celui qu’elle forma avec Jacques Demy,à Noirmoutier, où après la mort de l’homme aimé elle réalise un documentaire en 2006, Quelques veuves de Noirmoutier.

Ce film est le mien, moi aussi depuis le temps qu’on me répète qu’il faut que je meure, tous ceux qui viennent m’insulter encore hier une disciple de Soral est venue me dire que moi l’inculte, l’ignare, la vieille vivement la prochaine canicule que je crève… ou cette fille qui organise le blog des rouges vifs de charles hoareau qui est venu me traiter de vieille peau il y a un ou deux ans, jamais plus je ne les ai revus… Vieille… Vieille… crève… depuis tant d’années alors même que j’avais le même âge que tous leurs gourous j’ai eu droit à cette répétition « crève la vieille.. »

Alors je suis comme Agnès Varda « Je joue une petite vieille, rondouillarde, qui raconte sa vie » : et je me moque de moi même, l’autodérision est un sport périlleux tant il y a d’imbéciles mais désormais tout cela m’indiffère… Ma vie ressemble à cette cabane faite de pellicules d’un film qui n’a pas été achevé et dans lequel passe la lumière… Dieu que les insultes m’ont fait souffrir, j’étais si vivante et ils voulaient ma mort. Aujourd’hui c’est terminé, je suis entre gravité et enfance en train de laisser passer la lumières dans les images…

Comment vous expliquer allez voir ce film et vous comprendrez, vous en retirerez même un apaisement, la vie est là comme le juste midi, comme l’éclairage du plein jour qui crée la nuit…  On présente souvent la vieillesse comme déchéance physique, c’est vrai, comme une déchéance intellectuelle, c’est parfois vrai également, encore que j’ai parfois l’impression que tout ce que j’a appris, vécu, multiplie les connexions, mais surtout comme le dit Agnès Varda c’est une extraordinaire liberté même quand le premier plan devient un peu flou, un extraordinaire liberté d’oublier, de s’en foutre… C’est l’idée de vivre jusqu’au bout en étant désormais libéré de bien des choses…de bien des conformismes dans lesquels on vous enferme pour que vous ne choquiez pas, pour que vous participiez à un collectif, famille, patrie, parti.. vous n’avez pas envie de  détruire mais  simplement ce pourquoi vous vous êtes enflammé peut être transformé en jeu comme celui des enfants sur la plage, comme ce déguisement ou cette baleine dans laquelle vous vous engloutissez, vous êtes la fiancée du pirate, la fée de peau d’âne et les folies de mai 68. Vous cherchez la  lumière, la chaleur et de la liberté, la plage c’est ça aussi, les jeux de l’enfance, ceux de l’amour et pourquoi ne pas parler de cet émerveillement, de sa source vivre (tiens je voulais écrire vive)…

Dieu que m’ennuie cette campagne électorale ces appels à voter trucmuche parce que c’est le meilleur, ils sont en train de s’agiter avec des pancartes stupides et moi je passe avec mon écriteau « j’ai mal partout »…

Dieu quel rire m’a secouée quand j’ai vu l’indignation que l’on tentait de provoquer autour de mon texte « allez tous vous faire foutre! » et ma dénonciation huluberlu du monothéisme… ou quelque chose comme ça.. Quel bande d’imbéciles en train de rouler les mécaniques, est-il possible de s’exciter pour ça ?  Jadis ces insultes, ces messages de dévots  d’un anti-impérialisme négationniste m’auraient fait de l’effet aujourd’hui je n’ai même pas daigné lire les textes qui faisaient de moi la nouvelle figure de la haine judaïque contre l’innocent chrétien.. On m’en envoyait, je les jetais sans les lire… J’étais occupée à bien autre chose et c’était à un puzzle…

Un de mes amis est en train de mourir, Jacques. C’était un honnête homme, un communiste. Il a 89 ans  et comme me le disait Aragon, « comme c’est long » comme le corps résiste et comme la vie reste là jusqu’au bout.  Sa mère était juive d’une lignée de marchands de bestiaux madrés et trés intégrés au monde rural lorrain. Le grand père Levy était un maquignon rusé qui avait des relations pour le moins distandues avec le Consistoire, la synagogue.  Son ascendance juive était donc enfouie dans la glèbe lorraine et je la croyais oubliée.Dans sa vie avant de devenir expert en tableau auprès des tribunaux il avait fait un long séjour en Tunisie où il avait réellement découvert le parti communiste. Il était communiste en souvenir aussi de ce moment militant, chaleureux où se mêlaient juifs, arabes, français, maltais, il se souvenait de la bibliothèque d’oeuvres marxistes qu’il s’était employé à créer mais sur le fond il était un peu anar et tant que j’ai été membre du Comité central il s’employait à me contredire . Ces derniers temps la seule chose qui continuait à l’intéresser était le débat politique. Il avait cependant des souvenirs cauchemardesques  où il nous décrivait un petit homme qui s’était pendu à Drancy à un porte-manteau …

Hier soir, dans l’attente alors que le vie s’efface, je me suis rendue dans son bureau. Il était comme le reste de l’appartement une véritable caverne d’Ali Baba, objets précieux, tableaux, meubles tout témoignait de son goût et de celui de son épouse. Tout à coup dans un coin, deux chandeliers. L’un comme il se doit à sept branches, celle centrale étant celle du judaïsme et les autres les religions issues de lui, c’est ce qu’on appelle le chandelier juif et à côté un hannoukkia, le chandelier à huit branche que l’on allume pour hanouka. Et ce qui m’a bouleversée aux côtés d’autres objets juifs, l’étoile jaune, celle que les nazis imposaient aux juifs et un peu plus loin un petit insigne mêlant le drapeau d’Israêl à celui de la Palestine. Les larmes me sont montées aux yeux j’ai demandé à son épouse qu’est-ce que c’est, elle m’a répondu: « c’est son coin juif. Il m’a demandé de lui fabriquer cette étoile jaune sur un morceau de soie. » Une fidèle reconstitution…

Sa vie était un puzzle et ces petits vestiges de judaïsme était la pièce qui donne sens à l’ensemble, la plage, le goût des autres, le croisement qui lui est propre avec l’humaine condition.

Souvenez-vous de Belle du Seigneur, le roman  d’Albert Cohen… N’oubliez pas le contexte, l’illusion que la Société des Nations peut empêcher la guerre, les discours vains, 1935, Hitler est au pouvoir, l’Europe est en train d’être séduite comme l’a décrit Brecht dans Arturo UI, l’Autriche devant le cadavre du chancelier Dolfuss se laisse séduire par Richard III, le monstre nazi, le gangster qui étale son imbécilité brutale de commis du trust du chou-fleur. C’est dans ce contexte que    le héros vient séduire la femme qu’il aime déguisé en juif en haillons, un vieillard édenté, méprisé de tous, il lui adresse le plus beau discours d’amour qui se puisse imaginer mais la belle a peur de ce vieillard hideux, il la séduira sous son apparence ordinaire, un bel homme, haut fonctionnaire de la Société des Nations. Et leur histoire est voué au drame de la jalousie, de l’enfermement, à la fuite, l’exode et le suicide…  .

On croit parfois trouver des frères et puis un jour on s’aperçoit qu’ils n’ont rien compris du moins à ce qui vous paraît essentiel et qu’ils exigent de vous une comédie à laquelle vous ne sauriez vous résigner alors discrétement vous déposez sur l’autel de vos humbles déchets, un caillou, encore une particularité il n’y a pas de fleurs sur les tombes juives, le parent, l’ami met un caillou  pour manifester un passage…. Je ne veux plus éprouver cette répulsion qu’Agnès décrit ce temps où des petites filles en tablier de Vichy  chantaient « maréchal nous voilà! » ou encore ce plan où les gendarmes français viennent chercher des enfants juifs pour les envoyer en camp de concentration, vous n’y pouvez rien mais entre vous et moi il y a ces images là et rien que de savoir que vous êtes prêts à remettre ça, la nausée me prend… Alors il y a le flou, une autre image, un tableau, un miroir, un enfant en train de se laver dans une cuvette, jacquot de Nantes… Et alors être vieux est une bénédiction, vous vous émerveillez de ce que la vie vous apporte encore , cette lutte avec l’ange qui vous laisse estropié mais curieux jusqu’au bout. et s’il se trouve un imbécile pour ne pas comprendre vous refermez doucement la porte en lui disant « excusez-moi je n’ai plus de temps à perdre »…

Danielle Bleitrach

Delacroix: Jacob-Israël luttant contre l’ange

Livre de la Genèse, chapitre 32, 23-32 (traduction Bible de Jérusalem)

« Cette même nuit, il se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants et passa le gué du Yabboq. Il les prit et leur fit passer le torrent, et il fit passer aussi tout ce qu’il possédait. Et Jacob resta seul. Quelqu’un lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore. Voyant qu’il ne le maîtrisait pas, il le frappa à l’emboîture de la hanche, et la hanche de Jacob se démit pendant qu’il luttait avec lui. Il dit : Lâche-moi, car l’aurore est levée, mais Jacob répondit : Je ne te lâcherai pas, que tu ne m’aies béni. Il lui demanda : Quel est ton nom ? – Jacob, répondit-il. Il reprit : On ne t’appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort contre Dieu et contre tous les hommes et tu l’as emporté. Jacob fit cette demande : Révèle-moi ton nom, je te prie, mais il répondit : Et pourquoi me demandes-tu mon nom ? et, là même, il le bénit. Jacob donna à cet endroit le nom de Penuel, car, dit-il, j’ai vu Dieu face à face et j’ai eu la vie sauve. Au lever du soleil, il avait passé Penuel et il boitait de la hanche. »

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1 commentaire

Publié par le mars 30, 2019 dans CINEMA, HISTOIRE, mon journal

 

Une réponse à “la lutte de l’ange ou la fin d’une petite rondouillarde qui raconte sa vie…

  1. INCONNU

    mai 23, 2019 at 10:08

    Ne t’inquiète pas bleitrach un jour tu auras un humain qui te détruira comme le mal que tu as fait aux gens. T’es écrits ne sont que tes vérités, mais ne semblent pas être la réalité.

     

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