
Il y a 5 minutes j’ai reçu un message de Rémy Herrera m’annonçant la mort de Jean Salem, notre ami camarade, un grand intellectuel marxiste, professeur de philosophie à Paris-Panthéon la Sorbonne, un être pétri de lumière, fidèle et menant son combat sans faille et pourtant avec cette amitié, cette courtoisie attentive, ce sourire que même la maladie n’arrivait pas à altérer, comme s’il avait atteint l’ataraxie, la tranquillité de l’âme décrite par le poète matérialiste Lucrèce dont il été un des exégèses.
Il ne faut pas craindre la mort cet ultime trouble de l’âme: « La mort n’est donc rien pour nous et ne nous touche en rien, puisque la nature de l’âme apparaît comme mortelle. » Comme « aucun malheur ne peut atteindre celui qui n’est plus », vouloir prolonger la vie quand elle n’apporte plus que souffrance est donc absurde (III, 940).
Adieu mon cher compagnon c’est moi qui ressent le trouble indécent d’être privé de toi, moi et nous tous qui t’aimions tant, Aymeric, Remy, tous ceux que tu as accueilli dans ton séminaire. D’autres et ce ne sera que justice parleront de ton parcours scientifique: de la quarantaine d’ouvrages que tu as publiés, du fait que tu fus lauréat de l’Académie française que tu avais une formation en philosophie, économie, en histoire, sciences politiques, en anglais, ainsi qu’en Art et Archéologie ce en quoi là encore c’est le bagage de Marx pour construire cette nouvelle science, le matérialisme historique. Comme lui qui fit sa thèse estudiantine sur Démocrite et Épicure tu as commencé par une étude du matérialisme dans ses origines grecques et latines, pour déboucher sur un séminaire Marx au XXIe siècle où tu nous as invitées Marianne et moi, tu étais devenu un pôle de création et de diffusion auquel personne n’osait toucher. Quand je t’ai vu la dernière fois, tu était déjà cet homme à la cervelle d’or distribuant dans un ultime geste militant ces rognures de sang et d’or comme ton père donna son corps à la torture pour l’indépendance de l’Algérie contre le colonialisme… Et lui et toi vous avez donné votre esprit et votre corps, feignant d’ignorer la douleur avec ce merveilleux bonheur et ce sourire à l’idée que tout ce qui se doit être accompli pour qu’une vie vaille la peine d’être vécue, vous l’avez fait avec tranquillité et modestie mais une sorte d’entêtement discret, ce qui devait se faire, dans les limites de vos possibilités. Un intellectuel communiste qui a voulu rester révolutionnaire dans des temps de contre-révolution…
Danielle Bleitrach
Gilbert Rémond a écrit ce très beau texte après le mien et il me dit que les camarades de Vénissieux envisagent de lui consacrer un hommage:
Danielle dit en deux mots l’homme qu’était Jean Salem. Il était pur et droit. On ne pouvait pas en douter dès l’instant où vous le croisiez. Sa voix, son regard étaient chargés d’une force tranquille qui tout de suite vous accordait le sentiment d’avoir pour lui de l’importance, donc d’exister, d’avoir une dignité et de mériter de l’intérêt: le propre du philosophe. Il était celui qui vous fait être avant tout chose et avant lui-même.
Il était fils d’Henri Alleg, n’en faisait pas une carte de visite mais en portait la force intérieure. Élevé en union soviétique, parce que son père avait dû s’y réfugier pour fuir la répression colonialiste dont il était victime, il ne manquait pas de défendre la première expérience socialiste et de lui prouver sa reconnaissance pour l’accueil dont il avait bénéficié, l’engagement internationaliste dont elle faisait preuve et la qualité de son enseignement. Peu enclin a céder aux modes et aux facilités de l’idéologie ambiante, il disait, avec l’esprit de combat qui était le sien en toute circonstance dans « Résistance », un livre d’entretiens publié chez Delga :
» Il y en a assez peu pour qui le problème central c’est le problème du léninisme, de la construction d’un parti susceptible de mettre par terre le vieux monde. Et de préparer la suite, c’est à dire la prise du pouvoir. Ce qui est certain, c’est que dans l’université française telle quelle est, y compris dans sa frange la plus radicale, on croise de préférence un intérêt soutenu pour la théorie doublée ici ou là par une certaine sympathie pour ce qui se passe à l’extrême gauche du champ politique, mais guère plus.-Aussi ne lance-t-on plus beaucoup d’anathème, comme on le faisait au « bon vieux temps ». Sauf sur une question hénaurme et néanmoins très précise: il existe désormais, je le répète et je pourrai le marteler à l’envi, une sorte de jouissance à exclure d’emblée tout ce qui ne se fonde pas sur l’axiome en vertu duquel, tout absolument tout est à jeter et à rejeter, dans le socialisme réel, dans l’expérience des régimes de type authentiquement socialiste qui ont eu cours pendant une grande partie du XXè siècle ».
Jean Salem avait lancé et organisait un séminaire sur Marx à la Sorbonne en collaboration avec Aymeric Monville, qui était d’une rare tenue et d’une qualité reconnue dans les milieux authentiquement marxistes, espérons que ses collaborateurs et amis pourront le poursuivre, puisque comme il l’expliquait tout est à jeter et rejeter de ce qui concerne le socialisme réel dans ces sphères savantes. Jean Salem je te salue avec beaucoup d’émotion.
Gilbert Rémond
il y a 5 minutes j’ai reçu un message de Rémy Herrera m’annonçant la mort de Jean Salem, notre ami camarade, un grand intellectuel marxiste, professeur de philosophie à Paris-pan…
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Jeanne Labaigt
janvier 14, 2018 at 7:04
Hunc igitur terrorem animi tenebrasque necessest
non radii solis neclucida tela diei
dicutiant,sed naturae species ratioque
Ces terreurs,ces ténèbres de l’âme, il faut les dissiper.
Le soleil ni l’éclat du jour ne les transperceront,
mais la vue et l’explication de la nature
Aux livres I, II, III et VI Lucrèce reprend ces trois vers comme un refrain qui tendent vers cette extraordinaire expression: « Sed naturae species ratioque »
« La vue et l’examen de la nature », « la structure et la raison » des choses, la polysémie poétique des mots latins, actifs et passifs à la fois (ne dit-on pas « vue » en deux sens en français dans « belle vue » et « bonne vue »), tout tend chez Lucrèce à nous dire la lucidité nécessaire sur notre condition.
Ne pas s’esclaffer, ne pas sangloter mais comprendre dira Spinoza (un autre de la même famille).
Le matérialiste (mécaniste) et si grand poète Lucrèce, le fondateur du matérialisme historique et dialectique Marx, et la vie, vue ouverte, l’ ouverture au monde et la pratique communiste de Jean Salem se rejoignent.
L’amitié des épicuriens entouraient bien longtemps après sa mort Epicure, l’amitié, la camaraderie des communistes entoure Jean Salem.
jean sans terre
janvier 15, 2018 at 1:09
Profonde tristesse à l’annonce du décès du camarade Jean Salem, philosophe, communiste.
Fidèle ami de l’URSS.
C’est un camarade qui disparait, un communiste du temps des orages, qui n’a pas failli après la défaite du camp socialiste.
Je ne connaissais pas Jean Salem personnellement sauf à lire deux de ses livres « une écriture frivole des écritures » sur Feuerbach et son livre « Lénine et la révolution ».
Jean Salem organisait des rencontres marxistes dont on peut voir les vidéos sur le net.
Jean Sans Terre
___________________________________________________________
Quatrième de couverture du livre de Jean Salem au éditions Encre marine « Lénine et la révolution ».
CONCERNANT L’IDEE DE REVOLUTION, six thèses principales paraissent ressortir d’un examen systématique des Oeuvres complètes de V.I.Lénine.
1°/ La révolution est une guerre ; et la politique est, de manière générale, comparable à l’art militaire.
2°/ Une révolution politique est aussi et surtout une révolution sociale, un changement dans la situation des classes en lesquelles la
société se divise.
3°/ Une révolution est faite d’une série de batailles ; c’est au parti d’avant-garde de fournir à chaque étape un mot d’ordre adapté à la
situation objective ; c’est à lui de reconnaître le moment opportun pour l’insurrection.
4¨/ Les grands problèmes de la vie des peuples ne sont jamais tranchés par la force.
5°/ Les révolutionnaires ne doivent ni ne peuvent renoncer à la lutte en faveur des réformes.
6°/ A l’ère des masses, la politique commence là où se trouvent des millions d’hommes, voire des dizaines de millions. Et les foyers de
la révolution tendent à se déplacer vers les pays dominés.
Jean Salem, professeur à la Sorbonne, montre ici l’intérêt ainsi que l’actualité de ces ces thèses que, durant le dernier quart de siècle,
bien des gauches respectueuses ont reléguées sour l’éteignoir, désavoués avec virulence ou, tout simplement, censurées.
Micheline BELLE
janvier 16, 2018 at 2:07
Information donnée par le Cercle Universitaire Etudes Marxistes :
L’inhumation de Jean Salem aura lieu demain mercredi au cimetière Saint Louis 8 rue Monseigneur Gibier à Versailles à 11h15